En ce mois de février, les températures atteignirent les -30 C. Les détenus s'étaient vu distribuer, en guise de 'manteaux', de simples chemises en coton descendants aux genoux. Quelque-uns, comme Witold, avaient reçu de leur famille des colis de sous-vêtements, mais la plupart n'avaient d'autres recours que de se tailler discrètement des couches supplémentaires dans des sacs de ciment ou toute autre étoffe qui leur tombait sous la main, et ce au risque d'être sévèrement punis.
Les Allemands, trop occupés à mettre en place leur nouvelle administration, se contentaient d'inspection sommaires, et même au cas où l'on se faisait prendre on s'en sortait avec un pot-de-vin, voire quelques rares fois, un peu d'humour- comme ce passeur qui tenta de déguiser un porcelet en paysanne. À en croire Korbonski, 'en découvrant la supercherie, même les gendarmes, pourtant loin d'avoir le sens de la plaisanterie, faillirent mourir de rire'.
L'homme qui se trouve dans l'appartement savait que cette rafle aurait lieu au petit matin et que les personnes arrêtées avaient toutes les chances d'être envoyé là-bas. C'est justement pourquoi il est là. Sa mission pour la Résistance est d'infiltrer le camp, de monter un réseau clandestin et de réunir des preuves des crimes nazis.
Le réseau clandestin comptait désormais plus d'une centaine d'hommes répartis dans presque toutes les unités de travail. Leur influence commençait à se faire sentir dans les blocks: ils incitaient les prisonnier à s'entraider et accablaient quiconque était tenté de moucharder.
À Auschwitz, la plupart des détenus subissaient un changement de personnalité. La violence permanente qui régnait dans le camp brisait les liens interpersonnels, forçant chacun à se centrer sur soi-même pour survivre.
Il fut accueilli par un silence troublant. Sur les 17 000 habitants que comptait la ville, la moitié étaient Juifs et s'étaient exilés dans la zone d'occupation soviétique.