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Citations de Marcelle Delpastre (21)


De même que celles de noisetier, les aiguillades de vergne et de sorbier sont très fastes. Et plus encore celle de sorbier, s'il se peut. Puisqu'il suffit d'avoir du sorbier derrière la porte de l'étable pour que l'on soit à l'abri des sorciers.
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L'oiseau né dans sa cage

L'oiseau qui est né dans sa cage a des ailes de soie, plumes
étincelantes ! L'oiseau qui est né là ne heurte pas les arbres ni
l'herbage, les murs de sa cage, le ciel de l'été.
L'oiseau qui est né là s'étonne de ces ailes dont il n'a rien à
faire et qui lui pèsent sur le corps. Se souvient-il de son père
libre ? De sa mère au milieu des forêts ?
Non. Il ne sait pas l'eau vive et la feuille donnant sont son parfum.
Il ne sait pas la chasse et la poursuite de la proie. Il ne sait pas le
goût du sang sauvage, ni l'odeur.
Jamais il n'a touché à la fontaine vierge, il n'a jamais cueilli
le grain qu'on arrache à la tige et qui tient. Il n'a pas mesuré
l'espace de l'un jusqu'à l'autre rivage,
de l'un à l'autre bord du champ. Mais il sent bien ces ailes
comme un germe battant sur le rythme du cœur, et comme le
ferment d'un rêve éblouissant, l'éclosion du soleil.

15 novembre 1967
p.44
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Le poète debout

Le poète est debout sur la haute colline.
Il regarde ― mais quoi ? ― Ce qu'il regarde ? ― Et ce qu'il voit ?

De la forêt, de la rivière et de la ville au loin,
de l'horizon ni de la mer, du sable ni du ciel ?

( Et la mer se devine aux figures de ciel, aux ombres des nuées,
la montagne à l'odeur de la neige ).

Ni le ciel ni la mer qui soient la mer, qui soient le ciel.
Ni l'horizon ni la forêt. Et ni ce qui ressemble

au sable, à la rivière, à l'ombre des forêts.
Ni dans le ciel les signes des oiseaux,

à grands bruits d'ailes, à grands bruits d'eau
( et la mort se devine à l'ombre des oiseaux ).

Ce qu'il voit lui traverse les yeux, lui traverse le cœur,
passe à travers son âme, au travers de son corps.

La neige, la montagne, le sable et la mer ;
les figures sans fin des nuages.

Et la célébration secrète, les obscures noces,
les noces cachées, de la parole avec la bouche.

4 décembre 1972
p.62-63
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Le merveilleux voyage

Enfant – je voudrais être enfant pour t'aimer comme font les
enfants, sans honte et sans calcul.
Et qu'un sourire me suffise, et qu'un regard me dise tout
l'amour.
Je voudrais être enfant pour t'aimer sans honte et sans
remords. Et pour faire avec toi le merveilleux voyage.
Ferme les yeux. Le merveilleux voyage.

9 avril 1976
p.70
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La lune

Couteau de sel, lame d'argent,
la lune est blanche à l'horizon.
Que sais-tu de la lune ?
Lame de cuivre, goutte de sang,
la lune est rouge à l'horizon.
Que de fois je l'ai vu e sur le sillon noirci
luire comme une eau vive, et sur les feuilles des tilleuls.
Frange de sel, vague d'argent,
La lune est blanche à l'horizon.
La lune et la nuit se ressemblent.
Plume de givre, flaque de sang,
la lune est rouge à l'horizon.
Que de fois je l'ai vue au milieu de l'étang
plonger sa face endolorie, comme un noyé, comme un pendu
pour quel supplice méconnu,
quelle figure et quelle solitude,
quel symbole et quelle similitude.
Couteau de feu, face d'argent,
la lune est blanche à l'horizon.
Lame d'acier, face de sang,
la lune est rouge à l'horizon.

3 février 1973
p.63-64
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La pluie qui commence

La pluie qui commence arrache à la terre une odeur sauvage
et forte comme le plaisir.

Viendront les jours, les jours de brume, les jours d'ombre.
Viendront les jours mouillés de la pluie.
Pesants de pluie. Noyés de pluie.
Et le temps monotone des jours comme de vagues automnes,
où le vent pleure les feuilles mortes
parmi les guenilles du ciel.

Qu'importe. La pluie qui commence fait naître à la terre une
odeur violente et forte comme l'amour.

1er mai 1980
p.85
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Je mélange!
Il y a dans mon corps de la merde et du sang.Il y a dans me tête du ciel, de la fange et du vent. comme la tourbe des bas-fonds, est-ce poison-- est-ce mélange? Non! Mais il y a de très secrètes connivences et de contacts constants, à cause de l'équivalence et des nécessités du nourrissement.....
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Le petit peintre japonais

Sur la branche du mirabellier l'oiseau s'est posé. Le petit
peintre japonais voudrait peindre l'oiseau. Il a pris ses par-
chemins, ses pinceaux. Il s'approche et l'oiseau s'envole.
Le petit peintre japonais attend que l'oiseau revienne, et
l'oiseau revient. Mais le peintre ne voit pas bien juste à l'endroit
près du bec où trois plumes jaunes s'ouvrent sur six plumes
rouges. Il s'approche encore, et l'oiseau s'envole.
Le peintre a dessiné la branche du mirabellier. Il a posé
l'oiseau parmi les fleurs demi-ouvertes. Il a peint les ailes, le cou,
et le petit duvet doré sous le jabot. Mais il voit mal trois plumes
jaunes qui tremblent sur six plumes rouges, à l'angle du bec. Il
s'approche et l'oiseau s'envole.
Alors le peintre japonais s'est fait tout petit, tout petit,
comme un oiseau il s'est posé sur la branche du mirabellier.
Lorsque l'oiseau est revenu, il l'a bien vu, mais à peine à-t-il pris
ses pinceaux que l'oiseau a peur et s'envole.
Alors le peintre japonais s'est fait plus minuscule encore, il
est entré dans une fleur de mirabellier, il s'est caché dans la
corolle, et il a peint l'oiseau, même les plumes jaunes à l'angle du
bec, contre les plumes rouges.
Or l'oiseau a vu remuer la fleur, il a pensé c'est un moustique,
il a tendu le bec, et clac ! il avale le peintre. Il n'y a plus de petit
peintre japonais. Mais le parchemin est tombé à terre, avec le
portrait de l'oiseau dessus, même les plumes jaunes et les plumes
rouges.

30 avril 1963
p.16-17
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L'homme célèbre

Il se croyait si grand
qu'en regardant à terre il avait le vertige.
Un jour il est tombé, de toute sa hauteur.
Au fond du précipice, on n'a jamais retrouvé son nom.

12 février 1973
p.64
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Tant pis. je recommence.


Il va fleurir le houx.

Une senteur descend des arbres, tendre, chaude, une odeur
d'amandes.
Les abeilles y font leur va et vient de ruche, et le merle
‒ le merle comme une eau siffle suavement dans les ramures claires.

p.3
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Même le feuillage, les feuilles, figurent parmi les herbes de la Saint-Jean, pour faire les bouquets aux portes et aux fenêtres des bâtiments, et pour être passés, neuf fois, dans les flammes du feu de Saint-Jean. Après quoi, on les garde et il suffit d'en brûler quelques brindilles quand l'orage approche pour fondre les nuages de foudre.
Les nuages disparaissent sans que l'on voie où ils sont passés, et le tonnerre cesse de gronder.
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Des herbes, chacune avec sa fleur, il y en a bien d'autres. certaines même qui faisaient peur-l'herbe de la dame, la belladone, avec ses grains violets, et l'herbe de la poule, la cigüe. Par chance, il n'y en avait pas ici de ces plantes si dangereuses pour les enfants qui portent à la bouche tout ce qu'il peuvent attraper. Mais il fallait se méfier de toute baie rouge que l'on ne connaissait pas, et même de celles que l'on connaissait. Jusqu'aux grains de sureau. Le petit René en avait trouvé à sa portée. Il y goûta, il les trouva bon, il en mangea. Sa tante la Minou le découvrit sous la haie, qui en avait tout son saoul. Et de crier:
-Hélas! hélas! qu'en adviendra-t-il de ce petit!
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Le premier pas

Le premier pas me fut donné.
Le second pas me fut vendu. Chèrement je le jure.
Mais le suivant je l'ai volé
comme le vent vole la laine.
Comme la pluie vole le blé.
Comme la mort vole l'aurore.
Depuis ce temps je marche.
Peut-être un jour je saurai où – comment – pourquoi –
et le reste.

31 janvier 1980
p.82
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La tour – Extrait 4



Le bras qui ne m’emporte pas. Qui n’a pas soulevé mon poids entre les deux abîmes.
Et n’a pas déployé sa puissance au-dessus des vallées.
Il ne m’a pas levé si haut que je traverse les nuages.
Il ne m’a pas porté si loin que j’aie traversé l’eau.
Mais la main prend la pierre et la jette au-devant.
Mais la main prend la pierre et la jette plus haut.
Mais la main prend la pierre et la jette où je veux.
De la force du bras.
De la force du corps, des reins tendus, de la cuisse qui tourne, et de la jambe souple, appuyée sur le pied.
De la force du corps tout entier.
Du vouloir de la volonté.
L’œil qui voit, qui choisit, qui calcule la place.
Et le pied qui mesure l’espace et compte la distance.
Le pas, la foulée. Le pied. La toise. La coudée. Le pouce.
Et le corps tout entier pour dire la hauteur et supputer l’espace, au-delà de l’espace où le cri peut porter,
au-delà de l’espace où l’œil peut regarder,
au-delà de l’espace où le pas peut mener.
Au-delà de l’espace…
Et le savoir qui sait. Et l’esprit qui devine au-delà de l’espace l’espace nouveau.
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La tour – Extrait 3


Troisième Voix. – Lorsque je tends le bras,
l’oiseau s’envole et va. Et quelquefois traverse les nuages.
Puissante est la main. Sa force est dans le bras.
Puissante est l’aile de l’oiseau. C’est le corps qui déploie sa force et sa vaillance.
Son désir d’être ailleurs. Sa volonté.
L’oiseau qui monte et qui descend.
Qui part et qui se pose.
Et qui dessine un arc, entre les arbres.
Entre les branches.
Entre les lieux.
Par-dessus la forêt.
Par-dessus la montagne.
Par au-dessus des eaux.
Puissante est la main.

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L’Homme éclaté – extrait 1


L’Homme. – Est-ce vous mes amis dont la voix me parvient ?
Comme une aurore qui s’annonce j’entends la voix de mes amis.
Je fais un pas, j’avance. Je tends la main, j’attrape le vent.
Où êtes-vous ?
Non, je suis seul toujours.
Il me semble que ma tête s’enfle et se distend de jour en jour.
Il me semble que ma tête est grosse de tous les vents de l’univers.
Qu’elle se gonfle comme un ventre où bourdonne la vie en bourgeon.
Se prépare l’essaim de la ruche qui gronde !
J’éclaterai comme une graine, je germerai comme le blé.
Ma tête porte des forêts, la marée haute des moissons l’habite.
Ma tête porte l’océan tout pommelé de vagues blanches.
J’éclaterai comme la graine. Ma tête engendre l’horizon.
Elle porte le flot des moissons, l’haleine de l’amour l’habite.
J’accoucherai de mes poissons, et mes oiseaux s’envoleront,
 ivres de ces torrents qui tournoient sur leurs rives.
J’enfanterai fatalement. J’éclaterai comme éclate en tombant
 le fruit trop mûr des branches.


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Ah ! La petite baie du houx – cerise rouge de l'hiver –
entre la neige et l'arbre noir.


Est-elle si noire, la nuit ? Mes yeux ! Mes yeux qui ne se ferment
que sur la peur.
Mes yeux – qui ne se ferment que sur l'amour. Qui ne se ferment
que pour dormir.
Mes yeux qui ne se ferment que sur la mort.

Hélas mes yeux.

Mais la nuit n'oublie pas le soleil. La nuit se souvient du jour.

Même lorsque la lune a pris l'autre chemin et qu'elle espère l'aube
avant de reposer courbe sur la colline,
corbeille nue, corbeille vide ; même quand les étoiles – pourquoi ? –
ont quitté le désert,
Une clarté demeure au ciel, pâle, éclatante, et les eaux ne s'y
trompent pas, la source ni le fleuve….

p.5
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Mes amis

Ils ont
pour maîtresse une image
qui chante
les nuits de printemps.
Ils ont
les yeux sereins des sages
qui tiennent
les rênes du temps.

Ils sont
la vie, la joie, l'amour, le rêve.
Ils sont
les voyageurs de l'inconnu.
Ils sont
les paysans cherchant la sève.
Ils sont
les retrouvés et les perdus.

Ils sont
tous mes amis de par le monde,
Ils sont
les hors-la-loi et les élus.
Ils sont
les inventeurs de Trébizonde.
Ils sont
dessinateurs de femmes nues.

Ils ont
pour langue-mère la musique.
Ils ont,
pour seules armes, un roseau.
Ils ont
suivi le fleuve fantastique.
Ils ont
̶− ils ont souffert à pleine peau.

Ils ont
tous les pouvoirs, toutes les gloires.
Ils sont
les adieux et le souvenir.
Ils sont
les échappés de la mémoire.
Ils sont
le désespoir et l'avenir.

Je veux
poser sur leur visage
une couronne de bonheur.
Je veux
leur donner voisinage
dans les
arcanes de mon cœur.

19 février 1980
p.83-84
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                        Poésie
  
  
  
  
Une robe de fumée, un chapeau de lumière, une mante de sève –
dans le ciel de juin, l’arbre qui s’amuse...
Je t’ai cherché, poésie ! Et sans jamais voir ta face, où que tu sois.
Je t’ai jouée à pile ou face, ma pauvre vie, tu le sais bien !
Je t’ai jouée à pile ou face. Et sans jamais voir ta face, j’ai tous les jours porté
   ma croix.
Où es-tu ? Où étais-tu ? Pour te connaître, oui !
Mais pour te dire...
- Un chapeau de fumée, un manteau de lumière, une robe de sève...
au ciel de juin, l’arbre s’amuse...


/ Traduit de l’occitan par Marcelle Delpastre
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L’Homme éclaté – extrait 2


L’Homme. – Elle me touche, elle me tient. Sa peau m’est toute familière. Je la connais depuis toujours. Elle est chaude comme la mienne.

Je l’ai sentie contre ma peau, et je n’ai pas frémi. J’ai reconnu le velouté de son contact, et sa tiédeur.

Quand je suis nu dans le soleil de juin, je ne sens pas davantage contre mon corps la douceur de l’air.

Mais alors me vient le bonheur, alors dans tous mes os monte cette allégresse.

Je danserai sur le foin mûr ! Je danserai comme les blés qu’une haleine de vent fait venir et aller, je danserai où que je sois, mes pieds m’emportent.

Je danserai avec les bras, je danserai avec le cou, je me sens plus léger que l’orage.

Elle me tient le cou, elle me touche le visage. Je danse tout entier, je danse comme un arbre, et mon cœur chante ses moissons.
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