Citations de Malin Persson Giolito (63)
On dit que les enfants ne croient qu’en ce qui les arrange, mais la vérité, c’est qu’on ne peut pas les berner. Les adultes, en revanche, veulent choisir eux-mêmes l’histoiRe qui leur convient.
Une fin n’est tragique que si elle a été précédée d’une alternative, que si elle ressemble à une conclusion injuste. Pas quand elle est inévitable.
C’est incompréhensible, ce désir qu’ont les gens d’être uniques jusque dans la mort. Pas question de jour Never got a chance to say Goodbye comme n’importe quelle shoppeuse de village commercial, la cérémonie doit être spéciale, inoubliable.
A la maison d’arrêt, une ou deux surveillantes ont l’air convaincues que la chique et les poils pubiens abondants sont un pas de plus vers l’émancipation féminine et q’une infime odeur de sueur est signe de beauté naturelle.
Dans les contes, les trolls se changent en pierre quand le soleil les surprend. À mon avis, cela signifie que si on expose les choses terrifiantes, qu’on les révèle, elles cessent de l’être. En vrai, c’est le contraire. Trop de lumière et de « vérités », d’ « ouvre ton cœur », de « dis ce que tu éprouves » et de « n’aie pas peur de parler de tes problèmes » ne fait qu’étaler à la face du monde quel monstre vous êtes. Vos mauvais sentiments se voient comme une verrue poilue au milieu de la figure.
J'avais compté quatre lampadaires en panne rien que sur la place où débouchait la sortie de métro. La voix de Christer s'était élevée dans ma tête, avec ses intonations sérieuses de pédagogue. Il aurait été enchanté d'apprendre que j'étais venue ici, il aurait hoché la tête en disant d'un air important : "Voilà, Maja, à quoi ressemble la Suède authentique." Pourtant, ce n'était pas la Suède authentique, pas plus que ne l'étaient le place Östermalmstorg, l'archipel de Stockholm ou la route côtière de Strandvägen. Les choses ne sont pas plus authentiques juste parce qu'elles sont moches.
Les juristes raisonnent, les écrivains imaginent. J'ai été juriste deux fois plus de temps que je ne suis écrivain. Un juriste veut que tout soit correct. Les écrivains, eux, font ce qu'ils veulent.
Sander a la réputation de meilleur avocat pénaliste de Suède. [...] Je me doutais que c'était un très bon conteur. Mais pas qu'il était aussi convaincant.[...]Même si on a tendance à penser qu'il faut être sûr de soi à cent pour cent pour conquérir son auditoire, c'est une idée fautive. Les politiciens devraient en prendre de la graine : nous attendons des phrases qui finissent par un point d'interrogation. Une personne qui n'a pas forcément tout compris, mais qui propose des solutions. Je ne suis pas sûr que ça va marcher mais je suis prêt à tenter le tout pour le tout.
Sander permet au public de l'accompagner dans ses doutes, dans chaque étape de son cheminement. Quand il lance : "Nous nous sommes posé telle ou telle question, aurions-nous eu raison? " tout le monde est curieux. Quand il dit :" Nous avons décidé de mener notre propre enquête", tout le monde trouve l'idée fabuleuse, alors même que quelques minutes plus tôt on lui reprochait de perdre du temps et et de l'argent en redoublant le travail de la police. Quand il annonce : "Le résultat nous a profondément surpris" et " Nous avons tiré telles et telles conclusions", chaque spectateur écoute. En dépit de leur conviction initiale --ils étaient sûrs qu'ils les embobinait-, ils ne peuvent s'empêcher de baisser la garde. Et si... et s'il n'avait pas tout à fait tort?
Je me souviens avoir un jour demandé à maman -- je devais avoir pas loin de douze ans -- à quel âge on pouvait commencer à faire l'amour. "Quand tu auras tellement envie de faire l'amour avec une personne que tu te moqueras de ce que j’en pense, de ce que les autres en pensent, parce que tu préféreras mourir plutôt que de ne pas le faire, alors tu seras assez grande", avait répondu maman. Je croyais qu’elle disais ça pour montrer qu'elle était ouverte d'esprit, qu'elle reconnaissait la beauté du sexe. Je l'avais trouvée écœurante et affectée. Mais elle avait raison. Pour une fois, j'aurais dû l'écouter.
La nuit, je suis comme un jour sans vent, où tout est immobile, où rien n'arrive à voler.
Les gens affirment que toutes les vies ont la même valeur. C'est ce qu'on dit quand on est poli, bien élevé et, peut-être, qu'on a un diplôme universitaire. En réalité, tout le monde sait que c'est faux. Car quand un avion s'échoue au large de l'Indonésie en faisant quatre cents victimes, les informations en parlent deux fois plus si un compatriote figure dans le sombre bilan. Un pitoyable Suédois empestant la sueur, parti faire du tourisme sexuel, vaut deux fois plus que quatre cents Indonésiens. Voilà pourquoi quand une jolie jeune femme pleine d'ambition meurt dans une avalanche, cela fait les gros titres (avec photo en une), tandis qu'une seule brève coincée entre le programme cinéma et une pub pour des implants mammaires est consacrée à un retraité incontinent, divorcé et sans enfants, assassiné après une tentative de vol dans le métro qui le ramenait chez lui.
Pendant les heures sombres, il n'y a plus de mensonges.
Les superstitions ne sont d'aucun secours contre la réalité.
Il y a une limite aux inégalités qu'une société peut accepter tout en restant une démocratie stable.
Il y a des mots que l'on ressent dans tout le corps. Qui éveillent un sentiment dans une partie du cerveau à laquelle on ne s'attendait pas. Les bons mots peuvent réchauffer le coeur.
Peut-être la chance ressemble-t-elle à la malchance en cela qu'il faut du temps pour l'assimiler. Au départ, on ne ressent rien. Les émotions viennent plus tard, peut-être seulement après la disparition de ce qui nous comblait.
Je ne veux pas penser que c'est quand tout peut arriver, quand toutes les portes sont ouvertes, que le courant d'air les fait claquer.
Je m'étais assise à un arrêt de bus de l'autre côté de la place et avais finalement sorti mon téléphone pour m'orienter. Je n'avais pas le choix. Je gardais l'autre mais dans la poche où se trouvait ma bombe lacrymogène, faisant de mon mieux pour me convaincre que ce n'était pas parce que j'avais peur que j'étais raciste. Je m'étais rappelé les mots de maman : être prudent, ce n'est pas forcément être effrayé.
Mais en cet instant, je ne pleurais pas. A quoi bon, il n'y avait absolument rien que je puisse faire. Une fin n'est tragique que si elle a été précédée d'une alternative, que si elle ressemble à une conclusion injuste. Pas quand elle est inévitable. Dans la situation où je me trouvais, pleurer ne servait à rien.
Je veux raconter. Je me fous des conséquences. Le pire a déjà eu lieu.