Un homme avait trouvé sa mère en compagnie d'un autre homme. Il tua sa mère. « Pourquoi ne pas avoir tué l'homme ? » lui demanda-t-on. Il répondit : « Parce que, si je l'avais fait, j'aurais dû tuer un homme tous les jours ! »
La femme de Yazîd était enceinte. Elle lui dit – et il était laid : « Malheur à toi si mon enfant te ressemble ! » Il répondit : « Et malheur à toi s'il ne me ressemble pas ! »
Les Arabes, musulmans et chrétiens, que certains parmi nous imagineraient austères, puritains et rigides, fermés au rire et à la plaisanterie ont accumulé, en la matière, au cours du temps, un patrimoine qui n'a rien à envier aux autres civilisations et qui prouve que le rire est bien le propre de l'homme, comme l'avait dit Rabelais, et Aristophane, bien avant lui.
Un homme, sous le règne de Mu'tasim, s'était dit prophète. S'étant trouvé devant le calife, celui-ci dit : "Tu es prophète ? — Oui. — Vers qui as-tu été envoyé ? — Vers toi. — J'atteste que tu n'es qu'un insensé et un sot !" L'homme répondit : "Il n'est envoyé vers chaque peuple que des gens comme eux." Mu'tasim éclata de rire et le gracia.
On raconte qu’un sage avait un fils qui lui dit un jour : « Père, pourquoi, toi qui es plein de raison, te laisses-tu critiquer pour certaines choses ? Si tu t’abstenais de le faire, tu n’alimenterais pas les critiques. – Mon fils ! Tu es bien jeune et sans expérience ! Satisfaire les gens est un objectif inaccessible, je vais t’en faire la démonstration. » Cet homme avait un âne. Il dit à son fils : “Grimpe sur cet âne, moi, je te suivrai à pied. »
Tandis qu’il était ainsi, un homme les vit et s’écria ; “Regardez-moi ça ! Quel peu d’éducation a ce freluquet ! Lui, il est sur l’âne et, son père, il le laisse marcher. Le père dit à 1 son fils : “Bon ! Descends ! Je vais prendre ta place. C’est toi qui marcheras derrière moi. » Une autre personne dit alors : « Voyez le peu de compassion qu’a cet individu ! Il est assis sur le dos de l’âne et laisse son fils aller à pied ! » Le sage dit à son fils : « Monte à côté de moi ! » Une troisième personne intervient ; « Que Dieu accable ces deux-là ! Voyez comme ils écrasent ce pauvre âne du poids de leurs deux corps ! Un seul aurait suffi. »
Alors le père dit : “Descendons !” Ils marchèrent derrière l’âne qui n’avait donc plus personne sur le dos. Un homme les vit et s’écria : “Mon Dieu ! Voyez ces idiots qui laissent leur âne sans fardeau et marchent derrière lui ! » « Tu as entendu, mon fils, tout ce que ces gens ont dit ? Tu as compris, maintenant, que personne ne peut échapper à la critique, quoi qu’il fasse ! »
Le gouverneur Hajjâj s’étant trouvé seul, un jour, loin de ses soldats, rencontra un bédoin à qui il dit : “Eh ! Que penses-tu de Hajâj ?
-C’est un horrible tyran ! – Pourquoi ne pas t’en plaindre au Calife ? – Dieu le maudisse ! Il est encore pire que lui ! »
La troupe ayant rejoint Hajâaj, celui-ci ordonna de de mettre le bédouin en selle. Une fois en selle le bédouin demande qui était l’homme. « Mais c’est Hajjâj ! » Alors, se rapprochant, par derrière, du cheval du gouverneur, il lui souffla : Eh, Hajjâj ! Le secret qui est entre toi et moi… personne ne doit le connaître ! » Hajjâj éclata de rire et le laissa aller.
Un bédouin dit à un poète persan : « La poésie est aux Arabes. Tous ceux qui, parmi vous, en disent, c’est qu’un homme de chez nous a « engrossé » sa mère Et le Perse de répondre : « De la même façon, ceux qui, parmi vous, ne disent pas de poésie, c’est qu’un homme de chez nous a « engrossé » la sienne ! »
Un philosophe avait vu un homme tirer à l’arc. Ses flèches partaient à droite cl à gauche. Il s’assit alors à l’endroit de la cible. Comme on lui en faisait la remarque, il dit : « Je n’ai pas trouvé d’endroit plus sûr que celui-ci ! »
Un aveugle avait épousé une femme qui lui dit : « Si tu voyais ma beauté et mon éclat, tu en serais émerveillé ! - Si tu étais comme tu le dis, ceux qui ont des yeux ne t’auraient pas laissée à moi ! »
Un homme avait vu, sur la route de La Mecque, une femme et l'avait suivie.
- Qu'est-ce que tu me veux ? lui dit-elle.
- Ton amour m'a ravi le cœur !
- Si tu voyais ma sœur que voici !
Il se retourna mais ne vit personne.
- Menteur ! conclut-elle. Si tu avais été sincère à mon égard, tu ne te serais pas retourné !
Tiré de "Les Fleurs du printemps", p.84