— On vous cherche partout ! J’étais sûre de te retrouver avec une pelle, couverte de poussière et de sueur… s’adresse-t-elle à Sofia.
— Pour un mariage ? s’offusque-t-elle.
— Après l’avoir enterré, impossible que tu sois sur ton trente et un. J’veux pas te vexer, mais t’as vu le morceau ?
— Pas faux.
J’observe ces deux femmes, fortes et fragiles, partir dans leur dialogue coutumier, ignorant délibérément ma présence.
— Tu t’inquiètes pas que moi, j’aie pu la supprimer et l’ensevelir quelque part ? questionné-je innocemment.
— C’est pas à moi de t’imaginer en sueur et couvert de poussière, la bête.
Elle balaie l’image possible d’un revers de la main.
— La bête ? répété-je, ahuri.
— Vadim et moi, on vous surnomme comme ça : la Belle et la Bête.
C’est pas possible d’être aussi heureux ! Si un seul mec m’avait adressé un tel regard, je l’aurais épousé moi aussi. Je les rejoins, chargée de nos cocktails, et m’installe…
… entre eux.
— Arrêtez d’être aussi beaux et amoureux, c’est chiant pour les autres ! balancé-je en me tortillant pour m’incruster.
Elle et moi, il faut que ça cesse. Je suis pas assez pour une femme qui est trop.
Où ai-je garé ma moto ? Où est ma tête ? Où j’ai foutu mon cœur ? Si j’observe plus attentivement, je pense que je dois pouvoir le ramasser un peu partout autour de moi.
Ma colère gronde, enfle et s’insinue partout en moi.
Je ne suis attentif ni aux automobilistes, ni à la route, ni à ma conduite.
Je n’ai qu’une seule idée fixe : la rattraper et qu’elle m’explique.
De quoi m’accuse-t-elle ?
Que dois-je dire ou ne pas dire en sa présence ?
Que dois-je faire ou ne pas faire pour ne pas la blesser ?
...
Sauf que... Le choc est violent.
Je le sens à la douleur qui irradie partout dans ma jambe, mon cou et mon bras. Au vol plané que j’opère.
Je suis entre deux mondes, comme si le sort m'imposait de choisir celui que je souhaite : les ténèbres ou la lumière. Le visage de Célio se matérialise à nouveau dans ma tête, son regard bleu me défie de laisser tomber, son air renfrogné m'interdit d'abandonner, alors que ce qu'il a construit en nouveaux souvenirs m'impose de me battre.
Des images de la nuit passée me reviennent en mémoire, ses mains et ses caresses, ses lèvres, sa bouche et ses mots. Ses murmures qui glissaient sur ma peau comme une assurance permanente que c'était lui : lui près de moi, lui contre moi, lui avec moi.
Le bonheur ne dure jamais. C'est juste le malheur qui fait une pause.
Elle est si facile à lire, si captivante et si addictive que tout semble facile. Peut-être trop. Je ne sais pas. Une chose est sûre, elle me fascine, et ce, pour plusieurs raisons : la première, ce désir primaire qu’elle fait naître en moi, dès que je la vois. Comme le mâle alpha qui a reconnu sa femelle, et qui sait que ce serait la meilleure pour sa progéniture. C’est absolument brut, fulgurant et incompréhensible pour l’homme que je suis.
![](/couv/cvt_Circonstance-desaccords-Tome-1-de-la-serie-Le-_6744.jpg)
Chapitre 2 :
Nills
«…
— Vous n’êtes pas seulement séduisante, Mlle Wang ?
Merde ! Ai-je vraiment dit ça à haute voix ? Je me rends compte qu’en plus d’une tête bien faite, cette Mlle Wang a une tête bien pleine !
— Vous venez vraiment de lire ça, Monsieur Fanderson ? s’empourpre-t-elle.
— Je suis désolée, c’était déplacée. Ça ne se reproduira pas.
— On est bien d’accord, gronde-t-elle, le regard noir.
— Ce n’est pas non plus une insulte, rétorqué-je, agacé.
— Vous pensez que j’ai eu mes diplômes dans une pochette surprise ?
— Ai-je dit une telle chose ?
— Vous l’avez insinué à la minute où vous avez dit que je n’étais pas seulement «charmante», tique-t-elle. j’ai travaillé dur pour être où j’en suis, mes prétendus atouts physiques n’y sont pour rien !
Sa répartie me laisse sans voix, et je devine la colère sous ses traits si doux.
— Avons-nous fini Monsieur le Juge ? Demande-t-elle en insistant sur ma fonction.
— Avons-nous commencé, Madame la pédopsychiatre ? Réponds-je en me rapprochant dangereusement d’elle.
Elle recule en gardant le silence.
— Bonne soirée, balancé-je en stoppant mon avancée.
— Également.
Je lui tourne le dos et file m’asseoir à mon bureau... »