L'histoire de Brady est si extraordinaire, qu'elle paraît être une fiction... Et pourtant, si : l'épopée carnavalesque de ce cinéma de quartier ouvert en 1956 et racheté par Jean-Pierre Mocky en 1994 (pour le revendre en 2011) est véridique - et drôle. À lui tout seul, le récit de Jacques Thorens - qui officia comme caissier et projectionniste dans les années 2000 -, donne à la fois un portrait incroyable d'une petite salle de quartier et de ses difficultés (le mot est faible) pour survivre, une petite bio' de Mocky lui-même (hilarant), une cartographie des nanars et du cinéma bis (horreur, western moussaka, taïwannerie martienne, ... avec un très petit budget) et de l'évolution des techniques cinématographiques sans parler d'un tableau des marginaux qui fréquentent le lieu. Car les spectateurs du Brady n'étaient pas beaucoup à être de vrais cinéphiles... avec la formule "double programme" établie dans les années 70, le cinéma propose deux films pour le prix d'un et attire dès lors les clochards qui viennent roupiller quelques heures au chaud - ou des homos qui viennent s'y rencontrer dans "les toilettes dont on ne revient pas". Mais lorsque le cinéma projette Baise-moi de Despentes et Coralie Trinh Thi, les clochards supportent assez mal la scène de viol qui les empêche de dormir et finit même par les terrifier après plusieurs jours ! Le Brady était un lieu hors-norme, ailleurs. Aujourd'hui on n'y passe plus Zorro et les trois mousquetaires, Le sadique aux dents rouges ou encore L'île de l'enfer cannibale, mais plutôt Mon Roi de Maïwenn (qui est une horreur tout de même, mais d'un autre genre), mais au moins : le cinéma existe encore. Un beau bras d'honneur au monde moderne dont ce livre est une extension jouissive en forme de doigt.
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