Citations de Iain Reid (46)
On parle de résilience, cette capacité à endurer tout et n’importe quoi, à tenir le coup, à être fort. Mais ce n’est faisable que si on n’est pas seul. Tel est le socle de nos existences : cette proximité avec autrui. Si on est seul, tout n’est plus qu’une question de survie.
Il est très rare que les autres sachent tout ce qu’on pense. Même ceux dont on est proche, ou apparemment proche. Peut-être est-ce impossible. Même dans les mariages les plus solides, les plus soudés, les plus heureux, les conjoints ignorent ce qui trotte dans la tête de l’autre. On n’est jamais dans la tête de l’autre. On ne peut jamais connaître réellement ses pensées. Or, ce sont les pensées, l’important. Les pensées, c’est la réalité.
Une action peut être trompeuse.
Comme Jake est un brillant causeur, l’un des meilleurs que j’aie jamais rencontrés, je m’attendais à retrouver cette qualité chez ses parents. Je croyais qu’on parlerait travail, et peut-être même politique, philosophie, arts plastiques, etc. Je croyais que la maison serait plus vaste et en meilleur état. Je croyais qu’il y aurait plus d’animaux vivants.
Il me semble que, l’idée répandue, c’est que la peur est une émotion passagère. Une émotion vive et percutante, mais qui ne dure pas. Ce n’est pas vrai. L’anxiété ne s’estompe pas, à moins d’être remplacée par autre chose. La peur panique reste et se développe, si elle en a l’occasion. On ne peut ni la surmonter, ni la tromper, ni la maîtriser. Sans traitement, elle ne fait que grandir. La peur est une éruption cutanée.
Plus on se dit que nous devrions être heureux, que le bonheur est une fin en soi, moins ça se réalise.
Une vie à deux ne peut ni se simuler ni faire l'objet d'une préparation. C'est une expérience en temps réel. Pas de substitut pour cette complémentarité, le fait de se créer de véritables souvenirs.
- Qu'est ce que tu entendais précisément quand tu disais que tout souvenir est une fiction?
- Un souvenir est réinventé à chaque fois qu'il est convoqué, répond-il. Sa vérité n'est pas figée. Une histoire fondée sur un fait réel a souvent plus à voir avec la fiction qu'avec le fait qui l'a inspirée. Tout comme une fiction, un souvenir est fait pour être recyclé: tous deux sont des espèces de récit.
[Il] ressemble à ses parents, au-delà de l'apparence physique. Mouvements subtils. Gestes. Comme eux, il se frotte les mains quand il réfléchit. Et il parle comme eux, aussi. (...) C'est frappant. Voir quelqu'un avec ses parents nous rappelle concrètement que nous sommes tous des composites.
Il est toujours en train de bouquiner. En ce moment, il est plongé dans un livre de Jean Cocteau. Ça doit faire cinq fois qu'il le relit.
Mais il se laisse également happer par tout ce qui lui tombe sous les yeux. Au début, j'avais cru que c'était pour ça qu'il se taisait, le matin. Nous sommes tellement différents. Moi, je préfère me réserver un moment pour la lecture, afin de pouvoir me laisser captiver par l'histoire. Je serais incapable de lire en mangeant.
On n'imagine jamais qu'on se retrouvera dans une situation pareille. Épié, traqué, séquestré, livré à soi-même. On entend parler de ces choses-là. On lit ce genre de faits divers, de temps en temps. Que certains se plaisent à terroriser leur prochain nous indigne. Qu'est-ce qui cloche chez ces gens-là ? Comment peut-on se retrouver dans ces situations ? L'idée qu'on puisse faire le mal pour le mal, c'est choquant. Mais tant qu'on n'est pas visé, ça va. On oublie. On passe à autre chose. Ce n'est pas à soi que ça arrive, mais à un autre.
Chacun est libre de ses pensées. Elles sont la seule réalité. C'est vrai. Aujourd'hui j'en suis certaine. On ne peut jamais truquer, trafiquer une pensée.
Travailler, manger, dormir. La vie trouve un moyen de rétablir l'équilibre. C'est ce que désirent les humains - la sécurité, des certitudes, un climat positif.
Mais c'est mon propre cycle interne, mon monde intérieur qui a été radicalement chamboulé, même si personne ne le voit, même pas elle.
Les choses précieuses, on sait aussi les reconnaître à notre peur de les perdre.
Un cheveu, ce n’est pas vivant. Toutes ces cellules visibles sont déjà mortes. C’est mort, sans vie, quand nous touchons, coupons et coiffons cette chevelure. Nous la voyons, la touchons, la lavons, en prenons soin, et pourtant c’est mort. J’ai encore du rouge sur les mains.
Je crois que ce que je désire, c’est qu’une personne me connaisse. Me connaisse vraiment. Me connaisse mieux que quiconque, y compris moi peut-être. N’est-ce pas pour cette raison qu’on s’engage envers quelqu’un ? Ce n’est pas pour le sexe. Sinon, on ne se marierait pas ; on trouverait toujours de nouveaux partenaires. On s’engage pour de nombreuses raisons, c’est vrai, mais plus j’y pense, plus je crois que, dans une relation durable, il s’agit de connaître l’autre. Je voudrais qu’on me connaisse, en profondeur, presque comme si cette personne-là pouvait s’introduire dans ma tête.
On peut dire n'importe quoi, faire n'importe quoi, mais on ne peut pas falsifié une pensée.
Et maintenant je vais te dire quelque chose qui va te contrarier : je te connais. Je sais à quoi ressemblent tes pieds, tes mains, ta peau. A quoi ressemblent ta tête, tes cheveux et ton cœur. Il ne faut pas te ronger les ongles.
Les choses précieuses, on sait aussi les reconnaître à notre peur de les perdre.
Une histoire fondée sur un fait réel a souvent plus à voir avec la fiction qu’avec le fait qui l’a inspirée. Tout comme une fiction, un souvenir est fait pour être recyclé : tous deux sont des espèces de récits. Nous apprenons à travers des récits, nous nous comprenons les uns les autres à travers des récits. Mais un fait réel ne se répète pas.
Les gens peuvent nous dire tout ce qu’ils veulent. Comme Jake me l’a fait un jour remarquer, chaque fois qu’un individu dit : « Ravi de vous rencontrer », il a en réalité d’autres pensées, il nous juge. Il n’est pas précisément « ravi », mais c’est ce qu’il prétend, et ce que nous entendons.