Citations de Hélène Cadou (117)
Les mots que je n'ai su te dire
Qui te les dira maintenant
Est-ce la goutte d'eau pure
Dont la rose n'a pas voulu
Ou bien la nuit comme un étang
Qui dort sur nos souvenirs?
Parfois on trouve au fond des jours…
Parfois on trouve au fond des jours
Un noyau d’ombre
Ou bien au fond d’un cœur paisible
Une pierre qui soudain fait mal
Parfois sur un regard aimé passe un nuage
Moins qu’une brume
Par les jours trop chauds de l’été.
Que dire ô mes visages
Lorsque monte de toutes parts
L’haleine amère du malheur ?
Je voudrais vous parler des pays
Qui s’ouvrent sur le ciel
J’adore la mer à l’horizon
Et le soleil qu’on croit saisir
Comme un fruit mûr
Mais pour fondre la pierre noirâtre du silence
Il faudrait des fontaines familières
Une main qui change le cours du monde
Et le sommeil limpide sous les arbres.
L'obscur me gagne
J'assiste à la montée sévère
De la nuit
Alerte à ceux que j'aime
Il s'agit d'eux
Pour mettre le monde à neuf
Il faut poncer jusqu'à l'os
Dégager le juste appareil
De la ronce et de l'illusoire
Vous polirez vos couteaux
Et mêlerez la pierre au sang
D'un siècle beau comme un dieu
Qui enfante
La vie pour la première fois.
Dans les caves
Dans le sous-sol abject de la vie
Puiser toujours puiser
Même si les coups les haillons la fièvre
Même si les murs
Avec toujours avec
Dans le déchirement
L'absence
Avec des lambeaux d'amour
Des wagons sans espoir
Parce que bleu
Parce que jour
Parce que vrai.
Et moi l'aveugle aux yeux ouverts
Qui secoue dans le ciel de juin
Comme une averse de pollen
La poussière de mon destin.
Et qu'hier à venir
Ait le nom d'aujourd'hui
Que ce nom soit le tien
Le seul au fond du puits
Oui j'irai boire à l'heure
De ma mort de ta vie.
Dans
La rivière
De ton rire
L'amour prend son bain.
Si ton visage
Qui se dessine comme une épure
A la rencontre du bonheur
Se refermait sur la famine
Je
N'aurais plus ni regard
Ni bouche pour la parole
Ni main pour saisir le soleil
Je serais là
Comme je suis
Dans l'attente de toi
Qui te lèves à mon horizon
Chaque matin pour que je veille.
Puisque ce lieu me fut natal
Toujours je reviendrai
Sur la plage de Lanséria
...
Toujours je reviendrai
Vers ce village sombre
Où les rêves sont blancs
Où le sel dans sa fleur
Garde les souvenirs.
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L'été se répand comme un vin
Le soleil donne à chacun sa chance
On accourt de toutes parts
Pour voir la mer qui respire
Une femme toute nue
Se tourne vers le ciel
Et se vêt du regard
D'un homme dont les épaules
Portent le jour à son zénith.
Une minute de vie
Au bord de la fontaine
Vaut toutes les aventures
Sur les océans de la terre
Je connais les marins
Les durs jurons du malheur
Nulle amertume n'est aussi profonde
Qu'un souvenir muet sous la lampe
Parce que je vous aime Ö combien !
Le monde a pouvoir sur moi
Et dans les rides de vos mains
Je gagne le droit de sourire.
Le cheval tourne chaque année
Qui va rester pressoir d'automne
Quand je reviendrai ?
Verger verger mouillé
Garde mon coeur comme une motte
D'herbe sous les noisetiers.
Dors mon enfant gavé de lys et de silence
Dors sur le grand vaisseau qui traverse le temps
La nuit est douce.
Une porte…
Une porte
Entre ici
Et là-bas
Ne s’est jamais refermée
Tu vas
Tu viens
Avec la mer
Avec les grandes marées
Du cœur
Si un jour
Tu ne revenais plus
Sur ce rivage
Je saurais que la mort
Lasse d’attendre
Se dresse
Juste
Derrière mon épaule
Prête à jeter
La clé
Dans la nuit
Sans retour.
Je n’ai jamais bien su…
Je n’ai jamais bien su le langage des vivants
Et j’essaie en vain d’accorder mon âme
À ceux qui parlent savamment.
Vienne une autre vie avec sa corbeille d’espoir
J’y mettrai mes actions perdues
Mes phrases dérisoires
Et cette étendue sans chaleur
Qui me sépare des humains.
Nommez-moi les choses
Afin que j’apprenne à les tenir dans ma main
Donnez-moi le nom secret des êtres
Afin qu’en eux mon cœur pénètre
Comme une eau douce au mois de Juin.
J’écoute un chant qui ne peut plus s’éteindre
Qui porte en lui tous les bonheurs et tous les cris
Est-ce une flûte ? Est-ce une lampe
Que tu me tends ô poésie ?
Je marche à la rencontre du jour
Et je vois la beauté invisible du monde
Telle une haute flamme
Dans les regards amis.
Il faisait froid …
Il faisait froid comme aujourd’hui
Je te voyais à travers la vitre embuée
Sur le trottoir d’une quelconque auberge
De notre pays
Tu étais bleu comme la fumée de ta cigarette
Pâle comme le mort que tu es devenu
Et moi
Perdue au fond de ce vieil autocar
Par ce temps froid de givre bleu d’étoile nue
J’apercevais soudain pour la première fois
Derrière la vitre
Derrière le givre de ton image éternelle
Toi tu rêvais dans la fumée bleue
De ta cigarette
Mais moi déjà je savais qu’un soir
Le vieil autocar repartirait sans toi
Qu’un soir dans les cahots de la vie défaite
J’emporterais ton image agrandie jusqu’au ciel
Serrée contre mon cœur inutile.
Le soleil
Griffait les tuiles
Nous dormions
Entre deux cils de lumière
Et tes mots
Avaient la douceur des mains
Ton rêve et le mien
N'étaient qu'un fruit
Sur nos lèvres
L'après-midi
S'ouvrait jusqu'à la mer
Trop tard déjà
Pour arrêter le temps
Emigrante
De moi-même
Je cherche
Une impossible demeure
Mon seul bagage
Est ma mémoire
Qui s'allège
Au fil des temps
A terme
Il suffira d'une buée
D'une petite chose
Poignante
Comme
Un pan d'écharpe
Sur ton épaule
Pour y loger
Notre amour
Quand la terre
Tombera dans la fosse