. Dans leur enfance, elles avaient souvent subi à l’école des railleries de la part de leurs camarades. Leurs parents étaient beaucoup plus âgés que la moyenne et on les prenait souvent pour leurs grands-parents. Nina n’en avait pas souffert. Ses parents étaient gentils, compréhensifs, c’est ce qui comptait. Leur quatuor fonctionnait à merveille, ils étaient heureux ensemble. Même si le dialogue n’était pas toujours leur principale préoccupation. Nina et Rozenn conversaient constamment ensemble et n’avaient donc jamais ressenti le besoin de questionner davantage leurs parents.
Il a explosé de colère quand il a appris que je n’étais pas enceinte le mois qui a suivi son retour. Il ne comprend pas pourquoi avec l’acharnement qu’il met à honorer son devoir conjugal. J’ai tellement envie de lui crier à la figure qu’on n’accomplit rien de bon avec une telle violence. J’imagine aisément que mon corps refuse de lui donner ce qu’il souhaite étant donné ce qu’il lui inflige.
Je suis perdue et consternée par tant de bêtise. Je n’éprouvais aucun sentiment pour lui à notre mariage, aujourd’hui en revanche je suis sûre que la haine n’est pas loin.
femme grande et belle, dotée d’un fort pouvoir de séduction. Une femme qui avait vécu, comme on dit. Servane avait raconté qu’elle était insatiable en amour, passait d’un homme à l’autre jusqu’à sa rencontre avec Étienne, qui avait vingt ans de moins qu’elle. À ce moment-là seulement, à l’aube de la quarantaine, elle avait décidé de se marier et de faire des enfants. C’est ce qui en faisait, comme son amie Servane, une mère plus âgée que la moyenne.
Ils se réservaient chacun de leur côté des activités mais appréciaient aussi d’être comme des amants qui se cachent pour mieux se retrouver. C’était comme une nouvelle liberté après avoir été pieds et poings liés à leurs rejetons dont ils avaient adoré s’occuper. Nina avait eu l’impression de construire une seconde vie avec Colin, de le redécouvrir après près de vingt ans de vie commune. Elle faisait tout pour entretenir cette alchimie entre eux.
Elle éprouva du dégoût. Pour cet individu dénué de sentiments humains, pour cette justice bancale et laxiste. Comment pouvait-on autoriser un tel personnage à vivre en liberté après ce qu’il avait commis ? Elle calcula que cela faisait vingt ans qu’elle vivait sans savoir que l’assassin de sa sœur était libre. Elle frissonna, rassembla l’ensemble des coupures et les remit en vrac dans la boîte en fer qu’elle prit soin de fermer.
En plus d’être beau et sportif, tout ce que j’appréciais chez un garçon, il était romantique. Comment aurais-je pu résister à cet adolescent qui avait tout pour me charmer ? Sans plus attendre, je fus la première à attraper ses lèvres. Je ressentais un mélange d’envie et de peur qui me faisait prendre les devants. L’excitation de découvrir l’amour dans ses bras et de ne plus être vierge pour épater les copines à la rentrée. Je pourrais enfin les narguer en leur contant le plus bel été de ma vie sur une plage obscure par une chaude nuit d’été. Je voyais déjà leurs yeux briller, leurs mines pâles d’envie, leur bouche ouverte dans l’attente de mon récit. Je savourais mon pied de nez intérieurement. J’étais la dernière de mon groupe à encore être vierge. Elles ne cessaient de me faire languir avec leurs prétendues formidables expériences sexuelles depuis un an. Mais aucune d’elles n’avait vécu le grand amour. Elles avaient juste servi de vidange à sexe d’adolescents boutonneux.
Comme beaucoup de couples, leur vie amoureuse avait été reléguée au second plan. Ils aimaient recevoir le week-end, partir en vacances, faire des activités. Ils étaient entourés mais rarement en tête à tête. Se retrouver à deux après avoir été quatre avait été un grand bouleversement dans la vie de Nina.
Nous n’étions plus qu’à quelques minutes du dénouement. J’étais en nage et haletante, persuadée que Luc allait parvenir à me faire monter au septième ciel. Toutes les copines qui avaient déjà passé le cap s’accordaient à dire que la première fois n’était pas la meilleure, mais j’étais convaincue que mon amoureux saurait y faire pour m’emporter loin d’ici. Et puis il nous restait encore deux semaines de vacances. Si l’expérience de ce soir était concluante, nous pourrions remettre ça tous les soirs. Je jubilais intérieurement. Moi, Nina, seize ans, j’allais faire l’amour avec Luc. Le type le plus canon de tout le village.
J’ai le sentiment de respirer à pleins poumons, comme si plus rien n’entravait le bon fonctionnement de mon corps. Avec Loïc, je vis dans l’angoisse permanente. De faire un faux pas, de dire un mot de trop, de vivre tout simplement. Pourquoi m’a-t-il épousée s’il n’éprouve pas un peu d’estime à mon égard ? Je ne demande pas grand-chose, si ce n’est un peu de respect et de compréhension. Je compte en tout cas reprendre mes séances de confesse avec le père Alunière. Je me rends compte que j’ai un besoin vital de me confier et il est d’une attention tellement cordiale. C’est si agréable d’avoir des amis.
Une femme âgée devient embarrassante à la longue. J’ai eu mon heure de gloire auprès de lui, mais c’est fini tout cela. Vingt ans d’écart, c’est encore un jeunot pour moi, finit-elle dans un rire.