Hommage à Jacques Chancel, rediffusion de 'L'Invité' du 30/07/2013 (Patrick Simonin, TV5 Monde).
Il vaut mieux attraper un torticolis en visant trop haut que devenir voûté en regardant trop bas.
Tant qu'il y aura des iles (1980)
Jean-Paul Sartre : “Je ne vois pas pourquoi une cinquantaine de messieurs âgés et qui font de mauvais livres me couronneraient. C'est aux lecteurs de dire ce que je vaux.” “À 16 ans j'aurais aimé vous rencontrer” : c'est par cette véritable déclaration que Jacques Chancel accueille Jean-Paul Sartre, ce 7 février 1973, dans Radioscopie.
Jeanne Moreau, j’ai l’impression que le temps est devenu maintenant pour vous l’une des choses les plus importantes de la vie, comme si vous vouliez profiter de chaque seconde, de chaque minute, comme si vous vouliez faire de plus en plus de choses» (Radioscopie, 23 janvier 1976).
De [René Char] me resteront deux phrases glissées dans un carnet : « Le fruit est aveugle, c'est l'arbre qui voit... » « Celui qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards, ni patience. »
2923 – [Le Livre de poche n° 9669, p. 55] février 1988
Je ne l'ai pas connue à ses débuts mais cela fait tout de même quarante ans que nous nous fréquentons : la télévision aura été - est encore- l'une de mes occupations favorites. J'ai pour elle plus d'amour que de détestation.
J'ai toujours en ligne de mire Les Trois Mousquetaires, Vingt mille lieues sous les mers et Robinson Crusoé. Je me faisais un monde, comme Michel Mohrt qui publie en ce moment L'Air du large : qui n'a rêvé de se trouver un jour sur une île déserte, libre des contraintes de la civilisation, maître de son temps et de soi comme de l'Univers ? Robinson Crusoé est vraiment devenu un mythe, au même titre que Don Quichotte ou Faust, et Mohrt a raison de rappeler que l’histoire racontée par Daniel Defoe nous passionne plus encore aujourd'hui. « Robinson incarne l'un des grands thèmes de la civilisation occidentale : le triomphe de l'homme sur la nature qu'il sait utiliser, exploiter, pour subvenir à ses besoins. » Il m'est arrivé de trouver des îles mais chercher est plus exaltant. Beautés de la quête, de l'inaccessible étoile.
2920 – [Le Livre de poche n° 9669, p. 21/2] janvier 1988
Je n'ai pas les moyens de quitter notre pays, je ne le pourrais pas d'ailleurs, tant je suis intensément français, mais il m'arrive tout de même de rêver que vivre en autarcie dans ma Bigorre serait une solution, loin d'un État qui accumule les conneries, les jalousies de clan. Le président Hollande n'aime pas les riches, moi j'ai toujours pensé qu'il fallait les protéger, les exploiter même parce qu'ils sont un trésor pour notre économie. Les contraindre à fuir est une faute. Le départ de Gérard Depardieu pour la Belgique ajoute au désordre surtout lorsqu'il est commenté par un drôle d'individu, en recherche de notoriété, un certain Yann Galut, député du Cher, qui suggère de punir « les fuyards par une déchéance de la nationalité ». Stupide et sans effet puisque contraire à la tradition.
Georges Matthieu, peintre : « Je suis plus sensible à l'honneur qu'aux honneurs. J'apprécie le respect que l'on doit aux autres. Le plus affligeant dans les mœurs contemporaines, au-delà de la barbarie, de l'analphabétisme, de la pornographie, c'est la disparition, chez les personnes de qualité, de la courtoisie et même de la politesse. »
2978 – [Le Livre de poche n° 9669, p. 443] mars 1990
Tout être au plein de sa vie s'amuse à concevoir l'idée d'un tableau qui rassemblerait son expérience. Nous avons tant mémorisé sentiments, impressions, passions, étonnements, colères, rencontres, que nous souhaiterions parfois rapprocher les pièces du puzzle. Georges Perec s'y est essayé – a réussi – dans La Vie mode d'emploi.
2927 – [Le Livre de poche n° 9669, p. 177] septembre 1988

Il est certain que si l'on avait l'opportunité d'accéder aux carnets des grands de ce monde, la lecture des références, citations et autres épigraphes soigneusement engrangés au fil de leurs admirations nous renseigneraient mieux que n'importe quelle étude graphologique, psychologique ou encore « astro-flashée », sur leur caractère et aspirations dans la vie. Ainsi le général de De Gaulle avait-il entre mille autres, choisi de relever, celles-ci, dans son dernier carnet de notes et de citations, de 1946 à novembre 1970 :
« On est coupable, en France, quelque intérêt qu'on allègue, si l'on manque, faute d'élan, certains moment de grandeur et de gloire qui ne se retrouvent plus (Sainte-Beuve) ;
« Un acte politique ne se juge pas aux victimes qu'il fait, mais aux maux qu'il évite » (Joseph de Maistre) ;
« Le monde est un don magnifique fait par quelques hommes à la multitude » (D'Annunzio).
2921 – [Le Livre de poche n° 9669, p. 49/50]