Pourquoi Colomb fut-il si tourmenté quand, dans la brume, il entrevit un monde ?
Je le sais, moi. Il était trop déçu d'arriver. Il voulait que le voyage vers l'inconnu continue encore.
Amira, ça veut dire "princesse" en arabe. Et même si elle est pas élevée en mode "princesse" par mes parents, elle a ses exigences. La plus chiante d'entre elles, c'est qu'elle veut tout comprendre. Et elle lâche pas l'affaire.
Je suis content que sa personnalité se soit imposée au fil des jours. C'est comme ça que je l'ai découverte. Par touches successives. Tout doucement. Comme une mosaïque.
Je cherche un abri, pour ne plus entendre cette pluie, ce tonnerre qui risque de se rapprocher.
Mais où que j'aille, le claquement des gouttes sur les feuilles, sur le sol, ce bruit continu, dense, qui augmente et diminue au rythme des rafales de vent, me rentre dans le cerveau et mon corps se crispe jusqu'à la nausée. Je m'assois là où je suis, me recroqueville, les mains derrière la tête, et mes coudes sur mes oreilles, le menton entre les genoux, les yeux fermés à m'en faire mal. Je dois être hermétique. Hermétique. Hermétique.
Je ne sais pas combien de temps je reste comme ça. Je n'ose pas m'ouvrir. Je suis terrorisé.
Mon père. Un acteur, celui-là. Pas célèbre. Pas encore. Mais un jour, il sera dans le journal. Je le sais. Pas la chronique cinoche. Les pages au milieu plutôt, bien caché dans un petit cadre plein de texte. Même pas de photo. Pas même son nom.
Mais ce sera lui.
Dans les faits divers.
Et je me mets en veille. Comme toujours. L'œil vide, le cerveau éteint, le corps en pilotage automatique. Juste pour tenir debout. Et encore. Il a l'impression d'empoigner une poupée de chiffon et ça l'énerve encore plus de baver sa rage sur un morceau de tissu. Mais j'y peux rien. Je contrôle pas.
Sauf aujourd'hui.
Avec cet argent, l'étape suivante, c'est de m'acheter un scooter. Ensuite, fini le trafic. Je prends un vrai job. Deliveroo, Ubereats, un truc comme ça.
« C’est sûr, en voyant cette bande de bad boys de banlieue, Julia, Louna, Louise, Ethan, Selma et les autres ne vont pas chercher plus loin. Le langage, le comportement, l’irrespect de ces mecs, associés aux faits divers parsemés quotidiennement dans les journaux, vont les abuser. Ils ne verront pas, derrière ces types qui se pavanent en mode racaille, toute la solidarité, toute l’humanité, toutes les associations qui oeuvrent dans notre quartier. Ils ne verront pas les talents, les génies, les esprits qui doivent batailler avec hargne et rage pour gommer la marque indélébile que la notion même de « quartier » leur a imprimée sur la peau. Non, derrière ces petits cons, ils ne verront pas la flamme qui scintille faiblement et qui oscille dangereusement, toujours prête à s’éteindre. »