Julia Teis

J’ai comme l’impression d’être un junkie en plein sevrage qui vient de retomber sur sa drogue de prédilection. Je plane. Il ne faudrait pas grand-chose pour que j’y replonge, tête la première. Surtout que mon corps et mon esprit se souviennent parfaitement de tous les détails la concernant.
Comme la saveur de sa bouche contre la mienne. La douceur de sa main quand elle glisse dans la mienne. Le son de sa voix quand elle prononce son premier mot le matin. La senteur de son doux parfum quand je la rejoins. Ou encore la voir une dernière fois de la journée avant que mon bus démarre et m’emmène loin d’elle.

(...) je remarque qu'elle possède un tatouage. Je n'ai jamais eu l'envie ou l'audace comme certains de vouloir marquer ma peau de manière permanente. Mais je comprends ceux qui décident de la faire afin de garder sur eux un fait marquant de leur histoire, une date, un nom important qui a contribué à faire d'eux ce qu'ils sont aujourd'hui.

Pour lui parler, je me suis penché vers elle, son parfum subtil m’assaillant. Je n’arrive pas vraiment à l’identifier, mais une chose est sûre, je l’adore. Au son de ma voix, ses joues deviennent encore plus rouges que ce qu’elles étaient depuis que je suis entré dans sa salle de classe.

Franchement on exige des élèves de l’assiduité à l’école, pourquoi on n’en fait pas de même pour les professeurs ? Depuis le début de l’année, il y a plus de cinq mois, j’ai dû le voir une dizaine de fois en classe, ce n’est pas comme ça que je vais devenir bilingue.

Ça donne l’impression que mon cœur a pris les commandes de mon corps, et que mon cerveau et ma raison n’ont rien pu faire pour le raisonner. Ce furent les deux heures les plus longues et en même temps les plus courtes de ma vie, vous avez déjà ressenti cela ? C’est une sensation assez curieuse en fait.

Malgré toute ma bonne volonté, je continue à l’observer, de temps en temps, à la dérobée. Ce qui d’ailleurs est de plus en plus dur, car elle se met à faire comme moi. Sauf qu’elle n’est pas aussi discrète que moi, du moins j’ose l’espérer.

Pour sa vie future c’est important de faire des études, pour avoir un bon travail et une bonne situation. Et ça commence au plus jeune âge. Je suis bien placé pour le savoir, n’ayant même pas le BAC, j’ai ramé pour monter mon entreprise. Je n’aurais rien pu faire sans mon comptable. D’ailleurs en pensant à lui…
– Lola, cette après-midi, j’ai rendez-vous avec mon comptable. Tu veux venir avec moi ou tu préfères que je te dépose chez mamie ?
Je n’ai pas fini ma phrase que Lola vomit ses tripes sur le parking de l’école à proximité de ma camionnette. En voilà une réponse claire et concise, comme quoi des fois nous n’avons pas besoin de mots pour nous exprimer. Allez, aux

Un léger maquillage rehausse la profondeur de son regard. Il est vrai qu’elle est plutôt charmante. Mais je ne chasse plus vraiment, et encore moins avec les personnes qui côtoient quotidiennement ma fille.

Je possède une certaine force qui m’aide dans ma vie quotidienne. Et comme beaucoup de personnes de mon âge, j’essaye d’aller régulièrement à la salle de sport, entre une et trois fois par semaine.

Cette annonce anodine de la directrice a un effet désastreux sur mon cerveau. On dirait qu’un tsunami vient de passer et a tout ravagé sur son passage. La garce, elle est partie avec son mari durant sa semaine de garde, sans me prévenir, évidemment. Et Lola, elle vit où en son absence ? Chez une amie ?

Il était du devoir de l’école de mettre en place des adultes pour assurer la sécurité des élèves. J’attends tout de même de voir Lola avant de monter au créneau.

Le doute et l’incertitude me font toujours faire ce qu’elle désire. Et cette garce le sait parfaitement, depuis le temps.

Il n’y a pas plus glamour et sexy que mademoiselle Sanchez, notez bien l’ironie dans mes propos. Il ne faut pas s’étonner si après 40 ans bien passés, elle reste mademoiselle. Elle doit avoir un chat ou même plusieurs pour lui tenir compagnie le soir et le week-end dans son minuscule appartement, j’en suis sûr.

Elle est le stéréotype même de la directrice d’école, en version vieille fille. Particulièrement aujourd’hui : elle a enfilé un tailleur jupe en laine bleu marine sur des collants opaques noirs bien épais. Son chemisier blanc est boutonné jusqu’en haut du col, il ne laisse passer que sa croix chrétienne en or autour du cou. Ses cheveux châtain foncé sont attachés en un chignon strict duquel aucune mèche ne dépasse.

Cette femme veut ma mort. Ce n’est pas possible. Bien souvent, je me dis que le jour où je l’ai rencontrée, j’aurais mieux fait de me casser une jambe, voir même les deux en même temps. Je sais que mes propos sont violents. Mais c’est pour dire à quel point elle ne m’apporte que des emmerdes depuis qu’elle est entrée dans ma vie, onze années auparavant. Et je suis, hélas, loin d’en être débarrassé.

Je suis un peu virulent dans mes propos. Je sais qu’il faut que je me calme. Ça ne sert à rien de m’énerver contre elle. C’est même contreproductif avec Natasha, si vous vous énervez, vous obtenez l’inverse de ce que vous souhaitiez. Le passé me l’a souvent démontré.

Tous mes sens sont en alerte maximale. C’est bien la première fois qu’elle m’appelle pour quelque chose de vraiment important. Comme quoi elle commence à s’assagir avec le temps. Y’a de l’espoir. Tout n’est pas perdu pour elle. Oh mon Dieu, qu’est-ce qui a bien pu se passer ? Dans ma tête, le pire des scénarios est en train de se former : Lola gisant au sol dans la cour de l’école, se vidant de son sang. Sans personne autour d’elle pour lui porter secours.   – Elle va bien ? Qu’est-ce qu’elle a ? Elle s’est fait mal comment ? Tu l’as amenée aux urgences ? Qu’a dit le docteur ? Je sais que je la bombarde de questions, mais là j’ai vraiment besoin d’être rassuré. – Je ne sais pas. Ils viennent tout juste de m’appeler. Je n’ai pas le temps d’y aller. C’est pour ça que je t’appelle à mon tour.

À force de le voir draguer, on pourrait s’attendre à ce qu’il ait trouvé chaussure à son pied. Mais non, il papillonne toujours autant, de droite à gauche, de femme en femme, sans aucune attache.

Comme tout bon italien qui se respecte, c’est un dragueur invétéré. Dès qu’il est en présence d’une jolie fille, c’est plus fort que lui, il faut qu’il lui fasse du gringue. Bien sûr, à l’arrivée de Nadège dans l’entreprise, et ce malgré mes avertissements et mes réprimandes, Gino a fait son gros lourd en l’invitant sans cesse, en passant devant l’accueil plus que de raison, et en faisant des allusions sexuelles plus ou moins douteuses et plus ou moins subtiles.
Puis, du jour au lendemain, plus rien.

Tout le monde, ici, sait que le prénom Natasha est synonyme d’emmerdes pour moi. J’ai peur de découvrir la dernière en date. Cela faisait trop longtemps qu’elle était restée tranquille. J’aurais dû me douter que ça n’allait pas durer.