Citations de Léa Volène (109)
On invente toujours quand on observe.
Elle ne regrette pas sa vie. Elle regrette simplement qu’à l’heure où la flamme lutte pour brûler, elle n’ait aucune activité à elle, hors de la maison, loin des associations de parents d’élèves. Une activité qui l’épanouirait et qui provoquerait un sentiment d’insécurité chez Pierre.
Elle a accepté tous leurs conseils pour une intégration réussie dans la société française : être souriante et polie, travailler à l’école, aller au centre aéré pour pratiquer son français même pendant les vacances scolaires, et gommer l’accent acquis en apprenant la langue avec ses parents qui la maîtrisaient mal. Être serviable avec les autres et s’excuser s’il le faut, ne pas répondre aux préjugés racistes de certains, ni à ceux qui se moquaient des phrases hasardeuses de sa mère, toujours parler en français, et garder le polonais pour la maison. Puis, sa sœur et son frère sont arrivés, explosant les bonnes intentions de leurs parents. Mais pas elle, jamais.
Les Morues, ce sont elles, depuis toujours. De prime abord, Noémie est l’amie douce, artiste, un peu dans son monde, jamais énervée. Mais avec Maëlle, Noémie est aussi celle qui peut crier quand elle est heureuse, pleurer devant un coucher de soleil. Elle est celle qui laisse ses émotions la dominer mais qui ne sait pas, pour autant, dire des mots d’amour. Alors, Maëlle est devenue Morue. C’est plus original que BFF, selon Noémie. C’était surtout plus barré, selon Maëlle. C’est tout Noémie pour ceux qui la connaissent vraiment.
Une fois la surprise préparée pour Ben (des chaussons déposés sur la console de l’entrée pour qu’il les voie dès qu’il rentrera), elle s’est installée sur le bar de la cuisine où elle aime étaler ses cours pour travailler. Elle veut tout noter, ne rien oublier, vivre chaque moment avec son pépin de grenade.
Samedi soir, un homme a été renversé par une voiture. Plusieurs témoins présents au moment du drame ont affirmé qu’un véhicule s’est avancé dans l’allée et a percuté le propriétaire de la maison où se déroulait l’événement.
La victime, Pierre Gavoi, grand avocat pénaliste, est actuellement hospitalisé dans un état critique.
Pélaguie Gavoi, la femme de la victime, ainsi que trois de ses amies sont les seules témoins directes de l’accident.
Une enquête est en cours et doit déterminer les responsabilités de chacun.
Le Courrier picard, mardi 25 avril
Sa vie n’était qu’un château de cartes. Tout ce qu’elle a construit a été balayé. Elle pouvait jusque-là lui trouver des circonstances atténuantes, imaginer que c’étaient ces femmes, les responsables. Elle pouvait se contenter de ses petites vengeances quotidiennes tant que le château bravait les tempêtes. Mais aujourd’hui, la vérité révèle la faiblesse de leur jeu.
Les schémas sur l’évolution du fœtus y étaient très parlants et les comparaisons ludiques. Le bébé peut avoir la taille d’une pomme jusqu’à devenir aussi lourd qu’une pastèque en passant par la banane et la rhubarbe. Un vrai marché vivrait dans son ventre pendant neuf mois. Elle a tourné les pages pour savoir où en était son bébé à six semaines de grossesse. Pépin de grenade. C’était un signe, elle adorait la grenade.
Pendant notre enfance, les Beatles nous accompagnaicnt partout. En vacances, au collège, en sortie shopping. Ils ont donné du rythmne aux disputes avec ma mère, amplifé les bons souvenirs et adouci les mauvais. Ils me rappellent ta voix lorsque tu chantais sur le siège arrière à mes côtés. Toujours plus fort, toujours plus faux. Ils me ramènent à ton sourire espiègle quand tu gagnais au jeu des titres à trouver et que papa te nommait championne du monde. Ils soufflent ton rire à mon oreille, tes cheveux dans mes yeux, ton parfum comme une aura autour de moi.
Il enlève le couvercle de son plat, une brioche faite maison surgit. ll coupe plusieurs parts et énumêre les différentes étapes de sa recette. Il doit faire partie de ces gens qui ont besoin de parler en permanence pour empêcher le silence de s'imposer. Pourtant, j'aime le silence. La solitude. les cuiines vides et les vosins asociaux.
Je n'ai pas envie de vous nuire, Marjorie. J'aime juste emmerder le monde.
Tu es le soleil de ma vie.
Je suis en colère parce qu'il est plus facile de laisser ce sentiment exploser que d'accepter les émotions contradictoires qui se bousculent au fond de moi. Elle sert à ça,la colère. A camoufler ce que l'on est pas prêt à accepter, à recouvrir la mélancolie sous un parterre de mauvaise foi.
Tu passais des heures à imaginer des formes en regardant les nuages. Tu répétais que nous trouverions un moyen pour vivre sur l’un d’eux. Aujourd’hui, le noir des ombres a remplacé le blanc des nuages. La réalité est toujours plus cruelle que les rêves d’enfant
Comme si cela ne suffisait pas, elle a toujours une raison de sourire et une patience qui a le don de l’agacer.
Elle est là, le visage plongé dans ses bouquins, la bouche pleine d’une viennoiserie sûrement dégueulasse achetée dans une boulangerie avant de prendre le bus.
Et comme si cela ne suffisait pas, il doit aussi supporter le sourire en coin d’Alicia et ses ricanements étouffés. Voilà que cette situation donne de l’eau à son moulin.
L’avantage de son inaptitude qui l’empêche aujourd’hui de travailler dans une classe est qu’il n’a plus à subir l’incompétence de la société et ces gens qui la constituent. Ses crayons sont maintenant ses seuls compagnons.
Quand on a une mère aussi jeune, cela n’a rien d’étonnant. Encore une sale gamine sans aucun cadre qui passe son temps à faire tout ce qu’elle veut.
Contrairement à ses yeux qui vivent en dégradé, Anouk voit le monde en noir et blanc. Elle ne négocie jamais, n’arrondit pas les angles, ne prend pas de chemins détournés. Toi, tu es le noir. Et je décide, à partir de maintenant, qu’elle a raison.
Depuis qu’Anouk est en âge de tenir un couteau, elle la prépare avec moi. Pendant qu’elle retire la peau des tomates, je repense à ces années difficiles quand la soupe industrielle devenait notre seule option pour un semblant de repas équilibré.