C’est à n’y rien comprendre, je suis entourée d’une foule de copines célibataires mais d’aucun homme seul. Si ça se trouve, c’est comme les chaussettes orphelines : une fois qu’un homme est passé dans la machine à laver de la séparation, il disparaît des radars.
Que vais-je bien pouvoir leur dire ? Je commencerai par un mensonge. « Papa ? Il est parti en voyage pour son travail. » Une version crédible, il lui est déjà arrivé de quitter le foyer pour son activité professionnelle.
Il n’y verront que du feu. Et avec un peu de chance, je croirai moi aussi à mon mensonge. Je survivrai.
Coucher les enfants, le soir. Puis pleurer. Depuis un an, je suis cette femme qui cache les larmes chaudes roulant sur ses joues. Une maman, c’est celle qui réconforte. Pas celle qui flanche.
Bien que je n’aie aucune formation culinaire, j’ai pas pris à goûter et savoir quoi dire de ce que j’ai dans la bouche. Je mâche les plats, pour ensuite ne pas mâcher mes mots.
« Papa et toi, vous êtes les tranches de pain. Et nous, les enfants, on est les tranches de jambon et de mimolette », me répétait mon fils avant le tsunami de notre séparation.
Aujourd’hui, comment leur faire aimer notre famille où il ne reste plus qu’une tranche de pain ? On est devenu la famille-tartine. Triste coup du sort.
Nous allons bientôt fêter nos un an. Enfin, sans compter sa femme. Moi qui aime, depuis toujours, les dates, les caps, les moments symboliques, je me mets à les détester. Je deviens amère d’être la première dans son coeur, mais la seconde dans le quotidien.
Mon monde s’est effondré. Et je vais entraîner les enfants dans ma chute. Il va nous falloir un parachute de tendresse pour traverser ces turbulences.
C’est ça, la magie de la gastronomie : nous faire aimer des choses qui, normalement, ne nous inspirent pas.