Citations de Malin Persson Giolito (61)
Ils sont tous là pour me scruter, pas pour m'entendre. Ils attendent ce qu'ils croient déjà savoir. On dit que les enfants ne croient qu'en ce qui les arrange, mais la vérité, c'est qu'on ne peut pas les berner. Les adultes, en revanche, veulent choisir eux-mêmes l'histoire qui leur convient. Les gens se moquent de ce que les autres disent ou ressentent, de ce qu'ils ont traversé, appris. Les gens ne s'intéressent qu'à ce qu'ils sont déjà certains de savoir.
Dans les contes, les trolls se changent en pierre quand le soleil les surprend. À mon avis, cela signifie que si on expose les choses terrifiantes, qu’on les révèle, elles cessent de l’être. En vrai, c’est le contraire. Trop de lumière et de « vérités », d’ « ouvre ton cœur », de « dis ce que tu éprouves » et de « n’aie pas peur de parler de tes problèmes » ne fait qu’étaler à la face du monde quel monstre vous êtes. Vos mauvais sentiments se voient comme une verrue poilue au milieu de la figure.
Je ne veux pas penser que c'est quand tout peut arriver, quand toutes les portes sont ouvertes, que le courant d'air les fait claquer.
Une fin n'est tragique que si elle a été précédée d'une alternative, que si elle ressemble à une conclusion injuste. Pas quand elle est inévitable.
Les juristes raisonnent, les écrivains imaginent. J'ai été juriste deux fois plus de temps que je ne suis écrivain. Un juriste veut que tout soit correct. Les écrivains, eux, font ce qu'ils veulent.
Je m'étais assise à un arrêt de bus de l'autre côté de la place et avais finalement sorti mon téléphone pour m'orienter. Je n'avais pas le choix. Je gardais l'autre mais dans la poche où se trouvait ma bombe lacrymogène, faisant de mon mieux pour me convaincre que ce n'était pas parce que j'avais peur que j'étais raciste. Je m'étais rappelé les mots de maman : être prudent, ce n'est pas forcément être effrayé.
Je veux raconter. Je me fous des conséquences. Le pire a déjà eu lieu.
C'est le pire cauchemar de tous les parents... Voir ses enfants partir le matin et ne jamais rentrer à la maison le soir.
Mais en cet instant, je ne pleurais pas. A quoi bon, il n'y avait absolument rien que je puisse faire. Une fin n'est tragique que si elle a été précédée d'une alternative, que si elle ressemble à une conclusion injuste. Pas quand elle est inévitable. Dans la situation où je me trouvais, pleurer ne servait à rien.
J'essaie de me dire que Lina ne saisit pas ce qui se passe. Qu'elle est épargnée par cette histoire. Mais ça ne marche pas très bien. Je n'arrive pas à me convaincre qu'on a moins peur quand on ne comprend pas. C'est plutôt le contraire, je suis bien placée pour le savoir.
Seuls les idiots s’obstinent à dire que l’identite et le passé ne comptent pas. Ils parlent de dignité humaine, comme si ce concept n’etait pas inventé de toutes pièces.
Il y a des mots que l’on ressent dans tout le corps. Qui éveillent un sentiment dans une partie du cerveau à laquelle on ne s’attendait Pas. Les bons mots peuvent réchauffer le cœur.
Sander a la réputation de meilleur avocat pénaliste de Suède. [...] Je me doutais que c'était un très bon conteur. Mais pas qu'il était aussi convaincant.[...]Même si on a tendance à penser qu'il faut être sûr de soi à cent pour cent pour conquérir son auditoire, c'est une idée fautive. Les politiciens devraient en prendre de la graine : nous attendons des phrases qui finissent par un point d'interrogation. Une personne qui n'a pas forcément tout compris, mais qui propose des solutions. Je ne suis pas sûr que ça va marcher mais je suis prêt à tenter le tout pour le tout.
Sander permet au public de l'accompagner dans ses doutes, dans chaque étape de son cheminement. Quand il lance : "Nous nous sommes posé telle ou telle question, aurions-nous eu raison? " tout le monde est curieux. Quand il dit :" Nous avons décidé de mener notre propre enquête", tout le monde trouve l'idée fabuleuse, alors même que quelques minutes plus tôt on lui reprochait de perdre du temps et et de l'argent en redoublant le travail de la police. Quand il annonce : "Le résultat nous a profondément surpris" et " Nous avons tiré telles et telles conclusions", chaque spectateur écoute. En dépit de leur conviction initiale --ils étaient sûrs qu'ils les embobinait-, ils ne peuvent s'empêcher de baisser la garde. Et si... et s'il n'avait pas tout à fait tort?
Mon imagination fait partie de mon identité, pour eux c’est une preuve de mon côté dangereux.
Les juristes raisonnent, les écrivains imaginent. J'ai été juriste deux fois plus de temps que je ne suis écrivain. Un juriste veut que tout soit correcte. Les écrivains, eux, font ce qu'ils veulent.
Voilà pourquoi je ne raconte pas mes cauchemars ou mes peurs. J'ai arrêté de croire que cela fait disparaître ce qui est mauvais. Les superstitions ne sont d'aucun secours contre la réalité. Les hypocondriaques attrapent des maladies mortelles aussi souvent que les autres.
L'angoisse. Tout le temps, l'angoisse. Nichée dans son estomac, elle le réveillait en pleine nuit et l'empêchait de se rendormir. Elle puisait sa force dans différentes sources. Si ce n'était pas une des filles qui s'attardait dehors, c'était une douleur diffuse dans le creux du dos qui pouvait être due aux métastases d'un cancer non diagnostiqué, ou quelque chose qui devait être réglé, accompli, préparé. Les vendredis, s'il était en congé, il buvait une demi-bouteille de vin ou trois bières, ou un peu plus. Un bref moment, l'angoisse relâchait son étreinte, comme cette demi-seconde avant que la balançoire atteigne le plus haut point, puis redescende. Mais sans lui laisser le temps de se détendre, le soulagement cédait la place à l'insomnie et aux draps entortillés.
Ils se moquent de savoir ce qui s'est produit, ils cherchent à me mettre dans la plus petite case possible. Ainsi, il leur sera plus facile de se convaincre que nous n'avons rien en commun. Ce n'est que là qu'ils dormiront tranquilles. Ce n'est que là qu'ils pourront songer que ce que j'ai traversé ne pourrait jamais, au grand jamais, leur arriver.
J'avais compté quatre lampadaires en panne rien que sur la place où débouchait la sortie de métro. La voix de Christer s'était élevée dans ma tête, avec ses intonations sérieuses de pédagogue. Il aurait été enchanté d'apprendre que j'étais venue ici, il aurait hoché la tête en disant d'un air important : "Voilà, Maja, à quoi ressemble la Suède authentique." Pourtant, ce n'était pas la Suède authentique, pas plus que ne l'étaient le place Östermalmstorg, l'archipel de Stockholm ou la route côtière de Strandvägen. Les choses ne sont pas plus authentiques juste parce qu'elles sont moches.
Rien de plus grand que l’amour, sauf, peut-être la peur de mourir.