Kim Fielding

Quand Ery se réveilla, il crut d’abord qu’il rêvait.

Il était avachi contre le tronc en fin d’après-midi, le soleil renvoyant de longues étendues d’ombres. Il avait des crampes aux jambes et ses fesses étaient engourdies. Il soupçonnait que des insectes se furent nichés dans les cheveux. Rien de tout ça n’avait d’importance, considéré l’homme nu qui se tenait juste à côté.

Il avait des muscles élancés sous sa peau pâle, même selon la moyenne du nord-ouest du Pacifique. S’il avait des poils, ils étaient trop clairs pour qu’on les voie. Des gouttes d’eau brillaient sur son sexe non circoncis, glissant depuis son torse. Ses grands yeux étaient d’un vert clair surprenant, et même mouillés, ses longs cheveux étaient blancs. Son beau visage faisait jeune, début de la vingtaine peut-être, avec un menton un peu pointu, une bouche large et des pommettes proéminentes.

Il se tenait si près de lui qu’il dégoulinait sur le carnet d’Ery.

— Eh bien, j’ai cru que tu étais un rêve hier soir. Et parfois, dans nos rêves, nous faisons de choses que nous ne ferions jamais dans la réalité. C’est très Freudien.

— Pourquoi ne m’aurais-tu pas embrassé dans la réalité ? Parce que je suis un mâle ?

— Euh, non. C’est même un plus pour moi, en fait. Je suis un six sur l’échelle de Kinsey.

— Alors, parce que je ne suis pas humain ?

— Pas hu… Non. Je suppose que ce n’est pas vraiment un problème pour moi.

C’est maman qui nous a appris à tous à ne pas juger quelqu’un avant de savoir ce qu’il a vécu, parce que chacun d’entre nous porte un fardeau. Mais simplement parce que tu ne peux pas voir le fardeau d’un autre, ça ne veut pas dire qu’il n’est pas lourd.

Eh bien, ils rêvent en couleurs ! Parce que ceux qui achètent ces nouveaux logements hors de prix ne sont pas du genre à prendre le bus. Et du vélo, ces gens-là n’en font que le week-end, histoire d’arborer leurs jolis shorts et leurs petits culs musclés. Par contre, ils prennent leur SUV pour se rendre au travail, faire des courses, ou conduire leurs gosses apprendre le cantonais ou le raku. Donc, ils ont tous des voitures et ils les garent dans les rues, prenant ainsi les places destinées aux clients et aux touristes.

Avec l’aide d’une généreuse tasse de café, il put avancer sérieusement dans ses révisions. Peu à peu, le savoir s’infiltrait dans son cerveau délabré, mais rien n’assurait que Qay serait capable de le recracher sur sa copie de jour de son examen.

Pense positivement. N’envisage pas de renoncer. Parce qu’il savait très bien où ça risquait de le conduire : à la catastrophe.

De plus, j’apprécie tout particulièrement les clients qui lisent de vrais livres papier au lieu d’utiliser une tablette ou un smartphone. Ça donne à mon café un air intellectuel.

À son âge, Toad ne devrait penser qu’aux jeux vidéo ou à sa prochaine interro de chimie, et non à des difficultés qui dépassaient son âge. On lui avait volé son enfance, c’était lamentable.