Citations de Léa Volène (104)
Samedi soir, un homme a été renversé par une voiture. Plusieurs témoins présents au moment du drame ont affirmé qu’un véhicule s’est avancé dans l’allée et a percuté le propriétaire de la maison où se déroulait l’événement.
La victime, Pierre Gavoi, grand avocat pénaliste, est actuellement hospitalisé dans un état critique.
Pélaguie Gavoi, la femme de la victime, ainsi que trois de ses amies sont les seules témoins directes de l’accident.
Une enquête est en cours et doit déterminer les responsabilités de chacun.
Le Courrier picard, mardi 25 avril
Sa vie n’était qu’un château de cartes. Tout ce qu’elle a construit a été balayé. Elle pouvait jusque-là lui trouver des circonstances atténuantes, imaginer que c’étaient ces femmes, les responsables. Elle pouvait se contenter de ses petites vengeances quotidiennes tant que le château bravait les tempêtes. Mais aujourd’hui, la vérité révèle la faiblesse de leur jeu.
Les schémas sur l’évolution du fœtus y étaient très parlants et les comparaisons ludiques. Le bébé peut avoir la taille d’une pomme jusqu’à devenir aussi lourd qu’une pastèque en passant par la banane et la rhubarbe. Un vrai marché vivrait dans son ventre pendant neuf mois. Elle a tourné les pages pour savoir où en était son bébé à six semaines de grossesse. Pépin de grenade. C’était un signe, elle adorait la grenade.
Pendant notre enfance, les Beatles nous accompagnaicnt partout. En vacances, au collège, en sortie shopping. Ils ont donné du rythmne aux disputes avec ma mère, amplifé les bons souvenirs et adouci les mauvais. Ils me rappellent ta voix lorsque tu chantais sur le siège arrière à mes côtés. Toujours plus fort, toujours plus faux. Ils me ramènent à ton sourire espiègle quand tu gagnais au jeu des titres à trouver et que papa te nommait championne du monde. Ils soufflent ton rire à mon oreille, tes cheveux dans mes yeux, ton parfum comme une aura autour de moi.
Il enlève le couvercle de son plat, une brioche faite maison surgit. ll coupe plusieurs parts et énumêre les différentes étapes de sa recette. Il doit faire partie de ces gens qui ont besoin de parler en permanence pour empêcher le silence de s'imposer. Pourtant, j'aime le silence. La solitude. les cuiines vides et les vosins asociaux.
Je n'ai pas envie de vous nuire, Marjorie. J'aime juste emmerder le monde.
Tu es le soleil de ma vie.
Je suis en colère parce qu'il est plus facile de laisser ce sentiment exploser que d'accepter les émotions contradictoires qui se bousculent au fond de moi. Elle sert à ça,la colère. A camoufler ce que l'on est pas prêt à accepter, à recouvrir la mélancolie sous un parterre de mauvaise foi.
Tu passais des heures à imaginer des formes en regardant les nuages. Tu répétais que nous trouverions un moyen pour vivre sur l’un d’eux. Aujourd’hui, le noir des ombres a remplacé le blanc des nuages. La réalité est toujours plus cruelle que les rêves d’enfant
Comme si cela ne suffisait pas, elle a toujours une raison de sourire et une patience qui a le don de l’agacer.
Elle est là, le visage plongé dans ses bouquins, la bouche pleine d’une viennoiserie sûrement dégueulasse achetée dans une boulangerie avant de prendre le bus.
Et comme si cela ne suffisait pas, il doit aussi supporter le sourire en coin d’Alicia et ses ricanements étouffés. Voilà que cette situation donne de l’eau à son moulin.
L’avantage de son inaptitude qui l’empêche aujourd’hui de travailler dans une classe est qu’il n’a plus à subir l’incompétence de la société et ces gens qui la constituent. Ses crayons sont maintenant ses seuls compagnons.
Quand on a une mère aussi jeune, cela n’a rien d’étonnant. Encore une sale gamine sans aucun cadre qui passe son temps à faire tout ce qu’elle veut.
Contrairement à ses yeux qui vivent en dégradé, Anouk voit le monde en noir et blanc. Elle ne négocie jamais, n’arrondit pas les angles, ne prend pas de chemins détournés. Toi, tu es le noir. Et je décide, à partir de maintenant, qu’elle a raison.
Depuis qu’Anouk est en âge de tenir un couteau, elle la prépare avec moi. Pendant qu’elle retire la peau des tomates, je repense à ces années difficiles quand la soupe industrielle devenait notre seule option pour un semblant de repas équilibré.
Heureusement, certaines familles ont encore un ego démesuré : une colonne digne des plus grands complexes phalliques m’offre une cachette à quelques mètres d’elle.
Si la musique peut faire basculer un événement, c’est le moment. Je suis forte, je suis intelligente, je sais rebondir, je vais y arriver. Il faut vraiment que j’arrête les sites de développement personnel.
La mélodie du bonheur ne résonnera jamais pour notre famille. Tu es le passé. Tu ne feras pas partie de notre avenir. Je ne verrai plus ton visage sur des dizaines d’inconnues, je n’entendrai plus ton rire dans la foule. Il n’y a plus ni soleil ni tache de naissance ni chemin à suivre ensemble. Il n’y a plus que le vide de cette tombe pour me rappeler celui que tu as laissé en partant.
La maigreur est souvent associée à la fragilité mais Anouk n’est pas un morceau de paille sensible aux assauts du vent. C’est un fil de fer qui ne plie pas.
Que reste-t-il de moi aujourd’hui ? Je chasse une larme qui s’écrase sur la photo. Nos traits se brouillent. Lentement, ils s’étirent pour ne devenir qu’une masse informe. Un voile humide recouvre nos deux visages.