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Critiques de Louise Dupré (31)
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Exercices de joie

« Exercices de joie » est le troisième volet d'un triptyque commencé avec « Plus haut que les flammes » et poursuivi avec « La main hantée »



La joie, mot totem brandi et assumé par Louise Dupré tout du long de ce recueil. Joie qui a pour compagnons la souffrance et la détresse. Joie qui ne renonce pas et va de l'avant, malgré les catastrophes.

« Tu ne t'es pas demandé combien de temps on peut marcher à côté d'une joie qui n'est pas à soi. Tu t'es simplement levée et tu as avancé, comme s'il suffisait de mettre un pied devant l'autre pour éloigner la détresse. »

Vers libres et prose alternent pour une poésie de l'ordre de l'intime dont la voix sincère emprunte le « tu » pour mieux partager avec nous, lecteur, cette quête de la tendresse. « Donner un sens à la joie, est-ce une épreuve insurmontable ? »

« Tu te contentes de penser joie en souriant, tu vois encore petit, tu as si peu changé depuis l'enfance. »

Mais pour vivre, il faut aussi savoir garder la tête hors de l'eau. Supporter, oui, mais aussi s'insurger.

« Tu t'inscris dans l'humanité qui résiste sans hurler. »

On trouve de l'humilité dans ce retour sur une vie où le bonheur défile et se déguise.

« Tu as réussi/ à survivre/ toutes ces années

En devenant une fille/ de joies/ raisonnables

Souvent confondues/ avec le bonheur. »

La poétesse consacre plusieurs pages éclatantes sur la maternité, l'amour et l'enfant à protéger

« Tu devais protéger le monde dans l'indigence de tes bras. » Ce sera « la marche à l'amour » « car l'amour pour un enfant, il chemine comme il peut ».

Il y a urgence à résister à la violence lorsqu'on est mère car « l'amour d'un enfant …ça se loge sous la peau pour l'éternité d'une vie. »

Donner la vie mais, également, envisager sa mort sans renoncer car « il y a encore des paroles à déposer sur la détresse. »

Il y a de la sérénité dans l'acceptation de la mort à venir, parce que la mort ne signera pas le renoncement.

« Tu veux mourir humaine. Humaine comme aimante. »

Et la joie, « robe de lumière » la joie intimement liée aux morts, cette joie que tu appelles, « comme si elle pouvait te reconnaitre. Comme si tu commençais à lui appartenir. »

Louise Dupré est de ces poétesses qui ne renoncent pas, qui cherchent à s'élever au-delà de la détresse ; Et cette conviction profonde que tout reste possible sur terre est réconfortant, elle l'affirme avec simplicité et générosité :

« Tu ne crois pas au ciel, mais tu as toujours cru en la bienveillance de la terre, c'est là le mystère de ta foi. »

Cette poésie, lucide et puissante, est un bouleversant hymne à la vie et à la résistance. Après cette lecture, pratiquons nous aussi ces « exercices de joie » avant qu'il ne soit trop tard.

Je remercie les éditions Bruno Doucey et Babelio pour cette lecture.

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Exercices de joie

Le titre pourrait sembler étrange, presque antinomique: les exercices supposent un effort, un entraînement un peu rigide, la joie revêt un aspect spontané, exalté, un plaisir de tout l'étre. En fait, ce recueil de la québécoise Louise Dupré exprime parfaitement ce qu'elle ressent: un écartèlement entre la souffrance face aux ravages du monde, écologiques, militaires, sociaux, et la recherche de la joie, en dépit de tout Elle l'écrit si bien dans ces lignes:



" Car la joie, la joie en beauté, la joie en harmonie, tu voudrais bien la fixer dans l'angoisse de la page, mais sitôt capturée, elle se brise et il n'en subsiste que quelques éclats(...)



Tu en fais ton exercice du jour"



Le livre présente deux formes poétiques: un long texte composé de distiques et tercets, puis des poèmes en prose. J'ai tout aimé. Louise Dupré fait preuve d'un humanisme irradiant, sait trouver les mots justes, ceux qui touchent et nous pénètrent de leur lumière, leur acuité aussi. De nombreux thèmes qui me parlent sont abordés: la dévastation du monde, la vieillesse qui approche, le deuil d'une maman très proche, les enfants , mais aussi les éclairs de joie, la nature offerte, l'éphémère beauté. Et l'espoir, la tendresse plus forts que la douleur, la colère :



" pour apaiser tes pleurs



et sans attendre

le moindre secours



tu lèves le regard

vers l'espérance de l'aube



et tu l'accueilles

dans ta paume"





Merci à Babelio et aux éditions Bruno Doucey pour ce bel envoi.















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La memoria

Un roman d’émotions, un roman d’amours et de femme…



Des courts chapitres, comme des poèmes du moment.



Des sentiments qui viennent du passé, les départs et les trahisons qu’on a du mal à comprendre et à accepter, cette boule dure et lourde qui entrave le cœur.



Des images des instants du présent, la voisine qui chante, les nuages qui passent et les enfants qui jouent, la beauté et l’amour qui naît et qui renaît.



Des fils qui soutiennent ou qui retiennent, une mère aimante, une famille, des amitiés profondes…



Une belle lecture, à déguster lentement pour en savourer la poésie.

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Théo à jamais

Louise Dupré, Théo à jamais - 2020 - ⭐️⭐️⭐️⭐️



Très beau roman québécois où il est question d’un enfant qui nous échappe dans son moment de cruauté, des questions que son entourage se pose sur son geste incompréhensible... Louise Dupré nous présente cette descente aux enfers avec sagesse et profondeur et on ne peut que partager la souffrance de la narratrice tant ce roman est bien écrit. Émouvant, vrai, il nous amène tranquillement de l’autre côté de la douleur et nous invite à renaître à la vie avec elle. Très très beau !
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Exercices de joie

Lecture-poème



tu ne peux pas réparer seulement panser les mots fouettent les serments et les mots friables s'évanouissent en vols vers le chaud

encore en mesure de secouer la peau

la détresse heurte au passage tu la tiens à distance sans pouvoir l’anéantir

survivre au prix de l’entente

les gémissements te suivront

dans la main l’âme tatouée récite les roses fanées

réparer est une mission pour les anges et la terre ferme de s’enliser

trop lourds les corps fâchés

la colère suinte et les joies parfois sursautent en chœur

s’exercer dit une petite paume dans la tienne

une fin l'étau en gorge pourtant la nuit disparaît au matin

et la lumière de vriller la rétine



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Exercices de joie

Merci aux éditions Bruno Doucet pour ce titre puissant dans la collection "soleil noir" qui me semble d'utilité publique.

Je découvre Louise Dupré, sa clairvoyance, ses vers si simples qui résonnent si fort dans ce troisième volume d'un "triptyque voué aux ressources du poétique face à la dévastation du monde".



Loin de l'injonction, de l'incantation, de la nostalgie d'un avant heureux que l'on peut retrouver si l'on s'y efforce très fort, Louise Dupré fait face à la noirceur et avance les yeux grands ouverts. La litanie des douleurs est assez complète, on progresse à genoux plutôt que debout. Encore vivante mais alourdie par le désespoir et la tentation du néant.

Et puis il y a cette joie, qui se tient à portée, dont Louise Dupré ne sait que faire et qui petit à petit, page après page, devient plus consistante, trouve une place et des contours dans le grand tout.



Le chemin est à la fois rude et inspirant.

On revient de cette lecture avec l'envie de connaître à son tour cette joie qui de "politesse" est devenue "l'envers de la douleur" puis "une élévation".

Mais point de prosélytisme ni méthode infaillible ici.

Seulement la puissance des émotions universellement éprouvées, mises en poésie, avec la force du désespoir et de la conscience de sa propre finitude. Cette force qui pourrait être aussi le berceau de la joie.

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Plus haut que les flammes

poreuse tu reçois

et chaque geste devient celui d’une autre

morte l’enfant gazé

les fours les ongles les bouches s s'agglutinent à l’effroi

la survie pansent les souvenirs qu’il faut distribuer au monde

sublime poème qui enivre de ceux qu’il faut avaler quand la mise au monde signifie déjà la mort

une prière pour le paisible au bout des doigts

la consolation a remuer pour l’enfant là

celui à naître

et celui déjà

les mains aux nuages

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La main hantée

Partant d’un fait qui pourrait paraître simple, décider de l’euthanasie d’un animal domestique, Louise Dupré en arrive à dénoncer les souffrances qui entourent le monde. Qu’il s’agisse d’actes de la barbarie en général ou encore du viol, la plume de cette écrivaine rythme ces actes qui font la dureté du monde, fait résonner ces mots, mais donne surtout vie à sa poésie, en lui prêtant une parole !



Juché de réflexions sur la vie et ses événements, ce recueil regorge de force ! C’est une plongée poétique et violente aux mots percutants et au style bien pesé. C’est une prise de conscience, une voix singulière, pleine de douleur, qui se voudrait être universelle, interrogeant ainsi les forces et faiblesses du monde, en quête d’une nouvelle identité, d’un « nous ». Une poésie qui entre en échos avec la vie et ce qui la hante…




Lien : https://lecturesgourmandeswe..
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L'album multicolore

Louise Dupré nous offre un émouvant témoignage d'une fille en deuil de sa mère disparue. Malgré l'extrême vieillesse que peuvent atteindre nos parents, la mort surprend toujours et ce récit rejoint un grand nombre d'entre nous, concernés par cette nouvelle donne de la longévité. L'auteure s'est donc sentie appelée à écrire sur la vie de sa mère afin d'en raviver le souvenir et de mieux la cerner dans son évolution. Ce qui n'a pas été aisé, leur relation étant encombrée de silences et de non-dits. Fait amusant : j'ai répertorié sur plusieurs pages (pp. 34, 40, 45, 55, 69, 74, 83, 161, 163, 186, 196, 202, 203, 213, 223, 226, 238, 243, 248, 252 et 256) l'expression « sous la mauvaise lumière du salon », employée ici comme prétexte à des confidences. Est-ce là un tic d'écriture ou le fait d'une révision relâchée?
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L'album multicolore

Louise Dupré, L’album multicolore - 2014 - ⭐️⭐️⭐️



« La mort de la mère, c’est un arrachement définitif à nos origines. Celle-ci ne pourra plus être tenue responsable de notre bonheur ni de notre malheur. Désormais, on devra assumer son propre destin. Cela, on le ressent au cimetière, un après-midi de novembre, dans l’odeur des chrysanthèmes.»



Rien de bien neuf pour moi qui ai lu plusieurs hommages aux mères décédées, mais une deuxième partie bien touchante où, en de courtes séquences, Louise Dupré fait revivre cette dame bien ancrée dans le réel. J’ai aimé aussi les allusions à la vie politique et sociale. En de courtes phrases, l’auteure a su résumer l’esprit d’une époque. Je n’ai pas lu pour rien et j’ai pu retrouver en moi quelques émotions toujours vivantes. Le chemin valait le détour.

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La voie lactée

ce récit met en scène Anne Martin, Montréalaise, architecte, au début de la quarantaine. Cette dernière rencontre Alessandro Moretti, archéologue, veuf au début de la soixantaine, lors d’un colloque à Tunis. Ils tombent amoureux. Ce n’est pas d’un amour de vacances dont il est question dans cette histoire, ni d’une aventure d’un soir. C’est l’Amour avec un grand A. Celui qui bouscule le quotidien, celui qui donne des ailes, celui qui permet de s’ouvrir à un ailleurs pour trouver un sens à sa vie.



Anne a choisi le métier d’architecte pour être en contrôle, pour tout calculer, pour bâtir sur du solide. Sa rencontre avec Alessandro l’amène à se positionner dans sa quête du bonheur et elle prend le risque de l’amour. En pleine crise de la quarantaine, Anne avant d’aller s’établir à Rome auprès de l’homme qu’elle aime, devra chasser la colère qui l’habite par rapport à son père, accepter de connaître son demi-frère, enterrer ses morts…



Ce que j’aime d’Anne, c’est sa vulnérabilité. L’auteur amène le lecteur dans des sphères très intimes du personnage à travers la description de ses sentiments.





“L’épreuve du corps. J’ai peur moi aussi Alessandro. Chaque première fois. Une ancienne terreur, sourde, qui monte du fond du ventre, chaque fois l’angoisse devant un exploit trop grand pour les humains que nous sommes. Vous ne serez qu’une seule chair. Il faut endormir la peur. On invente des scénarios, on se crée un corps qui cache le corps, une peau semblable à l’image de l’amour convenable, on cherche des bijoux, des jarretelles, on accentue la ligne des seins, on se maquille, on se distrait. Alors, on est rassurée. On se sent libre, légère, on accepte le commencement sans penser à la fin, on ne voit pas son corps comme celui d’un grand oiseau qui se replie dans le mouvement de sa chute. On ne voit pas qu’on est une chute, le vertige d’une chute infinie dans l’abîme. (p. 52)”



D’ailleurs, comme vous pouvez le remarquer, le récit est rédigé au je. Donc, l’identification à Anne se fait facilement. Le lecteur la trouve attachante. Il questionne avec elle Alessandro dans un dialogue intérieur, il est témoin de ses cauchemars, de ses angoisses, de son vertige.





“Vous volez en ce moment, Alessandro. Vous défiez la mer, hérissée au bout de ses pointes, elle tempête, elle menace, mais vous ne vous laisserez pas engloutir. Vous arriverez jusqu’à moi avec votre nudité. Je vous réchaufferai, je vous caresserai, je vous recouvrirai avec la lenteur de mon corps. L’amour. (p. 52)”



Anne s’avère très vulnérable, mais elle va puiser dans ce nouvel amour la force pour s’assumer dans son droit d’être heureuse. Elle part vivre avec Alessandro à Rome et laisse derrière elle son bureau d’architecte. J’admire sa force. À cet égard, lorsqu’elle annonce à sa mère qu’elle s’en va un an à Rome, elle lui mentionne :





“On pouvait partir et revenir sans que la catastrophe vienne chaque fois se mirer dans le train des mots. J’ai tout dit, le besoin d’aimer et d’être aimée, le besoin de croire, l’envie de la vie vécue. J’ai dit les choses comme on le fait quand une fenêtre s’ouvre, que tout à coup on peut voir jusqu’à l’amour heureux, celui qui nous tire du côté de la lumière. (p. 192)”



Donc, je suis bien contente d’avoir lu ce roman d’amour pour le défi littéraire 2016 Lire un livre québécois par mois. Je tiens aussi à dire que Ch. B., qui a également un blogue, m’a accompagnée durant les quelques jours de cette lecture. Je le remercie.



La Voie lactée, c’est aussi le nom donné au chemin de Compostelle… Comme quoi, il importe de suivre son étoile et de se laisser guider sur le sentier de la vie par elle…


Lien : https://madamelit.wordpress...
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La voie lactée

Lors d'une visite des ruines de Carthage, Anne la quarantaine architecte Canadienne tombe folle amoureuse d’Alessendro archéologue un Romain plus âgé qu'elle .



La Voie lactée est avant tout, une presque impossible histoire d'amour entre Anne et Alessandro, un océan les sépare ainsi qu'une génération. C'est aussi une histoire de mort, celle de Jasmina la femme d’Alessendro et celle d'une suicidée. C'est une plongé dans l'intimité d'une histoire de famille où les rapports parents-enfants sont très présents."son fils venait de lui offrir le cadeau de Noël qu’il espérait, il avait dessiné une ligne entre le passé et le présent. Une ligne poreuse, mais un trait tout de même, une démarcation."

Anne est-elle vraiment heureuse. Elle est en manque de repères, l'espoir de construire une nouvelle vie apparaît comme un nouvel envol, malgré les réticences d'une mère omniprésente, il lui faudra toute la force de l'amour pour réaliser son projet, partir pour Rome et retrouver Alessendro.



Alessandro a aussi des doutes malgré tout l'amour qu'il porte à Anna. Lui qui n'attend plus rien, qui n'espère plus rien "je suis presque vieux, Anna. Je n’ai plus l’âge des miracles. Je marche seul, j’avance vers un gouffre que je connais déjà. Mais j’aimerais vous revoir, Anna, à Noël peut-être, si vous êtes libre, si vous vous voulez bien accueillir un homme qui n'a rien à donner…"



A plusieurs reprises, le chemin de Saint Jacques de Compostelle, revient en écho au chemin qu'elle va devoir parcourir pour rejoindre et partager la vie de l'être aimé.



"Je pars ou je ne pars pas. De nouveau, le désordre dans ma tête, le cerveau s’enflamme, je ne sais pas prendre une décision. Il me faudrait un oracle."





Louise Dupré, dont c'est ma première lecture sait rendre ses personnages attachants, ils sont tout en émotions, ce roman d'amour n'est pas une romance, c’est  une histoire du quotidien, d'intime, un roman sur la difficulté d'aimer. Mais au fond rien n’empêche de parler, de communiquer, le contact se fait.


Lien : http://dunlivrelautre.blogsp..
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L'album multicolore

Dans un récit touchant et authentique, l’auteure nous parle de sa mère, sa relation avec elle et de sa mort. Même si elle le fait sous l’angle de la relation mère-fille, ce livre m’a touché. J'ai pensé souvent à ma propre mère, très âgée.

«Qu’y aura-t-il au bout de ce récit? Pas de consolation ni de compréhension. Seule l’aptitude à vivre adossée à l’abime, sans désarroi, ni détresse». P. 181

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Carnet ocre

L’Atelier des Noyers, né en Bourgogne en 2008, propose des livres d’artistes associant étroitement poésie et œuvre graphique. Une rencontre sensible entre un poète, un artiste et une éditrice : Claire Delbard.

Laissons cette dernière présenter elle-même ses ouvrages : « Depuis la rentrée 2016, l’Atelier des Noyers propose à des créateurs (auteurs et illustrateurs) de relever le défi de jouer ensemble la partition de l’émotion de la première rencontre : autour d’un texte ou d’un univers graphique. La collection démarre avec trois univers : Carnets de philosophie avec Grandir, Carnets de Vie avec Novembre, Carnets de Couleurs avec Carnet de Bleus. En 2017 sont nés les Carnets de Nature, et Draps d'étreintes a inauguré en fin d'année un autre format, car certaines œuvres plastiques imposent une verticalité, même si notre marque de fabrique reste le petit format à l'italienne. »

Carnet ocre de la poète québécoise Louise Dupré s’inscrit, comme son titre l’indique, dans la collection Carnets des couleurs. Un livre émouvant de mémoire et de deuil, de vie et d’espoir, à l’écriture épurée qui touche au cœur. L’ocre, dans toutes ses nuances de brun, de rouge et de jaune, colore une double approche, éternelle et personnelle. Matière et matérialité du mot, la poète vit en effet la terre/couleur dans sa chair, son espace intérieur autant que dans sa réalité géologique, historique et linguistique.

L’ocre, c’est d’abord celle de la terre qu’il faut creuser pour retrouver l’âme des morts, « ocre dur, coupable », matière brute innocente des traces qu’elle laisse derrière elle, ocre des pierres à polir jour après jour malgré « la faute impardonnable », ocre des poteries, des fossiles que l’on caresse pour amadouer sa douleur… C’est aussi la couleur immémoriale des peintures rupestres, « l’ocre des images millénaires / qui ont pu malgré tout traverser / les murs de la honte ».

Loin des cavernes, des fosses et des terres brûlées de l’Histoire, l’ocre offre aussi ses lumières qui emportent le regard et éclatent en leurres bienveillants capables de nous sauver de nous-mêmes. C’est la force des roches qui ont subi l’épreuve du feu. Une « sagesse », une « foi vive » que la poète recherche « à travers les trous du temps ». Elle supplie la terre de lui transmettre sa force de vie avant de l’engloutir « dans le tremblement / de son silence ». De l’opacité à la lumière, de l’effroi à l’oubli, le voyage n’est pas terminé, même si le mot « ocre » est « un vocable clos », même si l’avenir est « enfoui sous nos pieds » entre « les ombres jaunies / jetées sur les cimetières » et les mystères celés sous les dalles. Il faut descendre toujours plus profond, continuer de creuser la terre à mains nues, cette matière vivante qui est la nôtre depuis la nuit des temps. Certes « la terre reprend tout / ce qu’elle a donné » mais, ombres ou clartés, nous lui appartenons indéfectiblement.

Anouk Van Rentergherm, jeune artiste bruxelloise qui a déjà illustré pour l’Atelier des Noyers les recueils Novembre et Au gré du gris des jours, accompagne magnifiquement ce chemin de vie au cœur de la matière couleur. Ses silhouettes humaines, minérales, végétales, réalisées au pastel sec, sont en marche. Fortes et fragiles à la fois, elles avancent vaille que vaille dans la poussière des villes, leurs architectures grandioses ou dérisoires, parmi les racines des forêts dont elles semblent le naturel prolongement. Envol, danse, colère, interrogation, tendresse, offrande, douleur…, les images de l’artiste répondent au texte de Louise Dupré avec subtilité et délicatesse dans une variation de tons empruntés à l’art des premiers hommes. Osmoses et contrepoints, elles font voyager les mots du poème dans une « langue commune » ouverte à la lumière. Malgré tout.

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Chambres

Un très beau texte rencontré par hasard. J'y ai trouvé de grandes qualités d'écriture.
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Plus haut que les flammes

Plus haut que les flammes est un livre de poésie écrit par Louise Dupré après sa visite aux camps d’exterminations d’Auschwitz et de Birkenau. Ce livre est divisé en quatre parties numérotées en chiffres romains qui ne portent pas de titre. Le recueil est composé de poèmes en vers libres qui ne riment pas. Les vers sont courts, les strophes également mais le livre est grand.



Un sujet fort



;Ce qui rend ce recueil de poème si particulier c’est son sujet fort et poignant. Le thème prédominant est l’extermination des juifs et plus particulièrement les camps d’exterminations : « à Auschwitz on exterminait / des enfants » (p. 16). Louise Dupré revient avec émotion sur les actes terribles qui ont été commis à cette époque « pluies d’obus lancés / sur les villes / comme des œufs » (p. 19) et surtout ce qu’il en reste, sur le souvenir impérissable qu’on veut pourtant oublier. Comment vivre après un tel drame ? Comment élever un enfant qui ignore ce qu’il s’est passé comme si de rien n’était, comme si des hommes, des femmes et surtout des enfants n’étaient pas morts à Auschwitz ou à Birkenau ? Ce sont toutes les questions qu’évoque Louise Dupré dans ce recueil.



De plus, Louise Dupré accorde une place importante à Francis Bacon. Son nom est mentionné à plusieurs reprises dans le recueil, dans presque toutes les parties. Francis Bacon est un peintre anglais réputé pour peindre la violence, la cruauté, la tragédie dans ses triptyques. Dans l’œuvre de Louise Dupré, il représente l’horreur du souvenir d’Auschwitz et Birkenau ( « dans le regard crucifié / de Francis Bacon » p. 40).



La figure de l’enfant



Dans tout le recueil, il y a la présence d’un tu « tu ne parviens pas / à détruire la douleur » (p. 62). Ce tu renvoie à une mère qui essaye d’élever son enfant innocent et ignorant le passé qui la hante : Auschwitz et Birkenau. Des images qu’elle n’arrive pas à oublier, et peut-être même qu’elle a peur d’oublier. Des images de « biberons cassés » (p. 17) qui appartenaient à des enfants exactement comme le sien.



L’enfant a une place très importante dans le l’œuvre de Louise Dupré. En effet, c’est tout d’abord une figure d’espoir, c’est la jeunesse qui n’a pas connu les camps d’exterminations. L’enfant, c’est l’après Auschwitz et Birkenau, l’après souffrance, l’après douleur. C’est le symbole du renouveau, de l’avenir. Mais l’enfant, c’est également la madeleine de Proust, c’est l’élément qui fait revivre le souvenir : « une seule caresse / de l’enfant / dans tes bras // porte en elle tous les minuscules / vêtements d’Auschwitz / et les biberons cassés » (p. 69).



Plus haut que les flammes



Le titre du recueil provient de la volonté des personnes ayant connu Auschwitz et Birkenau, y compris Louise Dupré, à oublier ce passé douloureux, à créer « des ponts-levis / des îles / improbables // des échelles / plus hautes que les flammes» (p. 25) pour s’échapper de ce souvenir terrible et continuer à avancer malgré tout. D’ailleurs, cette volonté de continuer à avancer, «de continuer/à danser» ( p. 106) tient une place importante dans cette œuvre de Louise Dupré et particulièrement dans la partie 4.



Plus haut que les flammes est un livre de poésie qu’on oublie pas. Très bien écrit, et traitant d’un sujet fort avec justesse, on ne peut être qu’émue par cette œuvre.
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Roses

Après Carnet Ocre* paru en avril 2018, l’éditrice de l’Atelier des Noyers, Claire Delbard, fait paraître dans sa collection Carnet de couleurs un nouveau petit bijou de sensibilité et de délicatesse intitulé Roses. Là encore c’est Anouk Van Renterghem qui associe son talent à la poésie de Louise Dupré dans une fertile complicité. La patte de l’artiste se fait douce et énergique à l’image de la couleur dont il est question.



Le pluriel du titre pourrait faire penser à première vue à la reine des fleurs mais non, même si celle-ci est présente en signe d’espérance parmi les autres beautés du jardin « qui tiennent tête à la réalité ». Dans ce nouveau carnet poétique, Louise Dupré continue d’explorer une couleur dans toutes ses nuances, le rose. Ce dernier n’est pas une teinte mièvre placée là pour faire joli, mais une couleur vivace et volontaire, qui possède son énergie propre, qui sait accorder douceur et douleur sans rien effacer.



Le rose ne trahit pas

la douleur

il l’apprivoise, la rend

supportable

et tu peux poursuivre ta route

presque sereine

en refermant

tes premiers tombeaux.



C’est le rose de l’amour, de la vie qui repart, « une chanson du cœur / qui piaffe / dans sa cage », celui des livres de l’enfance avec ses rêves interdits, de la féminité qui se cherche à l’ombre des poètes, celui des ongles vernis qui fait contrepoint à « l’opacité de ciels / sans fenêtres » et conjure « le battement affolé / de la terre ». Chaque souvenir a son revers, chaque touche de rose aussi. Il colore les cicatrices tôt survenues, les blessures secrètes, les tourments du cœur, mais le sang apprivoisé, maquillé, trace un chemin d’innocence et de résistance, « minuscule victoire / sur la nuit », qui aide à surmonter tout ce qui fait mal, en soi, autour de soi.



Tu ne pourras jamais

abolir les haines

aux quatre coins du onde

et pourtant tu essaies

de maquiller le rouge

impitoyable

qui embrase les drapeaux.



Louise Dupré fait partie de cette « généalogie / des femmes / qui n’ont jamais renoncé ». Aussi continue-t-elle, vaillante dans la détresse, de « marcher / les yeux tournés vers l’intérieur » en faisant confiance aux « petites consolations lovées dans les boucles du poème ».

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Exercices de joie

Exercices de joie est un recueil poignant qui extirpe la joie du gouffre du désespoir comme une petite lueur empêchant de sombrer définitivement.

C’est sombre et lumineux à la fois, c’est profondément touchant et d’une grande puissance. Ce sont des vers libres et de la poésie en prose fragmentaires, comme des petits éclats s’éparpillant au fil des pages pour résister contre l’endurcissement et le découragement.

Ce recueil est plus sombre que je l’imaginais mais il a résonné en moi en cette période difficile où l’angoisse du réchauffement climatique et l’incertitude quant à l’avenir nous hantent, se mêlant aux problématiques personnelles. Petits rayons d’espoir parsemant le néant, les moments de joie, aussi fugaces soient-ils, prennent une dimension quasi mystique.
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La memoria

Récit magnifique d’une femme qui retrouve le goût d’aimer après une rupture douloureuse, et la disparition de sa petite sœur. L’écriture de cette femme poète est brodée de phrases plus belles les unes que les autres, où elle parvient à exprimer avec simplicité et évidence des sentiments si humains.
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L'album multicolore

Très beau livre sur la relation d'une fille avec sa mère, pendant son enfance jusqu'à la mort de cette dernière. Entrecoupé de souvenirs vécus lorsqu'elle était jeune, ce livre nous fait voir et ressentir tout l'amour que l,auteure a pour sa mère , pendant sa vie et après sa mort.
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