À l'époque où je vous élevais seule, je vous regardais tous les deux - cela fait écho à ta remarque sur la force - et il ne faisait aucun doute pour moi que vous n'en manquiez pas. Je crois que dans ton cas, j'ai compté très tôt là-dessus parce que c'était ma seule force qui me permettait de tenir, j'ignorais que sans la vulnérabilité, la douceur et l'amour, la force est vaine et paralysante.
En faisant l'amour un soir de la semaine dernière, pour la première fois j'ai pris conscience de ma chaleur de femme. Le sentiment que de merveilleux secrets résidaient en moi... là... pour quiconque voulait écouter, vraiment écouter.
Il m'arrive quelque chose. Une forme de clarté. Mon existence scellée dans l'ici et maintenant. Chaque jour est merveilleux en ce moment. Il porte une sorte d'affirmation. Une force. Même dans ses passages les plus fastidieux.
Et je veux toujours vivre simplement - en vagabondant une partie de ma vie - trouvant le repos et la joie dans un lever de soleil, une averse - trouvant mon bonheur dans le sourire d'autrui.
Quand elle est partit de chez elle pour l'été, elle avait les cheveux si courts que son p-re refusa de lui dire au revoir. (...) Elle les avait coupés si courts qu'il ne servait à rien de les lisser et ils frisaient donc sur sa tête, la faisant ressembler, aux dires de son père, "à n'importe quelle fille noire".
'Il a des tâches de rousseur, Mildrey, et des yeux verts, il est si beau ! T'es sûre qu'il est pas Noir ?" Je leur ai répondu que oui, que tu t'étais fait tabasser et que t'avais même fait de la prison juste parce que t'étais un Noir. Ça les a vraiment impressionné.
J'avais besoin de tout ce temps, de toute cette solitude, de toute cette peur et de cette richesse, de ce chagrin, de ce choc, et de tout le reste. Rien de tout ça n'était vain car c'est seulement ainsi, en faisant tomber une couche après l'autre, puis en perdant pied pour en faire tomber une autre, que je me suis trouvée et que j'ai découvert en moi une très gentille femme...
Quand les gens me disent : "Tu ne te vois pas comme une femme de couleur ! Tu ne te souviens jamais que tu es noire ? ", cela m'interpelle. Je m'en remets à mon journal et consacre des pages à me rappeler que je suis une femme de couleur.
In "Dérobade", Journal d'une femme noire, Kathleen Collins