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Citations de Gilles Stassart (13)


Mingoleq, couche de neige fine, Mingullaut, neige fine qui s’infiltre et se dépose sur les objets, Mituk, une pellicule de neige fine sur un trou, Munnguqtuq, la neige compressée qui s’adoucit au printemps, Nargrouti, un morceau de neige pour boucher un trou qui goutte dans un igloo, Nateq, le sol d’un igloo, Niktaalaq, neige portée par le vent. Cinquante-deux façons de désigner la neige en inuktitut. Pigangnuit, banc de neige formé par les vents du sud-est, Piqsiq, neige soulevée par le vent, Pukak, neige cristallisée qui s’effrite, Qaniktak, neige récemment tombée et qui s’accumule sur le sol, Qannialaaq, neige fine qui tombe, Qeoraliaq, neige brisée…
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L’entrée du sanctuaire du Nunavut intérieur, un passage naturel, un goulet incontournable pour toutes les espèces. La morue, les phoques barbus, du Groenland, annelés, les morses, les narvals, les bélugas, les baleines boréales, les orques et les oiseaux aussi, les sternes arctiques, les mouettes, les oies des neiges… Un espace luxuriant où tous et tout convergent et que tous convoitent pour sa richesse, pour ses accès, les routes qu’il distribue. Une zone de prédation et de reproduction, où l’on s’entre-tue, où l’on tente de s’échapper. Jack adorait cette bande de mer. (…)
À mon sens, la destruction de ce sanctuaire et de la culture inuite était bien évidemment un désastre pour les autochtones mais aussi pour l’ensemble de l’humanité qui perd ainsi la diversité de ses relations au monde.
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Les Inuits perçoivent leur environnement naturel, la faune et la flore comme le prolongement de leur corps physique. Cet espace qui s’étale devant mes yeux est un morceau de moi. J’en suis responsable, comme je suis responsable de mon corps devant les générations qui en découleront. Comment ne pas essayer de faire passer cette idée, convaincre les climatosceptiques, les fous de la grande industrie, qui s’apprêtent à sacrifier l’avenir de leurs rejetons, voire le leur ? Comment l’humanité a-t-elle fait pour arriver à un tel niveau de détestation d’elle-même ?
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Notre langue n’est pas seulement orale, c’est aussi une écriture dont les signes formant l’alphabet sont la nature qui nous environne. C’est notre livre à nous, comme la Torah est celui des Juifs.
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En 1953, il y a peu finalement, en pleine guerre froide, une guerre de Blancs, qui s’étendait et frappait par capillarité les hommes de couleur. Une guerre qui allait nous faire connaître à nous ce que c’est que le froid : cynisme de cette guerre. Truman avait voulu installer des missiles sur nos terres. Mais le gouvernement d’Ottawa, soucieux de son indépendance, refusa cette protection qu’il estimait être une annexion. Dominer sans être sous domination. Et nous ? Comment pouvions-nous regarder et comprendre ce marché ? On nous a déportés, pour marquer la souveraineté canadienne au pôle, au nord. Des hommes pour remplacer les missiles. Un jeu, des pions, un petit drapeau collé sur un cure-dent et fiché sur une carte, au sommet arrondi de la planète où tous sont si proches. Le gouvernement nous a déportés là où nul d’entre nous n’avait jamais eu l’idée de vivre : au nord du Nord, bien au-delà de la limite du cercle arctique. Que peut bien être un chez-soi lorsqu’on est nomades, mis à part le monde ? Quel est le chez-soi d’une grande oie des neiges parcourant au vent 15 000 km pour se rendre dans ses quartiers d’été ? La propriété, la possession, est un poison comme l’alcool, inconnu de nous autres, dont la survie repose nécessairement sur la cohésion du groupe. Tout est à tous. La répartition, le partage des ressources et des espaces avec les autres espèces, celui des femmes et des hommes entre les femmes et les hommes, sont la clef. Les codes d’une loi tutélaire nous interdisent de revendiquer la propriété d’un lieu, d’étendre un pouvoir politique sur une zone de chasse. Nous passons sans nous arrêter, sans posséder, sans menacer les autres espèces, nous prélevons davantage que nous ne chassons, en respectant, en préservant la vie et la génération de ces animaux qui nous constituent. Nous ne possédons que nos vêtements, nos armes, nos traîneaux… Ironie du nord, que de nous déporter nous autres nomades, pour revendiquer le droit au sol de ce nouveau monde. Des familles inuites du Nord-du-Québec, porte-étendards de la nation canadienne. Tu seras chez toi et ce sera chez moi. Quelle idée stupide, quelle idée géniale. On nous a dit qu’on aurait des maisons, du gibier et, qu’au bout d’une année, on serait rentrés. Mais rien. Pas de maison, pas de faune connue, pas de retour. La nuit infinie de l’hiver et le jour infini de l’été. Une poignée de naïfs en provenance d’Inukjuak, des égarés dans un environnement inconnu, loin du caribou, du bœuf musqué et des espèces avec qui nous partagions habituellement le monde. Un point arbitraire, stratégique, un doigt posé sur une carte géopolitique. Les mots meurtriers d’un Premier ministre à la Chambre des communes et l’arrachement. Nourrir un jeu de dupes et contenir l’URSS, immense et menaçante. Nos corps ont survécu avec la voie providentielle des baleines, des ours, avec la petite dizaine d’espèces que l’on trouve de ce côté du cercle. Grâce à la forteresse repoussante de ce froid extraordinaire, nos âmes ont survécu aux avatars du progrès venus hypocritement nous sauver.
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Depuis, la banquise a perdu la moitié de sa surface. Bientôt la zone sera à découvert, les eaux libres. Ici se croiseront, sans discontinuer, allers et retours, des porte-conteneurs. Toutes les marchandises assemblées dans les usines asiatiques iront par Lancaster satisfaire la fringale des consommateurs de la côte est des États-Unis, de l’Europe, pourquoi pas de l’Afrique. Le goût du profit est plus fort que le plus fort des ours polaires. Tout ce qui ne crèvera pas s’adaptera à cette nouvelle ère. Il n’y aura, cette fois, plus aucun refuge, plus de pôles.
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C’est pas parce qu’on te prive de ta liberté que lorsque tu la retrouves tu te sens libre. Au contraire, tu sors avec la prison en toi et tu la portes sur ta peau avec le reste des fardeaux que cette putain de vie a foutus sur ton dos.
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Laisse les montagnes t’accompagner. Elles te prendront par la main du coeur jusqu’à l’île Coburg. Là tu aligneras Cambridge Point et le monument de la princesse Charlotte et tu prendras ce cap et tu trouveras. Les consignes de Dalia, rédigées en anglais sur un mot trouvé au fond de la poche de ma parka. Une peau de saumon, un cuir replié, contenant trois cartouches pour sa carabine. Puis, une écriture régulière, maîtrisée, couchée comme une caresse, l’empreinte de l’un de ses doigts taché de l’encre d’un stylo baveux. La direction qu’elle me donne à suivre de son index. Ce message a rejoint mon dessin d’enfant dans une pochette en cuir de phoque que je porte autour du cou. Les seuls documents que je possède. Pas d’argent, pas d’identité officielle. Je deviens le vent qui me porte et les cent soixante-dix milles qui me séparent de l’île Coburg paraissent proches à l’oiseau que je sens en moi déployer ses ailes.
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Il n'y a pas de place pour les animaux magiques dans cette nouvelle ère que vous, les hommes, nous proposez.
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Chez les Inuits, en voyage, on compte le temps par le nombre d’igloos érigés pour dormir, passer ce temps qui s’appelle la nuit, mais qui ici n’a pas plus de sens, tant elle dure.
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L’un protège la harde de caribous, sait la faire prospérer, l’autre la consomme pour sa seule satisfaction et détruit par répercussion le chasseur qui en dépend. L’un partage avec, lorsque l’autre possède contre.
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Il jette un regard automatique par-dessus le comptoir pour s’assurer qu’aucun client ne le voit, fait rouler dans sa paume le bouchon à vis de la flasque de vodka, baisse la tête et avale une lampée longue, avide. Derrière le hublot de la porte d’entrée du magasin coopératif, la neige poursuit sa chute molle. L’éclairage urbain au sodium paille change en pépites d’or de gros flocons. 2:30 pm. L’une de ces journées de février bouchées où, dans les reflets de l’ombre, se laisse deviner parfois la lueur du crépuscule permanent.
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Ma génération est la dernière à avoir, dans la crainte, entendu la parole des chamans. Ces hommes et ces femmes étaient la clé de notre société, le bloc de neige de la voûte, celui qui assure la cohésion de l'igloo, guérisseurs, prêtres, hommes politiques, météorologues, démographes, historiens, pédagogues, psychothérapeutes, juges... Avec leur disparition, la porte de l'environnement complexe qui nous entoure s'est refermée. Leurs connaissances , universelles, s'avéraient si fragiles, du fait de la transmission orale, qu'elles n'ont pas survécu aux attaques de la pensée occidentale qui range le monde dans des classeurs. Penser comme un blanc, ici, est un suicide.
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