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Citations de Jian Ma (159)


Son squelette blanc a quelque chose de divin, infiniment plus évocateur que sa peau et sa chair.
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Pendant un instant, l'écrivain professionnel a l'impression d'être un sac en plastique soulevé par le vent. Il lui vient à l'esprit que bien que le sac en plastique soit sans valeur, il est capable de s'élever au-dessus de la réalité matérielle et de changer de direction. Quand le vent souffle contre lui, il s'emplit d'air et plane dans l'espace-choses que ceux qui sont retenus au sol ne pourront jamais faire.
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"Lorsque l'imprévu arrive, les gens cherchent des réponses dans les pierres, les arbres et les étoiles. La peur des choses que nous pouvons voir nous détourne de la crainte des choses que nous ne pouvons voir. Chaque fois que je suis perdu dans les montagnes la nuit et qu'une lumière apparaît devant moi, je commence par penser que mon grand-père est venu à ma rencontre pour me porter secours."
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J'essaie de reconnaître des bruits lointains. On dirait qu'il neige. J'imagine la scène froide et dure derrière la fenêtre : la glace blanche qui couvre le sol, striée des reflets jaunes de la haute cheminée du générateur. Le matin, avant que la cendre ne soit tombée des toits et des branches du grand faux acacia de la cité, la glace est encore glissante. Les vendeurs à l'étal venus des banlieues allument leurs woks et vendent des galettes de pain. De grosses mouches vertes filent à travers la fumée odorante qui s'élève des braises. L'après-midi, les mouches se déplacent vers les caisses de yoghourts entassées au coin de la rue. Chaque jour, les deux mêmes vieillards sont assis à côté des caisses, essayant d'attraper quelques rayons de soleil. Il y en a un qui ne parle ni ne fume jamais, se contentant de fixer les passants d'un œil vide. De temps à autre, une camionnette quitte la route et s'engage dans notre rue pour ramasser les ordures ou livrer des boissons non alcoolisées à la petite épicerie, bloquant les cyclistes qui attendent derrière le froid glacial en faisant impatiemment tinter leurs sonnettes.
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Plus les gens disent que quelque chose n'existe pas, plus j'ai envie de partir à sa recherche.
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Les matins argentés sont toujours pleins de nouvelles résolutions.
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Incipit :

Par le trou où se trouvait le balcon couvert, tu vois le faux acacia qui a été abattu se relever lentement. C'est un signe évident que tu vas devoir prendre ta vie au sérieux à partir de maintenant.
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Voyager est un dur labeur, lui dis-je. Le danger n'est pas excitant, c'est juste la preuve de ton incompétence.
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Devant moi se dresse le versant à pic des collines du Sable chantant, reliées par de nombreux dédales aux célèbres grottes de Mogao. Du quatrième au dixième siècle, des communautés de moines bouddhistes taillèrent ces châsses dans la falaise, puis les décorèrent de peintures murales et de statues colorées. J'en ai vu d'innombrables représentations dans des livres d'histoire de l'art. Je sais que sur ces murs sont peints de gracieuses apsaras, des scènes de la vie du premier bouddha, Sakyamuni, et des portraits de marchands de la route de la Soie qui participèrent financièrement à la construction des grottes pour s'assurer un voyage en toute sécurité à travers le désert. Je sais que dans l'une de ces grottes se trouve une statue de trente-trois mètres de haut d'Amitabha, le disciple de Sakyamuni, dont la sagesse rayonnante transformait les désirs ardents en lumière infinie. J'ai vu une photographie de l'immense bouddha, allongé, attendant la mort, un sourire sur le visage. Son expression tranquille m'a touché plus profondément que le regard torturé du Christ que j'ai pu voir sur des images. Le bouddhisme enseigne à l'homme la transcendance du monde matériel et lui apprend à considérer que la vie et la mort sont sans importance. Le christianisme lui, pousse l'homme à chérir la vie et à craindre la mort.

J'achète un billet d'entrée chinois et prends la file de droite. Les étrangers prennent le chemin de gauche. Je suis le flot de touristes, pointant à chaque grotte où nous passons. La plupart des grottes sont fermées et il est interdit de même jeter un œil à travers les grilles. Les gens, devant et derrière moi, discutent et mangent. Quelques-uns ont des radio-cassettes portables et écoutent des hymnes révolutionnaires ; lorsque les piles sont déchargées, ils règlent la radio sur un programme de la rivière Jaune. Quatre grottes sont ouvertes au public, mais, comme elles ne sont pas éclairées, je ne peux pas voir les fresques. Au cours des siècles, les temples troglodytes ont été érodées par le vent et salis par la fumée des feux de bois allumés par des générations de squatters. Il est difficile de ressentir la sainteté de ces lieux. Je ne vois que des murs écroulés. La statue de Vajrapani en colère, jetant des regards noirs, est cassée à hauteur des lèvres, ce qui lui donne un air ridicule. Lorsque j'atteins la grotte d'Amitabha assis haute de neuf étages, la foule converge. Les hommes et les femmes du groupe de touristes japonais portent des chapeaux blancs et tiennent des drapeaux rouges. Les blonds Américains avec leurs appareils photos suspendus à leur épaule encerclent le bouddha et le scrutent, la bouche ouverte.

Je regarde Amitabha, moi aussi : ses sourcils délicats, ses yeux en amande, un air de sublime compassion, et je me sens minuscule, insignifiant. Lorsque je psalmodiais son nom au temple de Jushilin, je sentais parfois mon esprit s'élever de mon corps et entrer dans un autre monde. L'impression de calme et de vide me libérait.

Je dois m'asseoir. Je suis bouddhiste. Mon esprit doit se concentrer sur ce point. J'ai lu les Écritures et je comprends le concept de réincarnation et la loi du juste châtiment. Je suis venu ici pour apaiser mon cœur et me débarrasser des préoccupations. Je jette un regard à la peinture représentant le paradis de l'ouest d'Amitabha, mais les scènes de vêtements poussant sur les arbres, de pommes volant jusqu'à la bouche ne satisfont pas mon désir de renaître ici. Les touristes bavardent comme des singes en grimpant les marches ; ils regardent d'un air bête le bouddha, assis, immobile et oublieux. Je regarde à nouveau son visage et, soudain, il me rappelle Mao Zedong. J'ai dessiné le portrait du président des centaines de fois, de l'école primaire jusqu'à treize ans, Et plus j'observe Amitabha, plus je trouve qu'il ressemble au vieux Mao.

Je sors hébété. C'est le plus grand bouddha que j'aie jamais vu de ma vie, mais je ne me souviens de rien. Je suis plus troublé que lorsque je suis arrivé. Peut-être devrais-je acheter un billet pour étranger et y retourner ? Certes, il est évident que les étrangers visitent les plus belles grottes. Mais je n'y reviendrai pas aujourd'hui. Je me souviens encore du regard ahuri du garçon de Hong Kong ; je laisse les grottes derrière moi et marche vers les dunes désertes.
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Incipit :
L'an passé, au cours du printemps 1981, je quittai, sur décision de mon unité de travail, l'immeuble où résidait le personnel pour emménager dans une petite maison du passage Nanxio, au numéro 53. Elle est coincée entre la onzième et la douzième rue de Dongsi, dans le quartier est de Pékin, à une centaine de mètres de l'ancienne résidence de Liang Quichao, l'un des membres du mouvement réformiste de 1898, dont les appels à la modernisation mirent l'impératrice Cixi dans une telle rage qu'il dut s'enfuir du pays et passer quatorze ans en exil. Devant la porte de sa demeure, un vieux caroubier a poussé en vrille dans un minuscule espace serré entre le mur et un poteau télégraphique. Ma maison s'élève au fond d'une étroite impasse, à une vingtaine de mètres de ce passage Nanxiao. Celui-ci est tout juste assez large pour que deux bus puissent se croiser sans se toucher. À huit heures du matin et à quatre heures de l'après-midi, le passage s'emplit de tant de monde et de bicyclettes que plus personne ne peut avancer.
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[...] ... Le crâne de Sangsang Dzassi [l'héroïne de la nouvelle] est aujourd'hui entre mes mains. Je l'ai acheté à un homme dont le grand-père, disait-il, avait étudié en son jeune âge la magie au collège de médecine du monastère de Danba. Le crâne de Dzassi était exposé dans la salle des dieux, comme un objet de culte divin. On l'utilisait lors des cérémonies de l'Ultime Aspersion. Cette calotte crânienne transformée en bol a la couleur du cuivre. L'os est fêlé du côté gauche depuis qu'il est tombé par terre, il y a bien longtemps si l'on en juge par la crasse grasse qui s'y est déposée. La scissure de la voûte du crâne a le zigzag d'un électrocardiogramme, ce qui, selon un médecin de mes amis, est caractéristique du crâne d'une femme avant la puberté. Le bord de ce bol fait d'un crâne humain est serti d'un anneau de cuivre et l'intérieur est recouvert d'une feuille de métal.

Le vendeur m'en demandait cinq cents yuans mais je l'ai obtenu pour cent yuans. Si l'un de vous a des dollars dont il ne sait que faire, nous pouvons peut-être nous entendre, si votre offre me permet de couvrir les frais de ma prochaine expédition dans le Nord-Est ...
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[...] ... J'ai tété ma mère jusqu'à l'âge de quatorze ans. Son lait ne s'était pas tari. Mon père avait été tué pendant le soulèvement contre les Chinois. Dans nos steppes, il n'y a pas grand monde, tu verras quand tu y arriveras. A seize ans, j'ai couché avec ma mère. J'avais pourtant l'occasion de fréquenter d'autres femmes quand j'allais au chef-lieu du canton, chaque année pour la Fête du Yaourt ou bien pour faire tondre mes moutons. Mais mes sentiments n'étaient pas clairs. Et puis, je ne pouvais pas me passer de ma mère. Ca la faisait pleurer des fois mais je n'y pouvais rien, elle non plus. J'étais son homme, elle m'avait élevé. Après la mort de mon père, elle ne s'est plus occupée que de moi. Elle n'a jamais eu d'autre homme, pas même un berger de passage.

Un jour où je me trouvais à Djiwa, j'appris que la lamasserie de Sera allait faire restaurer ses bouddhas en bronze. C'était l'occasion de quitter ma mère et de me rendre à Lhassa.

A l'époque, ma fille avait déjà neuf ans. Qu'aurait-elle fait si elle avait su que sa mère était également la mienne ? ... [...]
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[...] ... A l'aube, on enfonça la porte de ma chambre pour m'annoncer que Koula Djouli était coincée en haut du chörten. Tous les occupants du monastère affluèrent vers le sommet de la montagne. Il avait fallu qu'elle mette son plan à exécution ! Elle avait démonté la flèche d'or [qui surmontait le chörten]. Mais le piton de cuivre s'était fiché profondément entre ses cuisses. Cette tige de métal suivait toutes les contorsions qu'elle faisait pour se dégager et enflait sans cesse, elle se cala en elle, lui interdisant tout mouvement.

La flèche d'or avait atterri sur la terrasse du quatrième étage. Les lamas étaient terrifiés. J'allais chercher une échelle pour me porter au secours de Koula Djouli. Mais, dès que je l'appuyai contre le chörten, elle prit feu. Je dus reculer précipitamment pour ne pas griller. Le chörten grillait comme du métal en fusion. L'abbé arriva à son tour. Il envoya des hommes récupérer la flèche d'or avec des perches. Puis il fit dire un rituel d'exorcisme. Un orage s'abattit aussitôt sur le chörten, qui disparut derrière un écran de fumée. Mais la chaleur redoubla, les gouttes de pluie éclataient comme le tonnerre en touchant le métal. C'était terrifiant. La fumée ne se dissipa qu'au bout de plusieurs jours. Koula Djouli était toujours là-haut. Morte. On sentait encore l'odeur qui émanait de son corps. ... [...]
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[...] ... [Sa soeur] s'approcha de lui et lui versa à nouveau du thé chaud dans son bol. Il la regarda.

- "Déboutonne donc ta chemise. Tu ruisselles de sueur. Il y a beaucoup de femmes [en Chine] ?"

Il regarda les yeux, puis les lèvres de sa soeur.

- "Elles ne portent pas la robe tibétaine. Elles se mettent des blue-jeans moulants. Pour dormir, elles enlèvent tout, pas comme nous qui gardons notre tchouba (= manteau en peau de mouton chez les bergers, en feutre garni de parements de fourrure chez les plus riches)."

Il détourna les yeux. Elle détourna les yeux.

Autrefois, ils dormaient ensemble. Autrefois, il avait glissé la main à travers la manche de sa soeur jusqu'à toucher les pointes de ses seins. Il avait fourré sa main entre ses cuisses. Elle s'était réveillée, ses cuisses avaient tressailli. Elle avait repoussé sa main et s'était écartée de lui.

Depuis, il ne pouvait plus regarder une femme sans penser à la steppe. A ce souffle moite et oppressant qui colle à la steppe. ... [...]
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[...] ... La famille du défunt garde le cadavre sous son toit trois jours durant ; puis le mort est acheminé à dos d'homme jusqu'au cimetière céleste. Pendant le trajet, le porteur ne doit, à aucun moment, regarder en arrière ; à la sortie du village et à chaque carrefour, on brise une jarre d'argile rouge pour empêcher l'âme du mort de revenir tourmenter les vivants. Un maître de cérémonie allume des feux d'encens ; les plus fortunés font venir des lamas qui récitent des mantras pour élever les mérites du défunt jusqu'au royaume de Bouddha. Ils espèrent ainsi obtenir sa réincarnation dans la Roue de la Vie ou la vie éternelle dans le royaume de Bouddha. Le maître de cérémonie procède au dépeçage du cadavre. Ensuite il broie les os avec un marteau de fer pour les réduire en pâte. Quand il s'agit d'os tendres (des os d'enfants, par exemple), il ajoute de la tsampa (= farine d'orge, ordinairement consommée mêlée au thé salé et au beurre de yack) à cette pâte afin de l'épaissir avant de la donner en pâture aux vautours. On reconnaît les morts bouddhistes au signe propitiatoire incisé sur leur poitrine. La remise de la peau du crâne à la famille du mort clôt les funérailles. Les relations avec le défunt se poursuivent ensuite par des dons d'encens et des prières aux bouddhas. ... [...]

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Ma Jian est « une des voix les plus courageuses et importantes de la littérature chinoise actuelle ». Selon Gao Xingjian, prix Nobel de littérature
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"Je me souviens de la légende des collines au Sable chantant. Une armée de guerriers impériaux campait une nuit dans le désert et une soudaine tempête de sable les enterra vivants. On raconte que, si le vent souffle dans la bonne direction, on peut entendre les fantômes des soldats hurler à l'intérieur des dunes."
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"C'est agréable de passer une journée à écrire des lettres. On a l'impression de voyager à travers l'espace."

"Ma pauvreté me permet de me déplacer aussi librement qu'une feuille au vent, mais, parfois, j'aimerais qu'une pierre me tombe dessus et me cloue au sol."
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"L'homme qui dort dans le lit à côté du mien ronfle bruyamment. Il va finir par me rendre fou. Il est chauffeur routier. Il a toujours peur que quelqu'un lui vole son essence la nuit, il a donc roulé ses barils jusque dans le dortoir. Les vapeurs sont asphyxiantes. Je pars demain dès que je me lève."
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