Quelle chance j'ai eu, de naitre en France, dans une famille aimante et plutôt aisée, avec des parents « modernes » et dotés d'une ouverture d'esprit qui n'a rien d'une fracture du crâne ! Voilà ce que je me suis dit au fil des pages de ce roman tellement réaliste qui ouvre une fenêtre sur le quotidien des migrants, en quête du sésame qui leur permettra de s'installer dans un pays libre, et de tenter de reconstruire une vie brisée, qui les a conduits à quitter leur pays. Ce livre est un concentré d'humanité. La lecture est aisée. On suit avec plaisir et attention le parcours des principaux protagonistes : Lara, avocate un peu revêche mais attachée à défendre les intérêts de ses « clients » ; Emeline, stagiaire dans le centre d'accueil pour migrants qui découvre ce monde si loin de son quotidien d'étudiante, les assistants sociaux, les bénévoles, tout ce petit monde qui tourne autour des migrants eux-mêmes, et bien-sûr ou plutôt et surtout ces demandeurs d'asile, honnêtes ou tricheurs, gentils ou non, qui cachent tous des blessures souvent immenses.
Vraiment un très beau livre.
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Pour rendre son acuité à notre regard sur le monde, il est des fictions plus efficaces et émouvantes que n’importe quel reportage ou éditorial politique. 21 jours, le nouveau roman de Laurence Tellier-Loniewski, qui nous avait déjà agréablement surpris avec Les Arrangeurs (Gallimard, 2009), appartient à ces textes dans lesquels le récit met l’imagination au service de l’exploration d’une facette de notre réalité, en l’occurrence la condition tragique des réfugiés entrés sur notre territoire et obligés souvent, dans un temps très court, de construire la biographie qui leur permettra de justifier leur demande d’asile. Vingt et un jours, c’est, en effet, le délai accordé à ces exilés pour déposer leur dossier auprès de l’OFPRA, et le roman, découpé en vingt et un chapitres comme autant de journées, égraine les étapes de l’effrayant compte à rebours auquel est confronté Ehsan, un jeune Afghan arrivé au terme de sa fuite dans un centre d’hébergement de la banlieue parisienne. Emeline, étudiante à Sciences-Po Paris, effectue un stage dans ce centre, et va l’aider à retracer son itinéraire. Sous la direction de Lara, une avocate bénévole, passionnée et souvent brutale, et avec l’assistance de Jawad, un autre Afghan s’offrant comme traducteur, elle découvre toute la difficulté d’une telle tâche. Car chaque mot, dès lors qu’il s’agit de convaincre les plus suspicieux des juges, a son poids de vérité ou de mensonge, et il s’agit en conséquence de traquer toutes les faiblesses du récit de la victime, les failles qui pourraient rendre peu crédible la parole d’Ehsan. En même temps que le lecteur, Emeline apprend la complexité de la situation en Afghanistan, les luttes entre talibans, pachtouns et hazaras, et elle observe la vie quotidienne dans le centre d’hébergement, les conflits de pouvoir et d’influence qui opposent entre eux des acteurs, travailleurs sociaux ou enseignants bénévoles, tous animés pourtant des meilleurs intentions, la débrouillardise et la roublardise aussi, pas toujours charmante, des réfugiés, les motivations enfin, quelquefois très mystérieuses ou paradoxales, des « aidants », l’intrigante Lara ou Jean-Marc, le directeur du Centre. Rythmé par les rebondissements, les coups de théâtre qu’Eshan lui-même impose à l’extraction de sa biographie, mais nourri aussi d’humour et d’empathie, le roman éduque le regard d’Emeline autant que le nôtre, exposant avec habileté et profondeur l’immense attente de ces étrangers à notre égard, l’urgente demande d’accueil à laquelle il nous appartient de répondre. Et la parole d’Homère citée en exergue du livre, comme un sage rappel, par-delà les siècles, à la raison et à l’humanité aux Grecs, et, plus largement, à nous tous Européens occupés à protéger nos frontières, pourrait ici donner mieux que nous-mêmes la morale de cette superbe fable : « Il serait impie, étranger, de mépriser un hôte, fût-il moindre que toi : car les mendiants, les étrangers viennent de Zeus, et le moindre don leur fait joie, qui est nôtre » (L’Odyssée, chant XIV, 56, traduction de Philippe Jaccottet).
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Un roman assez passionnant, écrit de main de maître (sans jeu de mots, l’écrivain est aussi avocate). Un style direct, froid parfois, un style qui relate l’événement, les événements, sans trop d’émotions visibles, mais non moins ressenties. A la fois thriller, et roman sociologique, une société, la nôtre, avec ses dérives, ses jeunes et leur souffrance, le moyen qu’ils ont choisi pour faire taire leurs maux, ne sont pas nos espoirs d’antan, nos idéaux d’hier. Ils vivent le temps présent, en « parallèle », l’avenir ils ne savent plus ce que cela signifie, et ils foncent tête baissée, ignorant nos souffrances, et notre incompréhension à laquelle ils objectent la leur.
La Bretagne, un petit bourg, bourgeois, traditionnel, une cérémonie funéraire : une jeune fille de 21 ans Morgane (c’est elle qui nous conte ce premier chapitre) vient de mourir d’une overdose. Et pour comprendre cette anomalie de la vie Mme Laurence Tellier-Loniewski va tisser autour de Morgane, une toile d’araignée jusqu’à atteindre (ou non ) l’épicentre du séisme. En remontant le temps, hier, il y a quelques jours, il y a 6 mois, il y a 9 mois, c’était il y a un an, 17 mois, 7 ans……………17 ans.
La pieuvre avance lentement parmi les méandres des relations familiales, père et mère, oncle et tante, cousin cousine, la vie d’hier, la confrontation de milieux différents, les conflits et les jalousies, les petits et grands secrets, et puis l’horreur indicible, qui explique pourquoi et comment les souffrances de ce présent inavouable. Mais la pieuvre ne finit pas son travail elle laisse le lecteur deviner le reste, l’épicentre du séisme, et comprendre les rêves fous et les cauchemars indescriptibles.
Des personnages hauts en couleur, un commissaire, qui voudrait bien que son « boulot » serve à quelque chose, une psychologue qui ne peut empêcher l’irrémédiable de se produire et continue malgré tout son travail d’accompagnement. Des parents meurtris mais incapables de trouver les mots pour que cesse leurs maux. Une bourgeoisie voulant perdurer ses valeurs, ne regardant jamais en coulisse. Il est à se demander de quoi demain sera fait. Mme Laurence Tellier a su nous mettre sur la voie, pour que nous ne tombions pas dans l’excessif : la condamnation ou le désintérêt.
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Attirée par ce roman dans le contexte actuel de la reprise du pouvoir par les talibans en Afghanistan après le départ des Occidentaux.
Chaque chapitre,21 en tout, représente un jour passé au plus près du travail des bénévoles d'un centre d'hébergement de la région parisienne.Ceux ci tentent avec une grande énergie de faire surgir et mettre en mo le récit d'un jeune migrant Afghan pour le préparer avec toutes ces chances au passage décisif à l'OFPRA.
Le style est simple,le livre a le mérite de nous plonger dans la complexité du parcours d'Ehsan avec son histoire personnelle,sa culture, son voyage puis sa défiance à l'égard de toute nouvelle relation.J'ai apprécié finalement bien plus le côté documenté que la romance du livre.
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Mon ressenti subjectif:
C'était bien parti mais...
LES POINTS TRÈS POSITIFS:
.on rentre direct dedans
.le sujet est très bien documenté et très intéressant
.Le rythme est rapide avec des chapitres courts qui donnent envie de continuer
.On apprend avec Emeline la culture Afghane
LES POINTS NÉGATIFS:
.Il y a un déséquilibre d'écriture et de genre... Je m'explique:
N'est pas Dave Eggers qui veut... (et je pense à Zeitoun https://www.babelio.com/livres/Eggers-Zeitoun/370288)
.Parfois, on est sur du documentaire pur et dur sans prise de partie et ça c'est bien mais parfois l'autrice se veut romanesque et littéraire avec des phrases qui ne sont alors pas justifiées et éparpillées. Et je trouve que ce mélange de genre ne fonctionne pas toujours.
.Les rebondissements sont présents mais on a comme l'impression qu'ils sont là pour combler un manque d'intrigue à la vraie réalité.
.Un manque d'ambition littéraire et documentaire. On reste à la surface d'une histoire qui mériterait davantage d'être creusée. (mais ceci est compensé par le choix d'un rythme rapide)
.Un peu de lèche à Gallimard sur "Les cavaliers" de Kessel mais on peut trouver ça rigolo
.On échappe de peu à une fin harlequin (et c'est pas un point positif ça ? Pas sûr))
En gros, ça reste un bon roman/document moderne mais qui, à mon sens manque de personnalité.
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Arrêté en cours de lecture, pas accroché du tout
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Roman assez mou. La vie d'une résidence racontée par leurs enfants. Bof. Pas terrible, je déconseille.
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J’ai rassasié une envie de légèreté pour tromper l’arrivée tardive du printemps par ce livre en quatre mouvements : andante, allegro ma non tropo, molto sostenuto, moderato cantabile.
Ce premier roman est la chronique enfantine du petit monde d’une résidence autogérée de la banlieue parisienne chic. La vie quotidienne est mise en parallèle avec des événements de l’actualité, comme la chute du mur de Berlin.
Le filtre du regard des enfants ne plonge heureusement pas le lecteur dans un récit mièvre. Certains passages sont très drôles (par exemple la visite de l’inspecteur des impôts). Cette vision des enfants sur les problèmes d’adultes m’a au contraire conquise par sa fraicheur et sa pudeur (par exemple, l’adultère des parents).
Les chapitres sont très courts et donnent du rythme et de la simplicité à l’ensemble.
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L 'idée de raconter la vie d'une résidence au travers de commentaires d'enfants est assez sympathique...certaines situations sont vraiment cocasses. Mais le style est bien trop alambiqué par rapport à la légèreté des frasques de ces familles... Certaines phrases font 15 lignes ! C'est bien écrit, mais le récit gagnerait en rythme et en fantaisie si l'écriture était plus simple, plus sobre.
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