Classe… vraiment… classe. Mais quand même, pourquoi pas me trouver un petit mec un tant soit peu respectable avec qui passer la nuit ? Je sais que j’avais dit que je ne ferais pas de folies, seulement, j’ai besoin d’une distraction. Je m’installe donc au comptoir et sors ma liseuse de mon sac. Avec un peu de chance, ça attirera des intellos en manque d’affection… Je n’ai jamais réussi à jouir avec des débiles. Rien n’y fait, je ne peux simplement pas. Quand je suis avec un mec, je suis avant tout avec son cerveau. Le problème, c’est que ça ne se repère pas facilement, un cerveau ! Du coup, je suis obligée de recourir à la bonne vieille méthode qui consiste à trouver un physique à mon goût, puis faire des recherches plus approfondies sur ce qui se cache à l’intérieur. Autant être honnête, je rentre souvent bredouille !Un petit tour de la pièce me permet de sélectionner trois mecs qui pourraient potentiellement faire l’affaire : un métis vraiment bien fringué qui joue aux fléchettes et un blond costaud accompagné de son pote à lunettes.
Le problème, c’est qu’il y a un écart entre ce que l’on souhaite et ce que l’on obtient. C’est donc en furie que j’arrive dans l’open space réservé à la finance, énervée contre moi et mes espoirs déchus, alors que Charlatan et Natapute sont en grande conversation.— Dis-nous, Lara, tu en penses quoi de l’annonce de Nassim ? me lance la cruche en fixant son doigt au lieu de me regarder.Ça te donnera un prétexte supplémentaire pour te trimballer à moitié à poil.Calme. Respire. Tout va pour le mieux.— Que le meilleur gagne, les bitches ! je m’exclame, à la fois en colère et joyeuse, dans le but d’insinuer le doute sur mon réel état d’esprit.Décortiquez-moi ça, les abrutis !Charlatan me regarde en souriant.Bien sûr que tu vas l’obtenir ce poste, tu es tellement parfaite, belle, intelligente, pulpeuse, gentille…Moi qui pensais qu’il était gay. Je suis si nulle que ça en humains ? Oui, bon, ce n’est pas une surprise.
C’est mon dernier recours, et, heureusement pour moi, cette technique ne m’a jamais déçue. D’ailleurs, il faut que je pense à remercier mon père encore une fois de m’avoir emmenée à la boxe quand il a compris que j’étais hyperactive.J’y passe une heure avant que la vieille du haut ne vienne tambouriner à ma porte. Sous son injonction, je baisse le volume et attends qu’elle retourne chez elle, puis file sous la douche. Mes muscles finissent par se détendre, et c’est de meilleure humeur que je me dirige vers ma chambre.
Depuis que je suis entrée dans ce salon de thé, mon avenir m'apparaît de plus en plus clairement. Il est auprès de lui, avec Nathan et Carl. Et même Ron. Qu'importe où je me trouve. En France, aux États-Unis ou ailleurs, c'est Brett ma maison. C'est eux ma famille. C'est à leurs côtés que je me sens le mieux. Que j'ai enfin l'impression d'avoir ma place.
-Léna-
Nathan et moi avons plus de choses en commun qu'il n'y paraît. Tous les deux, nous cachons notre véritable identité au reste du monde, priant pour que notre secret soit bien gardé tout en espérant qu'il éclate au grand jour une bonne fois pour toutes.
Je ne me souviens que de réveils mornes, de solitude parmi les foules et d'un quotidien fade. Alors qu'avec elle, c'est de l'émerveillement, des fous rires tous les jours, un bonheur illimité du matin jusqu'au soir. Avec elle, je vis.
-Brett-
Je ne vais quand même pas renoncer à mettre en avant mon corps de déesse à cause de machos ou de pauvres meufs jalouses. S’il y a bien un truc que j’ai saisi hier, c’est que je ne me suis pas trompée sur l’appréciation que j’ai de moi-même : je suis une bombe atomique, un avion de chasse, la réincarnation humaine d’Aphrodite, une merveille. Les autres vont bien finir par comprendre que ça ne s’arrête pas là quand je serai promue.
Quoi qu’il en soit, je dois vivre avec et surmonter cette journée. Ça fait partie de mes nouvelles résolutions : arrêter de perdre trop de temps sur des considérations sans intérêt. Je repousse donc la boule de poil rousse qui me bloque la vue, puis me lève du lit pour aller me faire un thé. Ce breuvage ne m’a jamais déçue, contrairement au vin d’hier soir qui continue de vouloir me rétrécir la cervelle.
Depuis plusieurs années, ma stratégie de vivre au jour le jour fonctionne à merveille, je ne vais pas tout gâcher parce que de nouveaux paramètres ont surgi dans ma vie. Je sais m’adapter, je peux modéliser un algorithme flambant neuf qui me permettra de continuer à surmonter le quotidien. Voilà, tout ce que j’ai à faire, c’est de relativiser. Rien d’impossible. Enfin, si j’étais un robot…
Mon frère m’a dit la semaine dernière qu’à l’époque, on pensait les femmes moins intelligentes parce que leur cerveau est plus petit. Depuis, la science a avancé tandis que les mentalités ont stagné. Voilà pourquoi je dois devenir directrice financière. Je serais la seule représente de mon genre qui a vraiment du pouvoir dans la boîte et je pourrais changer les choses.