Les écrivains, plus ou moins explicites et trop souvent soumis à la censure, ont de tout temps écrit le désir. Écrire, c'est tenter de combler le vide que laisse le regard affamé, tenter aussi de vaincre la distance entre fantasme et réalité.
Alors s’avance l’orage. Au creux des reins de chacun d’eux, au milieu de leurs corps, dans l’ombre, entre leurs jambes, on dirait que s’entrouvrent, que s’éveillent et se débouchent mille canaux, un peu partout, qu’un fleuve sourd, comme rejaillissent de la terre les filets d’eau aux alentours des sources, et ils deviennent attentifs, et elle commence à crier, à remuer sa tête, à poser sur son visage d’enfant la plus grande expression de souffrance d’un être humain, et pourtant montent en elle ce tremblement, cette peur, cette chose étrange parente de l’éternuement et des larmes qu’on appelle la volupté. Déjà il se sent comme le paralytique qui perd l’usage de la moitié de son corps : voici que la moitié de son corps est prise, atteinte de cette légère douleur qui va devenir affreuse, et que ses muscles mènent une vie indépendante de la sienne, et la maladie monte et gagne, et il va certainement suffoquer, et tous les canaux sont ouverts dans cette plante qu’est son corps, où bouillonne la sève. Elle brûle et il brûle, et il fouaille cette chair et bute, au plus loin qu’il s’avance, et elle se sent déchirée et prise à pleines mains. Ils sont huilés tout entiers comme des lutteurs, baignés dans la sueur même de la nuit, combattants d’un élément liquide, et le moteur fait de deux corps bat sa mesure vertigineuse, et approche la fin. Alors elle crie, d’un cri long, et se contracte, et ne sait plus ce qui se passe en elle, et veut le fuir et le garder. Et lui-même, terriblement contracté, il laisse aller sa tête sur l’épaule, il serre ses lèvres, il se mord et suffoque, et tout au sommet de sa tension et de son élan, il défaille, et se laisse aller. Voici que sa douleur si bien cachée en lui, sa douleur du centre de son corps, et de ses reins et de ses jambes, elle s’est amassée à la pointe de lui-même, et il l’expulse avec un souffle d’agonie, et il se vide de sa sève, et elle crie toujours, et ils ont chaud, et ils font deux ou trois mouvements spasmodiques, comme l’insecte assommé qui va mourir dans la seconde, et tous ses membres sont détendus, brisés, aussi sûrement que si on lui avait coupé les nerfs et les tendons et elle le sent qui tombe au-dessus d’elle, qui se laisse noyer, lâche et mou comme un pantin de son. Et déjà le silence s’est établi.
ROBERT BRASILLACH
Comme le temps passe
(1937)
©Plon
L'érotique dans la littérature n'est en fait que l'imaginaire du sexuel, présenté avec des degrés de précision et de métaphoricité plus ou moins audacieux.
Même dans ses phantasmes les plus fous, il n’aurait jamais rêvé d’une fille aussi belle. Il se remplissait les yeux des hanches fines, du ventre plat et brun, de la poitrine ferme et abondante, des interminables cuisses fuselées.
La main de cet homme, elle doit avoir l’habitude des cordages jusqu’à leur ressembler. Je sais que la femme est docile à cette peau rugueuse. Elle s’y adapte. Ils ont l’air heureux. Je ne suis pas jaloux. Mais voilà que recommence l’histoire de tout à l’heure. Au même endroit, la même chaleur. L’homme et la fille s’embrassent. Les lèvres du marin doivent être si douces dans ce morceau carré de hâle.
Ma langue passe et repasse sur mes lèvres pour mieux imaginer ce que peuvent être des lèvres à des lèvres.
L’alcool que je suis en train d’absorber multiplie, à coup sûr, la jouissance que je tire de ma puissance abstraite. Liée au corps d’Ida, elle en est pourtant séparée. Esclave d’images intérieures, cette puissance dépend surtout d’une image invisible, brouillée par un désir qui se détruit dans l’objet qu’il est sur le point de saisir. En vérité, c’est l’irréalité de mon pouvoir qui m’épuise.
Écrire le Perche, c'est décrire l'éclairage voilé de saisons indécises, des brumes opalines que l'on croirait imaginaires, un songe étale. C'est dire, détour après détour , un pays mystérieux de silence et de secrets, une identité profonde, archaïque - un paysage intérieur.
« Le 9 mars 1988, Julien Cendres fait l'objet de poursuites judiciaires pour avoir adressé le poème A la splendeur abandonné à la revue L'Espoir. Nous protestons contre cette atteinte à la liberté d'expression. »
Qu’il est d’amour en marche par le monde à la rencontre de ta horde ! Une seule vague sur son cric !… Et toi le Maître, et qui commandes, tu sais l’usage de nos armes. Et l’amour seul tient en arrêt, tient sur sa tige menaçante, la haute vague courbe et lisse à gorge peinte de naja.