Il arrive que l'on fasse une chose juste pour de mauvaises raisons.
Je regarde le tableau et il me coupe le souffle : c'est elle qui me fait cet effet. Ce matin, je me suis obligée à affronter son regard, à le soutenir, et puis j'ai commencé à pleurer, submergée par la sensation que je n'étais pas celle qui voit mais celle qui est vue.
Jamais je ne connaîtrai cette femme - ni son nom, ni la musique qu'elle joue. Jamais je ne saurai ce qu'elle aime manger, si elle a des enfants. Elle reste silencieuse. Mais je suis parvenue à parfaitement savoir ce qu'elle représente. Et je lui suis reconnaissante de ce qu'elle m'a donné, de ce qu'elle m'a appris sur la constance et sur l'intégrité. À travers elle, je suis parvenue à mieux me connaître, à mieux comprendre le monde.
La trahison est pour l’âme un coup physique violent.
Elle est belle. Rien au monde, absolument rien, n’est plus intéressant à étudier qu’un visage. Son regard me fascine, m’aimante, me tient prisonnière.
Il fait froid, sombre, humide. Pourquoi suis-je ici ? Pour quoi faire ? Dans ces journées si courtes de janvier, la campagne entière, avec ses moutons, ses cochons, ses vaches, semble plongée dans un désespoir hivernal. Le vent coupant, glacé, souffle jusque dans mes os. Je me demande par moments si j’arriverai un jour à me réchauffer.
Je regarde mon visage dans le miroir et il me paraît lointain, flou, moins réel que le sien. (p. 13)
Pendant ma thèse, j’ai découvert une très belle observation faite par Henry James sur ses voyages en Hollande:
« Quand on regarde un paysage, on a l’impression de voir un tableau, et quand on regarde un tableau, on a l’impression de voir un paysage. Est ce vraiment un bord de canal à Haarlem ou un Van der Heyden ? Dans la rue, les servantes semblent s’être échappées d’un tableau de Gérard Dou et être prêtes en même temps à y retourner. »
Devant moi s'ouvrait un monde inconnu. Mon regard se perdait dans les caprices de l'ombre et de la lumière sur le tapis de la table. Le mur s'embrasait de la réflexion du soleil. J'avais le désir fou d'être dans cette chambre, avec ces trois personnages. Le couvercle du clavecin était relevé. On y apercevait distinctement un paysage peint. Il y avait un autre paysage accroché au mur. Que de possibles! Je pouvais à peine embrasser tout ce que m'offrait cette toile, toute cette promesse de vie. L'amour du réel. Je me sentais effacée, absorbée par elle.
Certains jours, la conversation de haut niveau et le déjeuner formel et élaboré que partage l'équipe de la Frick sont au-dessus de mes forces. C'était le cas ce jour-là, et j'avais accompagné mon yaourt de quelques pages du roman d'Iris Murdoch La mer - "L'un des secrets d'une vie heureuse tient à l'adoption de petites plaisirs " est une mine inépuisable de sagesse.
La vie n'est pas juste. Si la vie était juste, Katie serait vivante et nous serions encore ensemble, Sam et moi. On dit que très peu de mariages survivent à la mort d'un enfant. C'est vrai. J'ajoute que très peu d'individus y survivent. Jusqu'à aujourd'hui, je pensais que je n'y avais pas survécu.
Je ne dois pas me laisser fasciner par ce paysage sublime au point de perdre ma vigilance, mais rester constamment cloîtrée pourrait attirer l'attention et faire naître des hypothèses sur les motifs qui m'ont poussée à surgir de nulle part pour louer le cottages Denis O'Driscoll.