Citations de Jean Webster (63)
Bonté divine, Gustavo, quand un naufragé rencontre un autre naufragé sur une île déserte, faut-il vraiment qu'ils soient présentés l'un à l'autre pour commencer à se parler ?
Vous devez savoir, à votre âge, Gustavo, qu'un homme ne peut apprécier un paysage lorsqu'il est seul. Il faut être deux pour ce genre de choses. Oui, le fait est que je me sens bien seul. Vous voyez vous-même à quelles extrémités j'en suis réduit pour discuter. Si j’avais votre don pour les langues, en ce moment, je parlerais aux randonneurs allemands.
Ce ne sont pas les grandes joies qui comptent le plus dans la vie mais l’importance que l’on accorde aux petits plaisirs de l’existence.
Le secret du bonheur réside pour chacun dans sa faculté d’adaptation à ce qui l’entoure.
Je ne sais que je ne dois pas attendre de réponse à mes lettres ni vous importuner par mes questions, mais, pour une fois, Papa, répondez-moi: êtes-vous terriblement vieux ou moyennement vieux? êtes-vous tout à fait chauve, ou légèrement chauve? C'est vraiment difficile de penser à vous dans l'abstrait comme à un théorème de géométrie.
Alice
"Du moins vous êtes assuréde rester "grand" toute votre vie ! Aussi ai-je décidé de vous appeler: Cher Papa-Longues-Jambes. J'espère que vous n'y verrez pas d'inconvénients."
Lou-Ann
C'était une journée pénible, qui reposait entièrement sur les épaules de la pauvre Jeruscha Abbott, l'aînée de l'orphelinat.
Alice
Pourtant je dois avouer que lorsque je pense à vous, mon imagination n'a pas beaucoup de repères sur lesquels s'appuyer. Ils sont au nombre de trois :
I. Vous êtes grand.
II. Vous êtes riches.
III. Vous détestez les filles.
Romane
P.-S. Il pleut des hallebardes, ce soir. Justement, il y en a une
qui vient de se ficher sur le rebord de ma fenêtre.
Je vous en prie, Papa, pensez à moi. Je me sens abandonnée et j'ai tellement besoin que l'on pense à moi. Oh, Papa, comme j'aimerais vous connaître ! Nous pourrions alors nous consoler l'un l'autre quand nous sommes malheureux.
Cher P.-L.-J.,
Je bûche mon thème latin. Je l'ai bûché. Je le bûcherai. Je
serai sur le point de l'avoir bûché. La nouvelle épreuve est fixée à
mardi prochain, à la septième heure. Ou bien je suis reçue ou bien
je suis FICHUE. Aussi, la prochaine fois que vous aurez de mes
nouvelles, vous apprendrez que je suis toujours en vie, heureuse et
libérée de toute obligation ou bien que je gis en morceaux, brisée à
tout jamais.
Vous aurez droit alors à une lettre digne de ce nom. Cette nuit,
j'ai un rendez-vous urgent avec l'Ablatif Absolu.
Je ne vous ai encore jamais parlé de ma garde-robe, Papa ? J'ai
six robes neuves, toutes magnifiques et achetées spécialement
pour moi - et non pas héritées d'une camarade plus âgée. Peut-être
ne savez-vous pas quelle étape importante cela peut marquer
dans la carrière d'une orpheline ?
Sallie McBride vient juste de passer sa tête par la porte
entrouverte pour déclarer :
— J'ai un drôle de cafard, ce soir. Et toi, comment te sens-tu ?
J'ai souri un peu en lui disant que ça n'allait pas trop mal. Le
cafard! Voilà une maladie que je ne risque pas d'attraper ici. Avoir
la nostalgie de chez soi, cela se comprend, mais a-t-on jamais vu
quelqu'un avoir la nostalgie de l'orphelinat !
J'avais entendu parler de Shakespeare mais je ne croyais pas qu'il écrivait si bien ; je le soupçonnais de vivre sur sa réputation.
Depuis que j’ai appris à lire, j’ai inventé un bien joli jeu; je m’endors chaque soir en me persuadant que je suis l’héroïne du livre que je suis en train de lire.
A présent, je suis Ophélie, ô une Ophélie pleine de bon sens! Je passe mon temps à distraire Hamlet. Je le câline, je le gronde, je veille à ce qu’il mette son écharpe dès qu’il fait froid. Je l’ai complètement guéri de sa mélancolie. Le roi et la reine sont morts tous les deux lors d’un naufrage en mer ce qui nous a dispensé des funérailles.
Maintenant Hamlet et moi régnons en maîtres sur le royaume de Danemark. Nous nous en sortons magnifiquement. Lui s’occupe du gouvernement et moi des œuvres de bienfaisance.
Sa mère est une Rutherford. Sa famille remonte au déluge et était apparentée, d'une façon ou d'une autre, à Henri VIII. Du côté de son père, ses ancêtres remontent plus loin qu'Adam et Eve. Sur une des branches supérieures de leur arbre généalogique, on peut remarquer une race tout à fait privilégiée de singes à poil soyeux, dotés d'une queue particulièrement longue.
Je suis seule, vraiment seule, le dos au mur pour affronter le monde et je suffoque rien que d’y penser.
J’attends maintenant le soir avec impatience. Je place un panneau sur ma porte “ne pas déranger”, j’enfile mon joli peignoir rouge et mes pantoufles fourrées, je me cale confortablement contre les coussins empilés dans mon dos et, à la lumière de la lampe de cuivre placée à mon chevet, je lis, je lis, je lis. Un livre ne me suffit pas. J’en lis quatre à la fois.
Je suis seule, vraiment seule, le dos au mur pour affronter le monde et je suffoque rien que d’y penser.
Il y a des tas de livres que les filles qui ont une famille, des amis et une bibliothèque connaissent et dont je n’ai jamais entendu parler. Ainsi, je n’avais encore jamais lu Ma mère l’Oye, David Copperfield, Ivanhoe, Cendrillon, Barbe-Bleue, Robinson Crusoé, Jane Eyre, Alice au pays des merveilles, ni une ligne de Rudyard Kipling. J’ignorais qu’Henri VIII s’était marié plusieurs fois et que Shelley était un poète. J’ignorais que les hommes descendent du singe et que le Jardin d’Eden n’est qu’un mythe merveilleux. J’ignorais que les initiales RLS désignent Robert Louis Stevenson ou encore que George Eliot était une femme. Je n’avais jamais vu de reproduction de La Joconde et (vous aurez peine à le croire) je n’avais jamais entendu parler de Sherlock Holmes.