Marguerite PORETE Au secret de l'amour et de l'anéantissement (France Culture, 1998)
L'émission "Les vivants et les dieux : symboles et religions", par Michel Cazenave, diffusée le 19 décembre 1998. Présences : Claude Louis Combet et Jacqueline Kelen.
Je suis ivre non pas de ce que je connais, je suis ivre de tout ce que je ne connais pas. Ce que je connais est fini, ce que je ne connais pas demeure infini.
Amour : J’appelle cette âme suprêmement sage parmi mes élues ; mais qui est court de sens ne peut apprécier ni connaître une chose de grande valeur.
Raison : Oui, sire Amour, mais qu’appelez-vous sage ?
Amour : C’est d’être abîmé en humilité.
Etc, etc…..

Amour : Cette âme porte la marque de Dieu, et sa véritable empreinte est maintenue par l’union d’amour ; et à la manière dont la cire prend la forme du sceau, cette âme prend la marque de ce modèle.
L’âme : En effet, pour beaucoup que Dieu nous aime, comme il l’a montré par ses œuvres divines et ses souffrances humaines, il ne nous aime pourtant pas malgré lui ; et s’il mourut pour nous, et pour nous prit chair humaine, ce fut de son plein gré, au témoignage de sa bonté ; et il me le devait, puisque sa divine volonté le voulait. Non, il ne nous aima pas malgré lui ! En effet, si tout ce que la Trinité avait créé en son savoir eût dû en être damné sans fin, Jésus-Christ, Fils de Dieu, n’aurait pourtant pas dérogé à la vérité pour tous nous sauver.
Malheur à moi ! d’où me vient ce que j’ai dit ? Chacun ne sait-il pas que cela ne peut pas être ?
Amour : Oui, très chère et bien-aimée, mes bien-aimés le savent, que cela ne peut pas être.
Dieu le Père : Mais vous, qui êtes ma bien-aimée très chère, vous le dites parce que telle doit être ma fille aînée, l’héritière de mon royaume, celle qui sait les secrets du Fils par l’amour du Saint-Esprit qui les a donnés à cette âme. (chapitre 50)
Je commençais alors à sortir de l’enfance, et mon esprit commença à vieillir lorsque mon vouloir fut mort et que mes œuvres furent achevées, ainsi que mon amour qui me rendait frivole. En effet, l’envahissement de l’amour divin, qui se montra à moi par la lumière divine dans un éclair très élevé et éclatant, me montra tout d’un coup et lui-même et moi-même ; lui était très haut, et moi j’étais si bas que je ne pus ensuite m’en relever ni m’aider de moi-même ; et de là vint ce que j’ai de meilleur. Si vous ne comprenez pas cela, je ne puis faire mieux : cette œuvre est miracle dont on ne peut rien vous dire sans mentir.
Et parce qu’ils tiennent et savent en vérité qu’ils sont égarés, ils demandent souvent leur chemin avec ardent désir, à celle qui sait, c’est-à-dire à demoiselle Connaissance, illuminée par la grâce divine. Et leurs questions apitoient cette demoiselle – ceux qui sont égarés le savent bien –, et c’est pourquoi elle leur enseigne le droit chemin royal par le pays du rien-vouloir. Cette direction est la bonne : celui qui la prend sait si je dis vrai, et ils savent aussi, ces gens égarés et qui se tiennent pour mauvais ; en effet, s’ils sont égarés, ils peuvent venir à l’état des personnes libres dont nous parlons, grâce à l’enseignement de cette lumière divine, à qui cette âme d’humble condition et égarée demande son chemin et sa direction.