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Citations de Marie Astier (3)


Marie Astier
■ 'Total, Vinci et Carrefour s’invitent dans les cours d’économie au lycée' (article du 18 avril 2020, dans 'Reporterre').
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La politique environnementale de Total et celle de Vinci comme cours aux lycéens ? C’est ce que propose un site de ressources pour les sciences économiques et sociales (SES). Il est validé par l’Éducation nationale. Des professeurs protestent.
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Les intitulés interpellent :
- « Carrefour et la question de la biodiversité »
- « Total. Le climat, un enjeu pour la stratégie d’entreprise »
- « Vinci. Autoroutes et la question environnementale ».
On pourrait croire à des titres de documents de communication de ces entreprises. Il s’agit en fait de cours clé en main, d’une heure, mis à disposition des enseignants de sciences économiques et sociales (SES) de lycée et classes préparatoires, de leurs élèves, et désormais aussi des parents en ces temps de confinement et d’école à la maison.

Ces généreux présents sont offerts par le site Melchior, qui propose aux élèves et professeurs de SES des ressources pédagogiques. L’affaire est sérieuse : les cours sont rédigés par des inspecteurs et enseignants de l’Éducation nationale (la Melchior Team) avec l’aide de chercheurs en sciences économiques et de gestion (les Melchior Angels). Le tout est contrôlé par un inspecteur de l’Éducation nationale. Melchior est issu d’un partenariat entre la vénérable institution et l’Institut de l’entreprise, un think tank regroupant plus d’une centaine de grandes entreprises françaises, dont Vinci, Air Liquide, Sanofi, Sodexo… Le but affiché est de « mieux comprendre et valoriser le rôle de l’entreprise au cœur de la société ». Le programme Enseignant-Entreprises est une de ses principales activités, et il a permis la création de Melchior il y a déjà 18 ans. Y sont proposés des cours sur des chapitres du programme, des fiches de lectures d’ouvrages de sciences sociales, des quiz, des vidéos, des actualités et des « études de cas » proposant d’aborder des points du programme à travers l’exemple d’une entreprise. Chacune contient une synthèse de cours de plusieurs pages, suivie d’exercices.

« Chaque étude vient de ma propre initiative, explique la responsable du programme à l’Institut de l’entreprise, Béatrice Couairon. Je suis professeure de SES, jamais une entreprise ne pourrait me dicter quoi que ce soit. Ma ligne de conduite, ce sont les yeux pétillants de mes élèves. On a une forte notoriété, les collègues recommandent Melchior aux élèves. »

Mais l’Association des professeurs de SES (Apses) est beaucoup moins enthousiaste. « Sous couvert de proposer des activités pédagogiques à des lycéen.ne.s, le programme Enseignants-Entreprises se transforme en opération de communication », a-t-elle dénoncé dans un communiqué le 9 mars 2020. « L’utilisation de ces ressources est régulièrement conseillée par des courriels de notre inspection, précise Solène Pichardie, coprésidente de l’Apses. On sait qu’elles sont utilisées notamment par les jeunes collègues qui démarrent dans le métier. »

L’association analyse les exercices proposés aux élèves dans une étude de cas intitulée « Comment évaluer le modèle de la concession d’autoroutes ? Le cas de l’entreprise Vinci ».
« On trouve ainsi un document de l’Association française des sociétés d’autoroutes (Afsa) qui affirme que “la privatisation a été une excellente affaire pour l’État” », note le communiqué. Et en contrepoint, un article de presse présentant les fortes hausses des tarifs de péage pour les usagers, mais qui est immédiatement suivi par un graphique de l’Afsa comparant ces augmentations avec celles des tarifs de billets de TGV… Si certaines controverses liées aux concessions autoroutières sont évoquées, c’est d’abord pour proposer un exercice permettant de répondre à la question : “Quels arguments peut-on opposer à ces critiques ?” »

L’« étude de cas » sur Total et le climat les a également interpellés. « Est-ce bien sérieux de mettre en avant cette entreprise sur ce sujet ? » s’interrogent les professeurs. « Aucun des supports pédagogiques fournis (synthèse, documents) ne comporte d’éléments de critique ou de remise en perspective de cette stratégie d’entreprise », poursuivent-ils.

'Reporterre' a soumis ce cours à des climatologues. Toute la première partie fait référence aux travaux du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Philippe Ciais, du Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE), déplore des chiffres « datant de douze ans ». « Les émissions ont depuis augmenté de 45 %, donc les efforts de réduction des émissions à faire dans le futur sont beaucoup plus importants qu’indiqué dans le cours », souligne-t-il. Hervé Le Treut, directeur de l’Institut Pierre-Simon-Laplace, appelle à la vigilance sur la question du gaz méthane utilisé comme source d’énergie : « À contenu énergétique équivalent, le gaz émet deux fois moins de CO2 que le charbon dans la génération électrique (…), ce qui suppose des investissements importants dans de nouveaux projets gaziers », indique le document. « Le gaz peut avoir un rôle dans la transition mais n’est pas une solution », réagit le scientifique. « Le parti pris de Total se confond avec l’exercice pédagogique. »

Sur le site, on peut relever d’autres « études de cas » liant entreprises et questions environnementales. Par exemple, celui sur « Carrefour et la question de la biodiversité » développe « les actions de lutte pour la préservation de la biodiversité » menées par le distributeur. L’interdiction du traitement après récolte (mais de nombreux traitements ont lieu avant récolte) sur les fruits et légumes et le choix du label MSC (Marine Stewardship Council) pour les poissons sont mis en avant. « Ce label demande peu d’engagements », explique Yann Laurans, directeur du programme biodiversité et écosystèmes à l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales). « Par ailleurs, la question de la viande, du lait et des œufs n’est pas abordée alors que le premier problème de la biodiversité est le changement d’usage des terres pour la production de protéines », dit-il.

Hélène Soubelet, directrice de la Fondation de la recherche pour la biodiversité,
estime de son côté que pour que l’investissement des entreprises agroalimentaires en faveur de la biodiversité soit sérieux, « il faudrait qu’elles s’engagent à ne plus commercialiser des produits contenant des perturbateur endocriniens ou des pesticides, même si c’est d’ici 20 ans, et que ceci s’accompagne d’un soutien aux producteurs pour que l’ensemble des filières réalisent cette transition. ». Sans être choqués par le cours, les deux scientifiques insistent surtout sur la nécessité d’une pluralité de sources et documents, qui permettraient « que les élèves soient capables de dire si Carrefour a une démarche de progrès ou si les efforts sont timides », conseille Hélène Soubelet.

Les professeurs de l’Apses défendent également la nécessité de cette pluralité de points de vue. « Ces activités nous ont paru beaucoup trop orientées alors qu’en SES nous essayons de montrer, que ce soit en sociologie ou en économie, qu’il y a plusieurs approches, explique Solène Pichardie, coprésidente de l’Apses. Là, les documents qui viennent ouvrir le débat sont minoritaires, et les synthèses de cours ressemblent à des documents de communication de Vinci ou Total. »

« Ce qui nous choque, c’est que ça ne représente qu’une vision du monde, poursuit son collègue Benoît Guyon. C’est la goutte qui fait déborder le vase. Notre discipline a été particulièrement touchée par la réforme du lycée. Les nouveaux programmes, par exemple, présentent l’innovation comme l’unique solution à la crise environnementale. »

Face aux critiques, Béatrice Couairon défend la pure visée pédagogique de sa démarche. Les cours ne sont pas écrits par les entreprises, bien au contraire, nous explique-t-elle : « Quand j’ai une idée, je contacte l’entreprise, je lui explique que j’ai besoin de ressources. Puis, ce sont les professeurs qui écrivent les cours. » Quant à la diversité des points de vue, elle est présente, assure-t-elle. « J’ai fait une thématique qui s’appelle climat et environnement justement pour ne pas avoir la seule vision des entreprises, explique-t-elle. Après, dans un même cours on ne peut pas tout dire et tout traiter. Mais c’est la diversité des ressources dans Melchior qui permet cela. J’ai fait une interview avec Cécile Duflot, d’Oxfam, ou la climatologue Valérie Masson-Delmotte. »

Pas de quoi convaincre l’Apses. « On demande la fin de ce partenariat entre l’Institut de l’entreprise et l’Éducation nationale. La place des lobbys n’est pas dans l’école publique », poursuit Solène Pichardie. Questionnée par 'Reporterre', l’Éducation nationale ne nous a pas répondu.

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>> https://reporterre.net/Total-Vinci-et-Carrefour-s-invitent-dans-les-cours-d-economie-au-lycee
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Marie Astier
■ Bâtiments, routes, plastique… Ce que l’humain fabrique pèse désormais plus que tous les êtres vivants - 9 décembre 2020, article pour le quotidien 'Reporterre'.
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Une étude scientifique indique que la masse anthropique — le poids de ce qui est fabriqué par les humains — dépasse celle des êtres vivants. Premier responsable : le secteur de la construction. Le poids des bâtiments et des infrastructures dépasse même celui des arbres. Et le plastique ? Il pèse deux fois plus que l’ensemble des animaux.
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Visualisez deux courbes. L’une est exponentielle, elle représente la masse de ce qui est fabriqué par les humains. L’autre est quasi plate, elle représente la masse des êtres vivants. Elles finissent par se croiser. L’intersection est, justement, en 2020.
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La masse de ce qui est fabriqué par les humains dépasse désormais celle des êtres vivants, démontre une étude de scientifiques de l’Institut Weizmann pour la science, publiée ce mercredi 9 décembre dans la revue Nature. En anglais, elle est intitulée 'Global human-made mass exceeds all living biomass'. « L’humanité est devenue une force dominante dans le façonnage de la surface de la Terre », constatent les auteurs. Des résultats qui vont totalement à l’encontre de « l’apparente infinité du monde naturel ».
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Les scientifiques font partir leur évaluation de 1900. Ils incluent dans la masse des êtres vivants celle des humains et de leur bétail, en plus, bien sûr, de celle des plantes, bactéries, champignons, animaux, etc. Le fait d’y additionner humains et bétail ne change pas grand-chose au résultat, ils ne représentant qu’une infime partie de la biomasse. « Une récente évaluation de la masse restante des êtres vivants […] a montré que, concernant le poids, les plantes en constituaient la grande majorité (90 %) », indiquent les chercheurs. Ils ont pu calculer que depuis le début du XXe siècle, le poids de la biomasse n’avait pas vraiment changé, et que globalement elle pesait 1,1 tératonne — une tératonne, c’est mille milliards de tonnes.
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La masse d’origine anthropique, elle, ne constituait en 1900 que 3 % de cette biomasse, explique l’article. Depuis, elle double tous les vingt ans pour aujourd’hui atteindre, donc, les 100 %, le même poids que la biomasse, 120 ans plus tard.
Il est particulièrement intéressant de se plonger dans le détail de ce qui constitue cette masse anthropique, définie comme l’ensemble des « objets solides inanimés fabriqués par l’humain ». Les scientifiques montrent que le béton constitue aujourd’hui plus de la moitié du poids de ce qui est façonné par les humains. Les agrégats (graviers, sables), servant de remblais aux routes, bâtiments et autres infrastructures est la deuxième catégorie en poids. Puis viennent les briques et l’asphalte des routes.
Le secteur de la construction — qui exploite les roches et le sable — est donc, très clairement, le principal responsable de l’augmentation de la masse anthropique. « L’humanité est en train de convertir les dépôts géologiques de surface en constructions socialement utiles, mais avec de larges conséquences pour les habitats naturels, la biodiversité et divers cycles climatiques et biogéochimiques », souligne l’article.
La masse des bâtiments et des infrastructures dépasse d’ailleurs celle des arbres et arbustes poussant sur la planète, d’après les travaux des chercheurs. Le plastique, lui, représente peu face au poids des infrastructures, mais les scientifiques calculent tout de même qu’il pèse au total huit gigatonnes (une gigatonne, c’est un milliard de tonnes), soit deux fois plus que l’ensemble des animaux vivants (quatre gigatonnes).
(...)
Jean-Baptiste Jouffray, chercheur spécialiste du développement durable au Stockholm Resilience Center, appelle à tirer les leçons de ces résultats scientifiques : « La question c’est maintenant que l’on sait cela, qu’est-ce qu’on fait ? Comment limiter les conséquences environnementales et sociales de cette masse anthropique dont la croissance semble exponentielle ? Si on assume que l’humain a cette capacité d’influence, on constate que pour l’instant c’est pour le pire, mais cela pourrait être pour le mieux. »
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>> https://reporterre.net/Batiments-routes-plastique-Ce-que-l-humain-fabrique-pese-desormais-plus-que-les-etres-vivants
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Vous aimez jouer à vous faire peur? Achetez un pain de supermarché. Lisez la liste des ingrédients. Dites-vous que l'on peut trouver la même chose dans la plupart des farines dont se servent aussi l'industrie, les chaînes et les artisans indépendants. De la farine de qualité supérieure légèrement corrigée jusqu'à la poudre blanche, rendue panifiable grâce à un cocktail d'additifs, on constate qu'il existe tous les degrés. Reste qu'il est très difficile de dénicher un pain ne contenant aucun améliorant, même en boulangerie.
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