Citations de Hélène Cadou (117)
Je sais que tu m’as inventée
Que je suis née de ton regard
Toi qui donnais la lumière aux arbres
Mais depuis que tu m’as quittée
Pour un sommeil qui te dévore
Je m’applique à te redonner
Dans le nid tremblant de mes mains
Une part de jour assez douce
Pour t’obliger à vivre encore
Le soleil
Griffait les tuiles
Nous dormions
Entre deux cils de lumière
Et tes mots
Avaient la douceur des mains
Ton rêve et le mien
N'étaient qu'un seul fruit
Sur nos lèvres
L'après-midi
S'ouvrait jusqu'à la mer
Trop tard déjà
Pour arrêter le temps
Quand j'ouvris les yeux
Je la vis
Une voile passa
Pour te dérober
Mon regard.
Le monde est mon beau voyage
La mer ma robe de fête
Le vent
Mes sandales de feu
Chaque feuille
Est un mot que j'aime
Chaque oiseau
Me redit ton nom
La terre tourne
Et tu me reviens
Toi le même
A chaque saison
(" Le livre perdu")
Une étincelle dans la neige
Les roses sous les doigts du gel
Sont moins fragiles que mon coeur
Pour vivre il me faut ton visage
Le ciel posé comme un miroir
Sur l'eau secrète d'une source.
Je sais que tu m'as inventée
Que je suis née de ton regard
Toi qui donnais la lumière aux arbres
Mais depuis que tu m'as quittée
Pour un sommeil qui te dévore
Je m'applique à te redonner
Dans le nid tremblant de mes mains
Une part de jour assez douce
Pour t'obliger à vivre encore
( hommage émouvant à son mari...)
Quand le matin
Décide d'être beau
Le coeur comme un navire
Prend le large
Il y aurait beaucoup à dire
Sur la lumière
Et sur l'étrave
Qui rend glorieux
Ce bois
Dont les vivants sont faits
Il faut revenir pas à pas
Vers la seule fenêtre ouverte
L'avenir est là
Comme un enfant qui rit.
Il reste assez de jour
Pour guérir une forêt
Assez d'arbres
Pour croire à l'aurore
Un grand coup de ciel sur ta vie
A fait le monde pur
Comme un drap gonflé par le vent.
(" En ce visage, l'avenir")
Pour apprivoiser l'ombre
Il me suffit d'un arbre
Pour approuver le vent
Il me suffit d'une herbe
D'un souvenir
Pour que le ciel s'éclaire
De ton regard
Pour donner un sens au monde
(" Retour à l'été")
C'est un automne d'autrefois
Sous les fenêtres d'aujourd'hui
C'est un matin où tu écris
Des lettres qui n'arrivent pas
Le ciel verse sa gibecière
De papier bleu et d'oiseaux morts
Les feuilles d'or sont des poèmes
Que nous n'aurons jamais su lire
Les yeux sont muets et la pluie pleure
Sur des trains perdus à jamais
Où te chercherai-je
Si je n'ai la clef
Des mille serrures ?
Sous la mer qui bat
Comme un cœur dément
Ou bien dans l'écume amère des nuits ?
Comme une racine
Qui surgit des vagues
J'aurai cru parfois
Pouvoir te saisir
Mais le souvenir
De nouveau s'efface
Sous l'eau la plus vide.
Il me restera
De croire au matin
Contre tout espoir
D'être cet enfant
Qui apprend à vivre
Et qui tient sa lampe
Comme une fleur triste
Battue dans le vent.
Encore
Un dimanche à rêver
Sur les collines
Encore
Au jardin
L'ombre du frêne
Et la longue lecture
Des riches heures
De l'été
Quand le monde à notre porte
Nous verse en milliers d'éclats
Sa beauté.
(" Si nous allions vers les plages")
Matin
D'entre les matins
Printemps surgi
Dans un éclat
De fleurs de feuilles
Et de lumière
Pour moi
Toujours
Premier anniversaire
Du jour où t'emporta le vent
Les poètes
Profèrent
Chacun avec sa voix
Son cri
Ce chant
Qui enveloppe la terre et les étoiles
Jusqu'aux confins
De l'univers
Et c'est une même poésie
Pleine de larmes et de rires
Une poésie vaste comme la nuit
Qui chante pour chacun
Quand s'ouvre sur le monde
Une fenêtre claire.
(" Le prince des lisières")
Comme une fenêtre qui s'ouvre
Comme une rose qui s'éveille
Je te retrouve chaque jour
Toi qui me donnes la raison
Par toi je dispose du ciel
Et j'ose prendre sans remords
Ma part vivante des choses.
S'il est dans l'ordre de l'été
Que chaque arbre ait double visage
Je me nourris de ta lumière
Et ne veux plus être pour toi
Que ton poids d'ombre sur la terre.
Imminence
Du regard
Du toucher
De l'écoute
Doigté
De l'éveil
De la peau qui découvre
Sans clef
Sans voix
Le goût du jour.
Notre demeure
A sept fenêtres
Le savais-tu?
Sept fenêtres
Pour boire le ciel
Et nous y perdre
Sept fenêtres
Pour nous aimer
Comme des fruits
Dans le feuillage de l'été
(" Retour à l'été ")
Donnez-moi le nom secret des êtres
Afin qu'en eux mon coeur pénètre
Comme une eau douce au mois de Juin.
J'écoute un chant qui ne peut plus s'éteindre
Qui porte en lui tous les bonheurs et tous les cris
Est-ce une flûte ? Est-ce une lampe
Que tu me tends ô poésie?
Je marche à la rencontre du jour
Et je vois la beauté invisible du monde
Telle une haute flamme
Dans les regards amis.
Le jour s'éveille en colombe
Sur la gorge de la lumière
Je ris de voir que tu es là
Et que le monde en vaut la peine
Le ciel respire ce matin
A la mesure du bonheur
Et la route s'ouvre au soleil.
Les mots que je n'ai su te dire
Qui te les dira maintenant
Est-ce la goutte d'eau pure
Dont la rose n'a pas voulu
Ou bien la nuit comme un étang
Qui dort sur nos souvenirs?
Ce soir
La nuit est bleue
Avec un parfum de girofle
Sous la pierre lente et chaude
Tu vas et viens
De ton coeur
Au jardin
Et le pouls des planètes
Pourrait cesser de battre
Sans que la peur ne soit nommée
Dans la douceur des choses
( " A contre-silence")