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4.03/5 (sur 58 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Meuse , 1994
Biographie :

Lune Vuillemin a suivi des études d’arts avant de partir deux ans au Canada.

Jardinière, femme de ménage, soigneuse d’animaux sauvages, aide-cuisinière, rancheuse ou road-tripeuse, elle cherche toujours la proximité du monde sauvage et les rencontres, un roman et son carnet d’écriture dans la poche.

Elle vit aujourd’hui dans le sud de la France où elle étudie la littérature et l’histoire américaine et britannique.

"Quelque chose de la poussière" (2019) est son premier livre.

Source : http://www.chemindefer.org
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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Par la fenêtre, je suis la lisière de la forêt, ou plutôt la cicatrice de la forêt, puisque la route est venue la couper en deux. Nous roulons chez une femme qui a dynamité un barrage de castors sur son terrain. La hausse du niveau d’eau, engendrée par la construction de bois et de boue des mammifères, a déséquilibré la vie de cette femme. L’eau, devenue clandestine, a franchi la frontière invisible du domaine humain. La propriétaire a fermé les yeux sur ce que les castors apporteraient de bon à ses terres. Le cours d’eau gonfle oui, le lit s’élargit, et c’est une aubaine pour la biodiversité, m’explique Jeff, mais l’humain s’en fout de ça, ce qu’on veut, c’est que rien ne bouscule l’ordre de nos choses. Il se racle la gorge. Trois petits sont toujours vivants, l’explosion n’a pas atteint la hutte.
Les parents sont en morceaux. J’aimerais lui dire qu’il peut pleurer devant moi, que de toute façon je suis du côté de l’œil qui ne pleure pas, je ne verrai rien. Nous roulons à la rencontre d’une femme qui parle l’explosif. Bombarderions-nous le niveau de la mer, les tempêtes et la chaleur, si nous le pouvions ? Nous ne parlons pas, parce que les mots pour décrire ce que nous ressentons sur cette route sont laids, vulgaires et violents. Il nous faut garder de la douceur et de la force pour une portée orpheline dont le monde s’est effondré.
Arden est déjà là. C’est elle qui parle avec la femme aux explosifs. On n’entend pas ce qu’elles se disent, la femme nous a simplement adressé un mouvement de menton. Jeff n’a pas dit bonjour, j’ai hoché la tête. Arden a déjà récupéré les petits, chacun dans une caisse de transport. Nous les calons à mes pieds dans le camion. Il faut faire vite, les ramener au refuge et les installer ensemble. Limiter le stress. Je demande à Jeff si sans parents les castors sauront instinctivement construire une hutte, se nourrir, préparer l’hiver. Il dit oui. Il dit juste oui. Après tout ce temps passé à chercher les mots jutes, finalement face à la cruauté de l’humain, se taire reste peut-être la meilleure chose à faire.
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Incipit :
Quand le vent reprend son souffle, l’air se fige au-dessus du lac Petit. La glace soliloque sous le ciel blanc, parfois elle grince des dents, se met à rire et sa mâchoire claque. Sa peau blanche gercée de bleu semble forte et prête à recevoir les baisers ardents du printemps. Il y a d’abord une expiration de brume sur les sapins baumiers, puis le froid bondit d’un bout à l’autre du lac à la manière des chevreuils en fuite. Le chant de la glace rencontre le rire de la sittelle. Les trembles nus se tendent la main, si blancs et lourds d’une neige glacée. Dans la forêt, le pas silencieux des biches alertes, le ventre rond d’une mésange sur une branche tordue, une petite martre baille, dents minuscules et poils hérissés par une couverture de neige fondue tombée d’en haut. Le matin pointe le long de la rivière Babine.
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Jeff sourit, un sourire tordu. Il dit C’est marrant, avec ses r un peu mâchés, when I asked you where you came from, t’as rien su me répondre et là je te demande où tu vas et tu réponds finalement à ma première question. Il me fait signe de continuer. La rivière Babine, elle, ne s’est pas interrompue.
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Le rire d’Arden part au galop comme un coyote en fuite.
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A dix ans, on a le point de mire qui vise déjà le cœur des cerfs.
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Les vergetures sur les cuisses, ces petits coups de griffes, je les caresse comme les marques horizontales sur l'écorce des bouleaux. Sous la peau pulse une sève chaude. J'empoigne une fesse, un souffle chaud dans la gorge, à expirer. J'embrasse son cou et il y a sa main sur mon sexe et sur mon ventre qui caresse les rebonds, les plis, les interstices, les cavités. Faire l'amour avec elle, c'est comme grimper un séquoia géant à mains nues, une fois arrivé à la cime on regarde en bas avec le vertige, surtout ne pas tomber mais surtout ne pas redescendre non plus, lâcher le cœur qui sursaute comme un animal. Deux coccinelles tracent péniblement leur chemin dans les draps. Arden voudrait les écarter alors je les fais monter sur mon index, les pose sur la table de chevet. Elle ferme les yeux et soupire longuement. p. 106-107
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Je m’approche de la glace. Fine, elle laisse voir à travers elle l’eau sombre qu’elle emprisonne. Des sillons filiformes semblent avoir été poussés par le vent à la surface. Ils ressemblent à des anneaux de croissance sur une souche d’arbre. De petites bulles informes coagulées et enfermées dans le poing du froid. Je tapote du bout de mon gant. La glace se brise. C’est comme ouvrir une respiration dans le paysage.
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Je suis la trace d'un renard sur le sol blanc. Il neige depuis hier soir. Les branches des conifères s'alourdissent et plient. L'air est figé, les flocons tombent gracieusement en mouvements circulaires à la manière des disamares d'érables sycomores. Je suis autant attiré par la beauté de ce qui vient d'au-dessus que par le mystère de l'animal passé là tantôt, dont je rêve de croiser le regard. Je m'arrête parfois pour tourner sur moi-même. M'accorder au mouvement du matin, danser cette volte, parodier la neige. Sentir qu'on fait partie du paysage autrement que par les traces qu'on laisse. Comment les animaux décriraient-ils mon odeur ? Avec quel mots les arbres parleraient-ils de ma démarche, du poids de mon corps sur le sol ?
(p.47)
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(Les premières pages du livre)
« Quand le vent reprend son souffle, l’air se fige au-dessus du lac Petit. La glace soliloque sous le ciel blanc, parfois elle grince des dents, se met à rire et sa mâchoire claque. Sa peau blanche gercée de bleu semble forte et prête à recevoir les baisers ardents du printemps. Il y a d’abord une expiration de brume sur les sapins baumiers, puis le froid bondit d’un bout à l’autre du lac à la manière des chevreuils en fuite. Le chant de la glace rencontre le rire de la sittelle. Les trembles nus se tendent la main, si blancs et lourds d’une neige glacée. Dans la forêt, le pas silencieux des biches alertes, le ventre rond d’une mésange sur une branche tordue, une petite martre baille, dents minuscules et poils hérissés par une couverture de neige fondue tombée d’en haut. Le matin pointe le long de la rivière Babine. Elle vient du nord de la vallée et rejoint le lac Petit, séparé du lac Grand par une forêt dense qui fait ricocher les bruissements d’ailes, les fracas de la neige et les silences éphémères.
Un corbeau sur une souche blanche, le bec enneigé, espiègle, regarde un peu alentour, surveille le lac Petit. Il neige, doucement et silencieusement, une neige fine et timide. Quelque chose grignote ou dépiaute, ça crépite comme un feu sec. Un groupe de trois mésanges sur une branche gigote, elles font les yeux doux à l’air piquant du matin. L’une d’elles plonge, flocon tacheté de noir, et disparaît.
Le corbeau sur sa souche, avec sa moustache de poudreuse, croasse un coup, regarde par là, pense. Haute sur ses pattes, l’orignale avance doucement. Elle traverse le matin blanc, grandes oreilles vers le ciel, narines écartées. Douceur dans le regard. La solitaire a le ventre rond, le poil épais et brun avec un cœur qui cogne en dessous, peut-être même deux. Ses longs doigts agiles évitent les roches et les branches dissimulées par la neige. Des yeux sous les pattes, elle avance confiante vers Lac Petit. La neige s’arrête, si l’on regarde bien. La troisième mésange se pose à nouveau sur la branche. Une chose indicible se déroule entre les trois petits oiseaux à tête noire. Sur la souche, en bas, au pied du sapin, le corbeau n’est plus là. Le lac chuchote sous la glace qui lui met la main sur la bouche. L’animal sur ses longues et fines jambes envisage la robe d’hiver de l’étendue d’eau qu’elle connaît bien. De l’autre côté elle longera la rivière Babine, remontera un peu vers les tourbières qui regorgent de vie, croisera quelques loutres au regard fourbe et rejoindra une autre forêt calme où l’on ne chasse pas. Y croquer les pousses de cèdres et de sapins. Le grand corbeau fend le ciel blanc, fait rebondir un chant de gorge entre les arbres. Derrière le lac, le long de la rivière aux rives recouvertes de névés, enflées comme des lèvres tuméfiées, les jeunes bouleaux ont la peau fragile.

Un ventre lourd s’abîme. Les muscles tendus dans les eaux de griffes, eaux-poignards. Des hommes aux bras fatigués ont extirpé la bête du lac blanc.
Nous restons là, à observer le cervidé exténué couché sur son flanc. Les heures tournent comme nos regards perdus, nos sourcils qui se froncent.
Sous le ventre gonflé d’angoisse et de vie qui s’affole, passer les sangles robustes. Dans le jour qui se couche, entendre les coyotes au loin et le moteur du débusqueur qui doucement soulève son treuil, sorte de poing fermé prêt à frapper la terre. Une grande femme aux épaules lourdes fait un signe à l’homme qui manœuvre le débusqueur. Il recule d’un coup sec, le moteur cale, l’orignale laisse échapper un râle.
Je ne regarde que ses yeux qui cherchent à se fermer.
Mes mains s’engourdissent de froid dans les poches de ma veste alors que l’animale est hissée vers un van à chevaux attelé à un pick-up. Elle paraît déjà morte, sa tête semble trop lourde à porter. Le treuil la dépose sur un tapis posé devant le van et les hommes aux bras fatigués aident à tirer la bête à l’intérieur.
C’est long, il faut s’y reprendre à deux fois. La grande femme aux épaules lourdes me fait signe d’entrer dans le van avec elle. Elle pose une vieille serviette de bain sur le haut de la tête de l’animale, cache ses yeux, et je l’aide à étendre une couverture sur l’orignale.
Je regarde les mains de cette femme, blanches et tordues comme des pattes d’araignées. Elle me parle avec le regard et le menton et je comprends tout, je crois. Son nez est incroyable, une falaise.
Elle sort du van, jette un regard sur l’animale, puis sur moi, je hoche la tête. Elle fait basculer la porte arrière comme un pont-levis et je me retrouve dans l’obscurité avec la bête. Je peux voir par un hublot le paysage que nous traversons. Je pétris la poche d’électrolytes avec ce qu’il me reste de force dans les mains. Je n’ai pas dit au revoir au garde forestier qui m’a conduite ici, au bord d’un lac, en lisière d’une vallée que je ne connais pas. Nous partons vers un refuge, un sanctuaire, où cette femme au nez gigantesque accueille des animaux sauvages. Chacun de mes doigts se contracte et brûle mais je continue à pétrir le sac. L’orignale ne bouge plus. Je serre les dents sur ma peur qu’elle meure avant que nous arrivions. Entre nous, le cordon ombilical. Comme ça, sans prévenir, l’hiver a décidé d’ouvrir grand la bouche. Avaler cette mère dans le calme formidable du matin.

Au refuge, le pick-up continue sur un chemin qui contourne une grange bleu-gris un peu sinistre et s’arrête plus loin sur une piste forestière. Les pneus font craquer la fine couche de gel recouvrant la terre. Le pont du van s’ouvre sur une clairière flanquée d’épinettes hautes. Le poing du débusqueur fait à nouveau glisser la bête hors du van puis la hisse au-dessus du sol avec ses gestes mécaniques.
L’homme et la femme parlent français, lui a un fort accent anglophone. Quelque chose dans sa voix à elle, comme un accent qui tente de se dérober. Une inflexion déguisée, qui me semble familière. Elle murmure un ordre sec et nos mains si petites se mettent à masser les pattes de l’orignale suspendue au-dessus de nous. Sous mes doigts la peau si dure, la peau froide et tendue, les murs d’une prison qui ne tombent pas. Des poils, longs comme mon annulaire, se collent à mes paumes. J’aimerais que mes phalanges pénètrent la chair de l’animale mais tout est si raide. Ça résiste. J’ai des poils dans la bouche. Je voudrais pleurer, je regarde les autres qui pétrissent les muscles avec force. Ils ont la même grimace au visage. Masque d’impuissance. Eaux froides du lac qui engloutissent la vie. J’essaye de chanter tout bas une chanson que j’aime mais les mots n’ont pas de sens. J’enrage et donne un coup de poing dans la cuisse glacée, l’orignale a encore les yeux ouverts mais plus rien ne semble battre sous la peau. Une tique, grosse comme un bleuet, trace un sillage dans le pelage brun. Une autre la suit, puis une autre encore. Petite meute à la queue leu leu dans les poils épais et trempés de l’orignale. Un vent désagréable se lève, personne n’a son manteau sur le dos.
La grande femme aux épaules lourdes et l’homme ne massent plus. Elle lui dit quelque chose que je n’entends pas. J’abandonne aussi et nous restons un instant tête baissée, les mains noires de crasse, de poils et de terre, les genoux qui tremblent. Sous les épinettes frissonnantes, la nuit s’en vient. Je prie pour que, cette nuit, les coyotes épargnent l’orignale.
Que personne n’ouvre ce ventre encore chaud, où un souffle respire peut-être encore. L’orignale, les yeux toujours ouverts, les membres tordus sous son lourd corps de bête des bois, garde la tête haute. Je regarde la grande femme aux épaules lourdes qui a enfilé un bonnet, elle a le visage marqué, elle pourrait avoir quarante ans, elle pourrait aussi en avoir cinquante.
Au-dessus de nous, les grands corbeaux s’exclament et hoquettent, chantent et accompagnent une vie qui part. L’homme relève la tête vers moi.
– Avec ça, on ne s’est pas présentés. I’m Jeff, this is Arden.
Je serre sa main, tout est froid, la clairière et nos peaux. Il me sourit faiblement. Sous ses yeux se dessinent des arroyos qui s’écoulent vers la joue, parfois remontent vers la source de l’œil, la paupière crevassée de fines failles qui tranchent dans la peau.
Un de ses yeux semble éteint. Il me demande si je crois en Dieu. Je lui dis que non, en tout cas pas celui auquel il pense, mais il m’arrive de prier, souvent, de m’adresser à d’autres… choses. I get that, il dit.
Nous restons là, incapables de quitter l’orignale. Je me sens fatiguée. Mes doigts sont durs, petits cailloux ocre. Personne ne prie. Je ne trouve pas les mots pour cette animale merveilleuse que nous ne parvenons pas à sauver. Arden remonte la couverture sur l’encolure de l’orignale qui a posé son énorme tête au sol. Ce geste, remonter la couverture, sans recouvrir la tête, me donne comme un espoir que l’orignale s’en sorte. Pourtant le froid s’engouffre dans la clairière, chasse les corbeaux, fait trembler ma poitrine. Arden se redresse, me dit que je peux dormir chez elle, sur le canapé. On discutera demain.
Je les suis jusqu’au van vide. Arden le referme et le décroche de l’attelage du pick-up. Jeff m’ouvre la porte passager, nous tenons à deux sur la banquette en nous serrant. Je regarde mes mains souillées et anéanties, je les rapproche de la petite bouche du chauffage qui crache sa chaleur. Fuck souffle Arden en manœuvrant pour faire demi-tour. Je regarde encore ses mains à elle. Longues et tordues, comme des pattes d’araignées. Jeff demande ce que je faisais avec le garde forestier. Je réponds qu’il m’a prise en stop une heure avant et qu’en chemin il y a eu le coup de téléphone. Il a parlé de l’orignale, m’a proposé de me laisser au premier motel mais je suis restée avec lui. Je voulais voir ça. Jeff ne demande pas où je vais mais d’où je viens. Je ne sais pas quoi répondre à ça. Une image me pénètre. J’essaye de la
chasser. Jeff n’insiste pas. Je ne sais pas quoi faire de mes réponses. Arden ne dit rien. Je re
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La lumière est furtive, changeante et surprenante comme un animal. Les couleurs forment une meute peu commune et chaque jour dévoile une nouvelle femelle alpha qui prend le dessus.
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