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Citations de Jean-Luc Marion (45)


* Aimer n’appartiendrait pas aux modes premiers de la pensée et ne détermine donc pas l’essence la plus originaire de l’ego. L’homme, en tant qu’ego cogito, pense, mais il n’aime pas, originellement du moins. Or l’évidence la plus incontestable — celle qui englobe toutes les autres, régit notre temps et notre vie du début à la fin et nous pénètre à chaque instant du laps intermédiaire – atteste qu’au contraire nous sommes en tant que nous nous découvrons, toujours déjà pris dans la tonalité d’une disposition érotique ““ amour ou haine, malheur ou bonheur, jouissance ou souffrance, espoir ou désespoir, solitude ou communion – et que jamais nous ne pouvons prétendre, sans nous mentir à nous-mêmes, atteindre une neutralité érotique de fond. D’ailleurs, qui s’efforcerait vers l’inaccessible ataraxie, qui la revendiquerait et s’en vanterait, s’il ne s’éprouvait précisément d’abord et toujours travaillé, transi et obsédé par des I tonalités amoureuses ? L’homme se révèle au contraire à lui-même par la modalité originaire et radicale de l’érotique. L’homme aime - ce qui le distingue d’ailleurs de tous les autres étants finis, sinon les anges. L’homme ne se définit ni par le logos, ni par l’être en lui, mais par ceci qu’il aime (ou hait), qu’il le veuille ou non. […] Ce qu’omet la définition cartésienne de l’ego devrait nous choquer comme une monstrueuse faute de description du phénomène pourtant le plus proche, le plus accessible - celui que je suis à moi-même.

* Car il faut parler de l’amour comme il faut aimer - en première personne. Aimer a justement en propre de ne se dire et de ne se faire qu’en propre – en première ligne et sans substitution possible. Aimer met en jeu mon identité, mon ipséité, mon fonds plus intime à moi que moi-même. Je m’y mets en scène et en cause, parce que j’y décide de moi-même comme nulle part ailleurs. Chaque acte d’amour s’inscrit à jamais en moi et me dessine définitivement. Je n’aime pas par procuration, ni par personne interposée, mais en chair et cette chair ne fait ne fait qu’un avec moi. Le fait que j’aime ne peut pas plus se distinguer de moi, que je ne veux, en aimant, me distinguer de ce que j’aime.
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La poésie peut me dire ce que j’expérimente sans savoir l’articuler et me libère ainsi de mon aphasie érotique - elle ne me fera pourtant jamais comprendre l’amour en son concept. Le roman parvient à rompre l’autisme de mes crises amoureuses, parce qu’il les réinscrit dans une narrativité sociable, plurielle, publique — mais il ne m’explique pas ce qui m’arrive, réellement, à moi. La théologie, elle, sait ce dont il s’agit ; mais elle le sait trop bien pour toujours éviter de m’imposer une interprétation si directe par la Passion, qu’elle annule mes passions – sans prendre le temps de rendre justice à leur phénoménalité, ni donner un sens à leur immanence. La psychanalyse peut résister à ces hâtes et sait demeurer parmi mes vécus de conscience et surtout d’inconscience – mais précisément pour mieux constater que je souffre d’un défaut des mots pour les dire, voire qu’elle-même manque des concepts pour les penser. De ces efforts défaits, il résulte que le tout-venant, autrement dit tous ceux qui aiment sans bien savoir ce que l’amour veut dire, ni ce qu’il leur veut, ni surtout comment lui survivre – vous et moi le premier – se croit condamné aux pires trompe-la-faim : le sentimentalisme en fait désespéré de la prose populaire, la pornographie frustrée de l’industrie des idoles ou l’idéologie informe de l’épanouissement individuel, cette asphyxie vantarde Ainsi la philosophie se tait et, dans ce silence, l’amour s’efface.
Une telle désertion de la question de l’amour par le concept devrait scandaliser, d’autant plus que la philosophie tient son origine de l’amour même et de lui seul, « ce grand dieu ».
[…] La philosophie ne comprend qu’à la mesure où elle aime - j’aime comprendre, donc j’aime pour comprendre. Et non pas, comme on préférerait le croire, je finis par comprendre assez pour me dispenser à jamais d’aimer.
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Jean-Luc Marion
Beaucoup de vérités sont prouvées expérimentalement sous preuve du contraire qui va arriver un jour ou l'autre ... Le paradoxe des vérités scientifiques, c'est qu'elles sont à le fois vraies et provisoires. Les sciences ne peuvent d'ailleurs progresser que parce qu'elles ne sont pas définitives.

Dans le journal "Le Soir " du 07 mars 2023.
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La vraie question est de savoir comment nous allons transmettre la culture française aux jeunes Français d'aujourd'hui et de demain. Je ne pense pas que ceux qui refusent toute norme anthropologique issue de la tradition et de l'histoire au nom de leur propre volonté de normalité anomique en seront capables. Je pense que le modèle éducatif catholique aura son mot à dire. Au cours du haut Moyen Âge, après les invasions barbares, les studiums des monastères ont su insuffler un style de vie, matériel et spirituel, qui a été suivi non pas parce qu'il engageait une loi, mais parce qu'il transmettait la foi.
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C'est l'époque de la confusion des causes. Aux revendications féministes ou homosexuelles, se mêlent des considérations sur la sexualité infantile, le désir et le plaisir des enfants. Jusqu'à la sainte laïque de la psychanalyse qu'est François Dolto qui participe de cette pseudo-libération et des pétitions hallucinantes d'aveuglement qui rassemblent d'éminentes signatures.
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Le lecteur quotidien de L'Équipe que je suis sait que toutes les formes d'abus et de chantage sexuel sont répandues dans le monde du sport presque entier, parfois avec la complicité des parents qui, pour favoriser la carrière de leur progéniture, ferment les yeux. Le monde des arts, qu'il s'agisse du cinéma ou de la danse, connaît également ce fléau. De même, on le découvre, dans le milieu des syndicats lycéens ou estudiantins, des partis politiques, de l'entreprise, etc., pourtant parés des attributs de la vertu et du progrès.
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Aujourd'hui, il se trouve assez de gens talentueux et désireux de descendre dans l'arène pour que je puisse consacrer mon temps à écrire, sans avoir à ruminer pourquoi je m'en tiens éloigné.
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Il faut donc regarder l'homme autrement, comme l'autre homme, l'homme autre, selon l'éthique. Mais Levinas démontre philosophiquement cet impératif en l'inscrivant à la suite de Husserl et en le déroulant contre Hegel. La brèche qu'il ouvre est libératrice. C'est l'événement de Totalité et infini.
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Les nations et les empires s'écroulent, les idéologies aussi, quant aux imaginaires collectifs n'en parlons pas. Leur volonté acharnée de survivre reste sans effet sur leur fin programmée. Leur rêve d'éternité creuse leur tombe. Certes, à vue humaine, l'Église ne devrait pas exister.
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La singularité doctrinale de la création des vérités éternelles réside dans le fait qu'au moment où Descartes l'émet, les esprits éclairés du xvne siècle, qu'ils soient physiciens, philosophes ou théologiens, pensent pour la plupart le contraire.
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Tous les grands philosophes français, morts ou vivants, ont écrit un jour ou l'autre sur lui. Il est aussi l'objet d'une dispute homérique entre les deux figures de la scène universitaire, les éminents cartésiens Ferdinand Alquié et Martial Gueroult : le premier privilégie la geste existentielle des concepts, là où le second systématise un ordre des raisons.
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À faire de la théologie sans la foi, on ne fait tout bonnement pas de théologie du tout, car elle suppose l'expérience de la sainteté, autrement dit l'expérience de Dieu. On peut être un historien de la peinture, un musicologue, un critique littéraire compétent tout en étant incapable de produire soi-même une œuvre, de ressentir ou de communiquer la beauté d'une création singulière, de discerner entre un remarquable et un médiocre artiste. La théologie est en revanche affaire de vérification directe, empirique, personnelle.
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La règle est simple : liberté de principe en amont, censure en aval si besoin, mais toujours pédagogique. Plus vaste et plus complexe encore que la philosophie, la théologie, qui est l'exact inverse d'une discipline futile, requiert, je vais l'apprendre à mes dépens, un immense investissement. Pour commencer à l'approcher, il faut avoir lu un nombre infini de textes dans un nombre incalculable de langues, raison pour laquelle il n'y a pas beaucoup de théologiens complets et accomplis.
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Avec l'oracle de l'Être, l'effet de séduction s'avère d'autant plus irrésistible qu'il est réellement génial. La mode souabe est alors à son apogée. On se greffe sur l'œuvre comme on entre en religion et celle – ci, à l'instar de n'importe quelle autre, a ses fanatiques.
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Je comprends que l'Être peut se décliner en plusieurs sens, jusqu'à s'abîmer dans le non-sens et que tout retour aux sources doit engager une révision des sources elles-mêmes. Au même moment, je découvre également, dans l'allemand de Heidegger, que l'Être consiste d'abord en un questionnement, Seinfrage : quelle signification lui accorder dès lors que le fait d'être, Sein, est fini, que l'être-là, Dasein, est un être-pour-la-mort, Sein zum Tode ? Je comprends que l'angoisse n'est pas un sentiment, qu'elle est expérience du néant, que le néant est celui de l'étant et donc qu'il ouvre la voie d'accès à l'être.
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Le grec d'Aristote est plus simple que celui de Platon. Non seulement plus accessible, mais aussi plus limpide. Or, comme au cinéma, goûter autant que faire se peut la version originale est vital. On y trouve des lumières et des ombres que tend à estomper ou grossir la version traduite. Je m'efforce de lire les textes tels que leurs auteurs les livrent car l'amour de la langue et des langues, qui a précédé en moi le souci de la philosophie, ne me quitte pas.
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Le premier philosophe que je crois comprendre est Spinoza. Le lire me donne l'impression d'être intelligent et sa facilité d'emploi en fait une référence obligée dans mes copies. Un peu plus tard, lorsque je serai l'assistant de Ferdinand Alquié à la Sorbonne, à chaque rentrée, j 'aurai un texte différent de l'œuvre de Spinoza à expliquer et enseigner. Au bout des sept années que durera ce commentaire assidu, le spinoziste que j'ai pensé être en retirera que, tout compte fait, Spinoza ce n'est pas si bon qu'il avait pu me paraître.
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Sans scrupule et sans honte parce qu'il n'est pas faux de dénoncer la primauté de l'argent et qu'on peut le faire sans adhérer à un quelconque corpus idéologique. Telle était encore la contrainte de l'atmosphère.
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La poésie me devient une seconde langue maternelle. J'y vois la plus sérieuse et la plus décisive des expressions. Je le fais d'instinct ne sachant pas encore combien les grands philosophes du xxe siècle se sont tournés vers la poésie afin de sortir du langage de la métaphysique. Ce qui ne sera pas pour rien, plus tard, dans mon attachement à les relire à cette lumière.
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Je pressens ainsi que la philosophie s'apparente à l'alpinisme et qu'il faut apprendre à durement grimper pour atteindre des sommets. Je prends donc pour discipline de sélectionner les textes qui au premier abord semblent énigmatiques, afin de m'essayer plus tard à les déchiffrer. Je me dressais ainsi une liste de livres trop difficiles pour moi.
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