Je menais une existence à peine plus palpitante qu'une parodie de l'ébriété.
Se faire une langue fourchue est d’habitude un truc de cinglés. On appelle ça « modification corporelle ». Mais ça ne m’a pas empêchée de l’écouter avec attention m’expliquer comment on s’y prenait. Apparemment, on commence par se faire percer la langue. Puis on agrandit peu à peu le trou en y insérant des implants de plus en plus gros. Ensuite, quand le trou a atteint une certaine taille, on y installe du fil dentaire ou du fil de pêche en anneaux très serrés qui vont du trou jusqu’au milieu de la langue. Enfin - et c’est la phase de l’opération qui n’est pas pour les poules mouillées - on tranche la partie restante de la langue encore intacte en utilisant soit un scalpel soit une lame de rasoir. En fait, certaines personnes ne prennent même pas la peine de suivre ce processus de piercing et de nœuds très serrés -, elles se fendent tout simplement la langue en deux avec un scalpel.
Si t'étais Dieu, quel genre d'hommes créerais-tu ? Demandai-je.
Je ne voudrais pas changer leur aspect. Mais je voudrais les rendre stupides comme des poulets. Si stupides qu'ils n'iraient jamais jusqu'à imaginer l'existence d'un dieu.
Je désirais mener une vie imprudente, laisser derrière moi un beau cadavre dans ce monde terne et sombre.
- Si tu étais Dieu, quel genre d'êtres humains créerais-tu ? demandai-je.
- Je ne changerais rien à leur apparence. Mais je les rendrais idiots comme des poulets. Si idiots qu'ils n'imagineraient même pas l'existence d'un Dieu quelconque.
J'ai entendu un bruit métallique et des frissons beaucoup plus violents que ceux de l'orgasme m'ont secoué tout le corps. J'ai soudain eu la chair de poule sur les bras, un spasme a parcouru mes membres. Mon ventre s'est crispé et, je ne sais pas pourquoi, ma chatte aussi, où j'ai ressenti une démangeaison proche de l'extase. Le pistolet à piercing s'est ouvert en claquant, lâchant le clou.
Cette douleur constante me rendait aussi très irritable et, à cause de mon égoïsme habituel, je mettais tout sur le dos de ce pauvre Ama. Je suis comme ça, voilà tout : dotée de toute l'intelligence et du sens moral d'une guenon.
Le simple fait de regarder ton visage réveille le sadique en moi. Eh bien, comme je suis masochiste, j emets sans doute ce genre de vibrations, dis je.
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Je me dis souvent que, si le soleil éclairait jusqu'au moindre recoin de la planète, je trouverais le moyen de me métamorphoser en ombre.
Je désirais seulement faire partie d'un monde souterrain où le soleil ne brillerait jamais, où l'on entendrait jamais de sérénade.