Où ai-je garé ma moto ? Où est ma tête ? Où j’ai foutu mon cœur ? Si j’observe plus attentivement, je pense que je dois pouvoir le ramasser un peu partout autour de moi.
Ma colère gronde, enfle et s’insinue partout en moi.
Je ne suis attentif ni aux automobilistes, ni à la route, ni à ma conduite.
Je n’ai qu’une seule idée fixe : la rattraper et qu’elle m’explique.
De quoi m’accuse-t-elle ?
Que dois-je dire ou ne pas dire en sa présence ?
Que dois-je faire ou ne pas faire pour ne pas la blesser ?
...
Sauf que... Le choc est violent.
Je le sens à la douleur qui irradie partout dans ma jambe, mon cou et mon bras. Au vol plané que j’opère.
Je suis entre deux mondes, comme si le sort m'imposait de choisir celui que je souhaite : les ténèbres ou la lumière. Le visage de Célio se matérialise à nouveau dans ma tête, son regard bleu me défie de laisser tomber, son air renfrogné m'interdit d'abandonner, alors que ce qu'il a construit en nouveaux souvenirs m'impose de me battre.
Des images de la nuit passée me reviennent en mémoire, ses mains et ses caresses, ses lèvres, sa bouche et ses mots. Ses murmures qui glissaient sur ma peau comme une assurance permanente que c'était lui : lui près de moi, lui contre moi, lui avec moi.
Le bonheur ne dure jamais. C'est juste le malheur qui fait une pause.

Chapitre 2 :
Nills
«…
— Vous n’êtes pas seulement séduisante, Mlle Wang ?
Merde ! Ai-je vraiment dit ça à haute voix ? Je me rends compte qu’en plus d’une tête bien faite, cette Mlle Wang a une tête bien pleine !
— Vous venez vraiment de lire ça, Monsieur Fanderson ? s’empourpre-t-elle.
— Je suis désolée, c’était déplacée. Ça ne se reproduira pas.
— On est bien d’accord, gronde-t-elle, le regard noir.
— Ce n’est pas non plus une insulte, rétorqué-je, agacé.
— Vous pensez que j’ai eu mes diplômes dans une pochette surprise ?
— Ai-je dit une telle chose ?
— Vous l’avez insinué à la minute où vous avez dit que je n’étais pas seulement «charmante», tique-t-elle. j’ai travaillé dur pour être où j’en suis, mes prétendus atouts physiques n’y sont pour rien !
Sa répartie me laisse sans voix, et je devine la colère sous ses traits si doux.
— Avons-nous fini Monsieur le Juge ? Demande-t-elle en insistant sur ma fonction.
— Avons-nous commencé, Madame la pédopsychiatre ? Réponds-je en me rapprochant dangereusement d’elle.
Elle recule en gardant le silence.
— Bonne soirée, balancé-je en stoppant mon avancée.
— Également.
Je lui tourne le dos et file m’asseoir à mon bureau... »

Je hais les gens qui profitent de leur statut, et pire de leur amitié pour parvenir à leurs fins. Bref je déteste les gens qui abusent… Et monsieur Connard en est la preuve vivante. Les abus, ça me connaît, et ce, depuis que je suis petite. Ces gens qui profitent de leur position d’adulte, de leur situation professionnelle ou de leur force pour imposer à des mômes, à des employés ou à des faibles, leurs désirs, leurs envies ou leurs frustrations, tout ça m’exaspère et me fout dans des colères plus que noires ! Le respect, la confiance, ça ne s’achète pas, ça ne s’impose pas, ça se mérite. On ne peut pas réclamer de la considération aux autres si on n’a pas le moindre égard à leur encontre. C’est d’une logique imparable pour ceux qui ont la tête sur les épaules, et qui ne sont pas nés avec une cuillère en argent dans la bouche. Je rumine toujours ma frustration quand je frappe à la porte de ma meilleure amie. Isa m’ouvre la porte et lève les yeux au ciel lorsqu’elle me voit. Je sais ce qu’elle va me dire avant même qu’elle ouvre la bouche !
On dit qu'il n'y a pas de gens prédestinés, juste les bonnes personnes qui passent au bon moment, peut-être que c'est vrai, peut-être pas.
Je me drogue de son odeur et de sa saveur, de ses plaintes, de ses soupirs et de sa fièvre, je me dope au réseau de nos émotions et de notre excitation. Plus je la veux, plus j’ai envie d’elle, et plus j’ai envie d’elle, plus je la veux. Qu’est-ce qui m’arrive ? Je n’ai jamais eu autant de plaisir à faire l’amour à une femme, alors que je n’ai même pas commencé…
Bordel ! Qu’elle est belle ! Qu’elle est magnifique dans ses craintes mêlées à ses envies, à se tarauder le cerveau pour décider si c’est bien ou mal. Si elle savait comme je m’en fous, à cet instant. Si elle avait conscience de cette intensité qu’elle renvoie, qui m’éblouit puis m’aveugle, avant de me redonner une vision adoucie de la vie tout entière.
Son regard perdu, ses lèvres gonflées de nos baisers, et ses joues rosies par le plaisir me rendent dingue. Je la veux, je veux la déshabiller, comme on effeuille chaque pétale d’une fleur, l’user de mes lèvres jusqu’à ce qu’elle m’implore de la baiser. Je veux être en elle, et lui faire goûter ce bout de monde qu’elle, me fait découvrir.
Je me rue à nouveau sur sa bouche sans qu’elle ne recule. Non, pas cette fois, et je m’en réjouis. Jane Spencers, garde du corps de son état, baisse enfin les armes.