Katie Hickman, The Aviary Gate
À Alexandrie, nous pourrons facilement vendre ceux qui nous restent comme esclaves et notre profit est assuré. Mais, comme tu le dis, il y a fortune à faire avec ce genre de marchandise. Surtout, par les temps qui courent, pour un garçon de ces contrées. Une seule belle pièce, à ce qu’on raconte, peut rapporter autant que tout le reste. Le bruit circule sur les marchés d’Alexandrie et du Caire que les seigneurs ottomans les préfèrent maintenant aux eunuques blancs venus des montagnes orientales de l’empire du Grand Turc. Seuls les riches harems de l’Empire peuvent s’offrir des eunuques noirs. Des produits de luxe, en quelque sorte, comme les plumes d'autruches, la poudre d’or, le safran et l’ivoire que les caravanes apportent à travers le désert.
Oxford, de nos jours
Le parchemin, quand Elizabeth le découvrit, avait la couleur ambré du vieux thé et la fragilité d'une feuille morte. Le feuillet, de petit format, avait été soigneusement plié en trois pour s'insérer entre les pages du livre. Le long d'un des plis courait une tache d'humidité. Elizabeth jeta un nouveau coup d’œil à l'intitulé dans le catalogue - opus astronomicus quaorum prima de sphaera planetarium - avant de revenir à la feuille pliée.
Je l'ai trouvé.
Elle avait la gorge serrée. Elle resta assise un moment, immobile. Le bibliothécaire lui tournait le dos, penché sur un chariot de livres. Elle leva les yeux vers la pendule sur le mur d'en face : 6h55.
Il lui restait cinq minutes avant la fermeture, peut-être moins. La cloche avait d´je sonné et la plupart des autres lecteurs commençaient à ranger leurs affaires. Pourtant, Elizabeth ne pouvait se résoudre à déplier le papier. Elle leva vers son visage le livre délicatement entrouvert, le dos du volume posé dans ses mains. Attention, fais très attention, maintenant, se dit-elle.
Les yeux fermés, elle renifla comme un chat méfiant. Tout d'abord, poudre à priser et vieille poussière, un lointain relent de camphre. Et ensuite, la mer, sans aucun doute, oui la mer. Et autre chose, qu'est-ce que c'était ? Elle inspira encore, très doucement cette fois.
Des roses. De la tristesse.
Elizabeth reposa le livre, les mains tremblantes.
Immobile dans la tempête d'hystérie féminine, Celia constata qu'à part elle il n'y avait que trois personnes à ne pas être en train de courir ou de s'égosiller. Au centre de la pièce la Haseki se tenait toujours près de la magicienne. D'une extrémité de la salle, Hassan Aga, imposante silhouette couchée sur sa litière, l'observait sans ciller, tandis que de l'autre côté, toujours assise immobile sur le divan, se trouvait la Validé.
- Vous oubliez qu'il n'y avait pas que les femmes à être esclaves, rappela Berin. L'empire ottoman tout entier reposait là-dessus. Mais ce n'était pas de l'esclavage dans le sens où les gens l'entendent généralement aujourd'hui. Aucune honte n'était attachée au statut d'esclave. Et ce n'était pas un système particulièrement cruel - rien à voir avec ce qu'on pourrait appeler "l'esclavage de plantation". Plutôt l'occasion de faire carrière, en fait, précisa-t-elle en souriant. La plupart de nos grands vizirs ont commencé comme esclaves.
Tout ne s'apprend pas dans les livres, vous savez.
Elle pleurait et pleurait, des larmes jaillies d'un puit au fond d'elle dont elle n'avait jamais soupçonné la profondeur.