Le deuxième problème relevait de sa mère biologique qui, avant de l’abandonner, avait visiblement tenté de lui inculquer une pseudo-éducation… Parmi les conseils qu’elle lui avait donnés, elle l’avait notamment sommé de ne jamais mentir.
Simon avait retenu cette leçon comme un héritage maternel à ne trahir sous aucune considération. Je dirais même qu’il en avait fait carrément un mode de vie. Ce qui lui avait causé beaucoup d’ennuis.
À cinq ans déjà, il clamait sans réserve toute vérité qu’il jugeait bon de partager avec autrui. Et il y en avait trop. À onze ans, malgré toutes les réprimandes et les retenues dont il avait écopé en vertu de cet embêtant code d’honneur, il n’avait jamais abdiqué.
Pour plusieurs, Simon était donc perçu comme un petit arrogant, voire même un irritant au sein d’un groupe. Il est vrai qu’il pouvait être terriblement blessant. J’y avais moi-même goûté en certaines occasions. Mais en dehors de cette manie de vérité-à-tout-prix, il portait en lui une telle douceur et une telle absence de malice qu’il en était tout bonnement attendrissant.
Il n’en demeure pas moins qu’il était hors-norme. Différent. À l’école primaire, il s’en était sorti tant bien que mal, aidé par des professeurs compréhensifs et un dossier scolaire exemplaire. Tellement qu’on lui avait fait sauter sa cinquième année et qu’il était désormais le cadet de sa classe. Une autre situation qui n’était pas idéale dans son cas, disons. Or, tout s’était compliqué il y a deux mois, lors de son entrée à notre école secondaire.
Les classes avaient débuté le 4 septembre et déjà, au 1er octobre, ma mère avait noté que ses fabuleuses notes avaient sérieusement dégringolé. Depuis quelque temps, j’avais de mon côté remarqué que ma relation avec lui était… différente. Nos conversations devenaient de plus en plus brèves. En fait, il ne me parlait presque plus.
Toutes ces années, il m’avait confié sans gêne aussi bien ses peines que ses frustrations. Mais ces derniers temps, il s’était emmuré dans un silence d’autant plus inquiétant que ce trait de caractère ne lui ressemblait guère. J’aurais dû insister.
Je porte plainte contre toi
Pour m'avoir donné la vie
Je t'accuse d'avoir su si bien m'aimer
Je t'accuse d'avoir tronqué la réalité
Je te condamne à rester
Tout la vie dans mon coeur emprisonné
Jusqu'à ce que je t'en donne la clé
Attends! Ne bouge pas. Reste là
C'est moi qui irai vers toi.
Il y a la trouille qui te colle à la peau et la détresse qui, elle, court derrière. Il y a ton souffle qui s'arrête et ta respiration qui essaie de lui pratiquer le bouche-à-bouche. Ça fait peur.
C'est ainsi que j'ai décidé de terminer mon histoire, ma vie. Dans un beau et très grand saut. Je pense d'ailleurs qu'il était parfait.
Je ne cadre pas dans cette société-là. La vie et moi, on n’est pas faites pour vivre ensemble. Un arbre a plus de liens avec la vie que moi.
Ou tellement perdue que n'importe quel moyen est bon pour oublier, pour s'imaginer que les choses changent, pour fuir le quotidien
C’est fou comme je l’ai aimé. C’est fou comme je l’ai laissé. Et c’est fou comme je l’aime encore.
Il ne voulait pas plus de moi que je voulais de moi. On s’entendait bien là-dessus, au moins.
Ce n'est pas vraiment la drogue que j'aimais.
C'est ma vie que je n'aimais plus.
J'ai remarqué la couleur de ses yeux. Ils étaient bruns. Bruns comme de la merde.