Quand on passe son temps à travailler avec les mots, on a parfois besoin de récupérer , dans un lieu où le langage ne s'articule plus, où on est réduit à quelques substantifs élémentaires . Mer. Oiseau. Ciel.
On dit que le jour viendra -peut-être même est-il déjà venu- où il n'y aura plus de faune sauvage. C'est-à-dire où il n'y aura plus sur notre planète une seule espèce capable de se reproduire sans se référer à notre bon vouloir ou négocier avec nous. Un jour où notre intervention ou notre restriction seront un facteur de leur droit de survie.
Le temps est une spirale. C'est un incessant va-et-vient. La cassette est retrouvée, mais cinq mille ans sont déjà passés. A présent nous sommes des milliards, avons construit des mégapoles avec des moyens de communication globaux instantanés, et nous envoyons des vaisseaux spatiaux pour explorer des rivages inconnus. Nous pouvons atteindre l'âge de quatre-vingts, quatre-vingt-dix, cent ans! Vous autres fermiers préhistoriques ne soupçonnez pas à quel point vous avez prospéré. Mais des millions croupissent dans la pauvreté. D'autres érigent des murs élevés et fabriquent des missiles. Le niveau des océans monte, les vents de tempête nous assaillent. Notre strate - plastique et déchets - commence à nous faire honte.
Ce qui pourrait bien nous sauver, d'après le naturaliste Edward O. Wilson, c'est un caprice de l'histoire. Plus qu'un caprice, "Un cadeau miraculeux de la nature humaine aux générations futures" dont nous commençons seulement à nous rendre compte. Par nature humaine, Wilson entend la nature des femmes. Nous ne nous "reproduisons" pas. Quand les femmes ont le choix, jouissent d'une bonne santé et d'un certain confort matériel, elles font immédiatement en sorte d'avoir moins d'enfant, voire pas du tout. Wilson attribue cela à un instinct : "un choix instinctif universel". Il affirme qu'il se pourrait bien qu'au cours du siècle prochain, à travers l'émancipation des femmes et l'amélioration des soins donnés aux nouveaux-nés, la population humaine se stabilise puis commence à chuter. A son tour, l'exploitation des ressources de la planète diminuera aussi, et nous pourrons peut-être éviter une catastrophe, et assurer notre survie, et celle d'innombrables autres espèces. C'est une vision rassurante. Une sorte de frugalité. Elevez un ou deux enfants qui, à moins d'un désastre, deviendront des adultes en bonne santé, puis vous êtes libres de retourner contempler la mer. (La colonie de fous de Bassan)
Il y a une phrase à laquelle je pense toujours, chaque fois que j'aperçois un oiseau de proie perché sur un poteau, ou que je regarde planer un faucon crécerelle. Si vous avez vu le faucon, vous pouvez être sûr que le faucon vous a vu.
[...] jamais le consumérisme ne remplacerait la passion ou l'émerveillement.
Les objets, exhumés, sont dans les mains des gens qui les rappellent à la mémoire et les reconnaissent, les soupèsent, les testent, les nomment. Ils ont vraiment retrouvé leur place. (p91)
En fin de compte, on ne perçoit que ce qu'on s'attend à voir, ce à quoi on est habitué. Parfois, il faut un regard neuf, ou un esprit moins conditionné...
Il se dégage des montagnes, de la glace et du ciel, un silence minéral qui exerce une puissante pression sur nos corps. C'est un silence venu de très loin, effrayant, qui fait ressembler le bruit sous mon crâne au cri d'une oie criarde. J'aimerais réduire mon esprit au silence mais je pense que cela prendrait des années.
Continuez à regarder, même quand il n'y a pas grand-chose à voir. Ainsi votre oeil apprend ce qui est normal, et quand quelque chose d'anormal apparaîtra, votre oeil le repèrera.