Jeff Wheeler

Son père lui avait toujours appris, dès sa plus tendre enfance, qu'elle pouvait choisir ses actes, mais pas leurs conséquences.

Bien avant les premiers châteaux volants, les vaisseaux et les chaudrons d'acier fondu - bien avant les Chutes -, la vie était plus simple. Un homme et son fils avaient besoin de vendre leur mule pour acheter de quoi tenir l'hiver. Ils se mirent donc en route pour le marché, qui était très loin. Ils croisèrent un autre voyageur, sur le chemin, qui leur reprocha de ne pas monter 1 mule. Se rendant compte que sa bête de somme n'était pas utilisée comme il se devait, l'homme fit alors grimper son fils dessus. Mais lorsqu'ils arrivèrent au premier village, des hommes sur la place firent remarquer l'égoïsme du garçon, qui laissait son père marcher. Ils s'arrêtèrent, firent boire la bête, et le père ordonna à son fils d'échanger les places. Ils reprirent leur route et gagnèrent un second village. Qu'entendirent-ils?
Des blanchisseuses constatèrent que l'homme devait être sacrément mauvais pour forcer son fils à marcher pendant que lui se laissait porter. Honteux, le père décida de trouver une autre solution. Sais-tu ce qu'il fit ?
Cettie remua la tête, impatiente d'entendre la suite. Fitzroy pointa un doigt vers elle et l'agita.
- Ils montèrent tous les deux la mule. La bête commençait sérieusement à fatiguer, et lorsqu'ils gagnèrent le village suivant, ils se firent traiter de fainéants et de sans-cœur, à imposer un tel fardeau à cette misérable bête ! Le marché les attendait dans la ville suivante, et ils avaient peur de ne pas pouvoir vendre la pauvre créature dans l'état où elle se trou-vait. L'homme et son fils coupèrent alors un jeune arbre, y attachèrent la mule et la portèrent, à leur tour, jusqu'à la ville.
Je te laisse imaginer ce que les gens ont pensé en voyant approcher cet homme et son fils, épuisés et à bout de souffle.
Qui donc étaient ces péquenauds qui portaient une mule sur leurs épaules ? Alors qu'ils traversaient le pont qui menait à la ville, à souffrir les huées et les railleries des passants, l'une des cordes se brisa, et la mule se libéra. Le garçon laissa tomber son bout d'arbre et la bête chuta dans la rivière, où elle se noya.
- Non ! s'écria Cettie, outrée.
Fitzroy hocha sagement la tête.
- Un homme au bâton tordu les avait suivis jusqu'à la ville. En passant devant l'homme malheureux et son fils, il dit: « Cherche à plaire à tous et tu ne plairas à personne. »

Il s'adossa au rebord de la fenêtre et croisa les bras.
Plus je vieillis, Cettie, plus ces paroles résonnent dans
mon cœur.
Il marqua une pause, la dévisageant d'un air clairvoyant.
- Quelle leçon en tires-tu ?
Cettie ne s'était toujours pas remise de la fin atroce de cette histoire.
- Il ne faut pas écouter les autres. La pauvre mule I Fitzroy lui sourit.
- La mule a connu une mort assez rapide, d'après moi.
Mais l'homme et son garçon n'avaient plus rien à vendre.
Ils sont peut-être morts de faim, cet hiver-là. Vois-tu, il leur manquait un plan, dès le début, qui allait au-delà du besoin de vendre la mule. Une chose que j'ai remarquée dans la vie, c'est la facon dont les autres nous rabaissent et nous ridiculisent pour nous détourner de notre objectif initial. Les conseils des villageois n'étaient pas forcément mauvais. Mais ces gens n'étaient simplement pas capables de voir les circonstances des voyageurs pour ce qu'elles étaient. Le premier groupe de vil lageois ignorait la durée de leur périple. Le deuxième ignorait le sacrifice qu'ils avaient déjà fait. En changeant pour contenter chacun, l'homme et son fils ont accumulé les ennuis. Et parce qu'ils n'ont fait qu'écouter les autres, ils ont manqué de répondre à leurs propres besoins.

Nous cherchons naturellement à plaire. À être acceptable. Et en agissant ainsi, nous donnons aux autres - même à ceux qui nous sont chers - du pouvoir sur notre esprit.

Pour maîtriser pleinement ton esprit, tu dois apprendre à ne pas réagir au regard des autres. Nous cherchons naturellement à plaire. À être acceptables. Et en agissant ainsi, nous donnons aux autres - même à ceux qui nous sont chers - du pouvoir sur notre esprit.

On peut tomber d'un pont de chacun de ses côtés. Le mieux est d'essayer de rester au milieu.