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Critiques de Marie-Bernadette Mars (18)
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Rhapsodie afghane

Un mois après avoir découvert la plume de Marie-Bernadette Mars, Masse critique de Babelio m'invitait à découvrir son dernier roman Rhapsodie Afghane. Il était donc écrit que j'allais effectuer un rattrapage à grande vitesse 😁! Et quel rattrapage ?!



Je vous le dis tout de suite... J'ai adoré! Je me suis plongée dans une histoire qui m'a prise aux tripes! Il a d'ailleurs été mon bonbon durant mon déménagement au niveau pro, tant j'avais un bonheur le soir malgré la fatigue de la retrouver elle de les retrouver.



On y suit une femme de cinquante ans qui va peu à peu dévoiler son histoire, qui va s'ouvrir à une autre. Cette autre, je l'ai imaginée sous les traits de Marie - Bernadette Mars recueillant ses mots, leurs donnant forme pour nous les transmettre... C'est d'ailleurs ce qui pour moi donne toute sa puissance au style et donc au texte! Différent du style de Kilissa, il va jusqu'à donner corps et même chair à ceux qui lui donnent vie! A tel point que je ne serais pas surprise de voir ce texte porté à l'écran tant tout y est pour vous permettre d'y être aussi, de vous immerger dans l'histoire, dans ce vécu!



D'elle nous ne saurons jamais son nom. Nous n'aurons accès qu'au fait qu'elle a cinquante ans, mère, divorcée et enseignante. Qu'un beau jour, elle décide de donner des cours de français aux migrants et que lui en faisait partie. Lui plus jeune et pourtant dans son sillage, une histoire. Une histoire qui lui est propre et une histoire qui le dépasse au point de lui donner tous les âges à la fois. Lui qui a dû fuir son pays parce qu'il a été trop proche de représentants de l'OTAN en tant que mécanicien... Lui qui pensait subvenir aux besoins de sa famille, profiter à son avantage d'une situation qui, en réalité, plongeait un peu plus les siens dans la survie... Le poussant sur les routes vers l'Europe pour les sauvegarder tous... Elle et lui. Lui et elle. Deux mondes qui n'auraient dû se rencontrer et qui pourtant se sont amarrés ensemble dans un Amour qui va les dépasser, les questionner...



Et là que vous dire si ce n'est vous plongez dans la brillance de l'approche psychologique de ces deux êtres que tout oppose et qui sont pourtant unis. Unis malgré les cultures, les héritages, les histoires différentes qui les habitent, les animent... Dans un monde où l'on veut tellement réduire les vécus à blanc ou noir, ici la nuance, la subtilité y sont maître et réaliste... Et c'est une histoire de Vie et d'Amour qui vous est conté dans ce qu'elle a d'intrinsèquement de personnel, d'unique comme l'histoire que chacun porte en soi! Et en même temps d'universel tant chacun de nous peut raisonner avec des témoignages d'autres, comme ceux que l'on trouve dans des essais, la littérature, l'art... Parce qu'en effet, ce livre est aussi une ode à ce qui peut nous unir au - delà des différences dans ce que la créativité humaine a de langage universel!



Et si l'Afghanistan est un pays qui vous intéresse,c'est aussi une histoire qui a le mérite de vous le faire découvrir dans toute sa complexité! Et perso, depuis ma découverte de Rhapsodie Afghane, ce pays me touche encore plus qu'avant dans ce qui aujourd'hui fait son actualité...
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L'échelle des Zagoria

L'échelle des Zagoria, publié avec soin et clarté par les éditions Academia, est le deuxième roman de Marie-Bernadette Mars dont j'avais déjà lu, avec plaisir, Kilissa en 2015. Une nouvelle fois, elle nous emmène en Grèce, celle des Colonels, celle d'une guerre civile qui divise, disloque, blesse, tue mais permet aussi l'émergence des visages emblématiques de ceux et celles qui refusent, luttent, prennent des risques au nom de la Liberté. Et ici, comme dans Kilissa, le lecteur ne s'étonnera pas de constater que l'auteure confie aux femmes le soin de passer aux actes de résistance. En effet, ce sont bien Stamatia et son amie Maria qui, alors, nourrissent le besoin de rendre au Pays sa dignité et ses valeurs de justice et d'ouverture et c'est Léa, la petite-fille photographe qui, de nos jours, se mettra en route pour que s'opère ce devoir de transmission qui, l'Histoire le prouve à souhait, est souvent assuré par les femmes. Sans être féministe à outrance, Marie-Bernadette Mars est attentive à la dignité des femmes dans la vie, dans l'Histoire et elle aime souligner les rôles qu'elles sont capables d'assumer avec détermination.

Ce roman n'est pas qu'un récit d'époque. C'est aussi la recherche actuelle d'une petite-fille qui veut, avec son compagnon, partir à la recherche des traces de Yaya, une grand-mère qui perd peu à peu ses mots, son cadre, le passé qui l'a tenue debout toute la vie. « L'échelle des Zagoria » est donc un roman qui traite de la transmission des savoirs, des valeurs, des raisons de vivre et d'espérer. Un roman d'amitié intergénérationnelle, un livre de sagesse, une tranche d'humanité forte.

Au fil de courts chapitres très bien structurés, le lecteur découvre le lien qui s'est tissé entre Yaya et Léa, sa petite-fille, relation fondée sur la complicité, sur les régressions progressives de l'esprit, les pertes de mémoire et la quête des moments de vie enfouis. L'auteure décrit avec pudeur et vérité ce monde des maisons de repos où la vie s'effiloche, où les pièces du puzzle ne trouvent plus leur place, où elles s'estompent, disparaissent ne laissant souvent que désarroi, silence et perte d'autonomie.

Quand l'instant de Stamatia devient la seule vérité, celle du détail, puis celle de la confusion, de l'exact au mitan de l'imaginaire, Léa comprend l'urgence de faire parler les silences qui ont scellé la vie de sa grand-mère. Elle part donc en Grèce, pays dont elle connaît déjà tout le pan du classicisme, de l'architecture, de la mythologie et du théâtre. Mais c'est une toute autre photo qu'elle ira capter, celle d'un pays au sol rugueux, d'un pays où la politique impose à la jeunesse des choix à poser, celle d'une jeunesse courageuse, fidèle aux anciens et à leurs valeurs, une jeunesse résistante, humble et fière.

L'écriture de Marie-Bernadette est au service de son sujet. Tantôt elle l'encadre par la description quasi photographique de tranches de vie, petits bonheurs simples qui respirent la tendresse, le sens de la famille et la richesse des valeurs à partager. Tantôt au contraire, bardée d'interrogations courageuses, son écriture traduit le sombre, l'obscur, le nuisible de la violence et du non-droit qu'affichent les arrivistes, les parvenus, les frères grecques dont la noirceur de l'âme n'a d'égal que leur besoin de paraître et d'écraser autrui.

En sus, l'auteur, du bout de sa plume, pose délicatement quelques questions éthiques sur la justice, le devoir d'intervention, le poids – ou non – d'un acte, l'existence d'une faute ou pas ! Elle ne tranchera pas, c'est au lecteur à le faire, éclairé par un récit qui, in fine, a tout dit.

Puis, dans une dernière partie, Marie-Bernadette Mars partagera sa conviction, son apaisement à propos du dernier voyage… Là où vont les cendres. Le lecteur refermera ce roman en douceur. A coup sûr, avec un autre regard sur la vie et la transmission des valeurs qui lui servent de fondation.



Il est encore temps de le glisser sous le sapin... n'hésitez pas!
Lien : https://frconstant.com/2019/..
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Kilissa

Même sans avoir fait d’études classiques, tout le monde a entendu parler de la guerre de Troie et de son fameux cheval. Mais sait-on encore ce qui l’a déclenchée et qui étaient les protagonistes ?



Marie-Bernadette Mars réécrit ici cette histoire en s’intéressant avant tout aux femmes. Les grands faits antiques sont toujours racontés par des hommes et du point de vue des hommes. Dans ces récits, les femmes sont soit détestées, soit ignorées. Ainsi Clytemnestre apparait-elle comme une femme cruelle (N’a-t-elle pas tué son mari ? N’a-t-elle pas un amant alors que son époux guerroie ?) mais qui cherche à comprendre les raisons de son geste ?



Dans ce roman deux femmes sont mises à l’honneur : Clytemnestre le « je » et Kilissa le « elle ». Kilissa est une esclave, une femme de l’ombre. Dans l’Antiquité, les esclaves n’avaient pas de nom. On les déterminait selon leur origine, ils perdaient toute identité. Kilissa signifie la Cilicienne. Dans la maison de Clytemnestre, c’est l’accoucheuse. Elle développe donc une relation particulière aux enfants qu’elle a mis au monde et dont elle a pris soin. C’est ce lien particulier entre Kilissa et les enfants de la famille des Atrides que l’auteure met en évidence dans ce récit. Quand, trompées par Agamemnon, les deux femmes vont assister impuissantes à la mort d’Iphigénie, leur existence va en être bouleversée à jamais.



Entre Kilissa et Clytemnestre va se nouer une relation autre. Sans jamais sortir de son rôle, Kilissa va soutenir et aider Clytemnestre à survivre à son deuil. Discrète, elle va prendre soin d’Electre et d’Oreste dont sa maîtresse n’arrive plus s’occuper.



Ce roman poignant rend à ces deux femmes un rôle fort et clair qui permet de comprendre ce qui s’est passé à Mycène, à l’époque d’une société patriarcale où défendre son honneur était primordiale, quitte à s’en prendre à sa propre famille pour le rétablir. Un récit d’une modernité incroyable qui fait écho à certains faits de notre époque.



C’est un récit sur la violence, l’absence de justice, l’honneur et l’amour maternel. C’est aussi deux beaux portraits de femmes, des femmes de l’ombre auxquelles on donne enfin la parole. Le tout servi par une écriture maîtrisée, à la fois belle, forte et mélodieuse. Toutes ces raisons me l’ont fait beaucoup aimer et je ne peux que vous le recommander chaleureusement.
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Kilissa

"Kilissa", un court roman d'une densité propice à la réflexion. Il s'agit, bien sûr, d'un roman, d'une 'faction' comme dirait certains critiques. Marie-Bernadette Mars prend appui sur des faits... et, avec liberté et pertinence, s'interroge en prenant un autre point de vue que celui qui est habituellement pris dans l'approche de ces récits antiques dont elle s'inspire. En toile de fond, l'histoire de ces héros antiques bien (ou mal) connus qu'étaient Agamemnon, Achille, Priam et tant d'autres. Mais c'est aux femmes que Marie-Bernadette MARS, l'auteure, donne la parole. À Clytemnestre, épouse d'Agamemnon et mère d'Iphigénie, sa fille assassinée. À Kilissa, aussi, la Cilicienne, une jeune esclave. Entre ces deux femmes que tout pourrait séparer, s'installent des silences qui savent écouter, des paroles qui portent à vivre, un lien tissé dans le respect, la compréhension et la compassion entre personnes en souffrance, en révolte.



L'auteure pose, à travers son roman, une réflexion profonde et intemporelle sur ce que vivent les femmes. Loin d'être réductible à des propos sexistes, ce roman ouvre une brèche dans l'Histoire pour que soit remis en question la place laissée aux femmes dans nos sociétés, encore souvent dominées par des hommes s'octroyant le droit de décider pour elles ce qui est bon et juste!



Un roman qui se lit facilement, même pour celui qui n'est pas habitué à ces personnages antiques car, avec clarté et à propos, l'auteure nous les resitue en quelques mots et nous permet, de la sorte, de poursuivre les idées soulevées sans se perdre en chemin.



Un seul petit regret, ce livre et les idées développées auraient mérité de la part de l'éditeur une mise en page des différents chapitres un peu plus soignée. Malgré ce petit bémol, Kilissa est un coup de cœur. À partager, en lecture, sans modération!
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Rhapsodie afghane

Je retrouve dans ce livre l'écriture puissante, belle, profonde, de Marie-Bernadette Mars. Je dois reconnaitre qu'elle aborde des thèmes qui, à première vue, ne m'attirent guère, mais je suis à chaque fois transporté, séduit par le style qui sert à merveille l'intrigue. D'autres en parlent mieux que moi, je ne vais donc pas raconter l'histoire ici. Par contre, je ne peux que vous conseiller la lecture de ce livre. Vous serez emporté par la plume de cette grande auteure belge qu'est Marie-Bernadette Mars!
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L'échelle des Zagoria

Je dois bien reconnaitre que je n'avais pas très envie de lire ce livre. Mais lors d'un "apéro lecture", une participante en a tellement bien parlé qu'elle m'a donné envie de le lire. Et je ne le regrette absoluement pas. J'ai été transporté par cette histoire, la découverte d'un pan de l'histoire de la Grèce (la dictature des colonels), les personnages tellement attachants,... Et puis, quelle écriture! Marie-Bernadette mars est certainement une "grande plume belge"!
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L'horizon en éclats

Franchement, j’ai eu beaucoup de chance que Marie-Bernadette Mars offre (et dédicace) ce recueil de nouvelles à mon papa. C’est une découverte magnifique



On a une vingtaine d’histoires courtes sur l’immigration. Chaque histoire est différente, avec des points de vue différents. Parfois on parle des émotions, des sensations, parfois des difficultés du voyage, parfois des petits bonheurs partagés entre réfugié et famille d’accueil… J’ai été beaucoup touché par le style d’écriture qui a fait couler ses récits en moi. Certaines lectures m’ont parfois arraché quelques larmes. C’est un recueil que je relirai c’est sûr car, vu que j’ai enchainé les histoires, certaines se sont mélangé dans mon esprit.



Je recommande à tout le monde



4/5

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L'horizon en éclats

Je ne sais par où commencer pour parler du livre "L'horizon en éclats" de Marie-Bernadette Mars. Je me lance donc un peu au hasard, comme cela me vient.

La couverture du livre, le titre, et dès l'entrée, le texte d'Aragon vous plongent dans cette terrible réalité, inimaginable et bien réelle, cette "autre" déportation.

Ce gouffre immense de bleus, de verts soulignés de noirs, de misères et de malheurs, de séparations insupportables et d'arrachements, de souffrances corporelles et psychologiques.

On ne peut pas on ne peut pas on ne peut pas s'imaginer.

On veut ne pas la voir, cette réalité. On veut la fuir, mais elle est là en face, tout près.

Vais-je lire ? Peur !

Je repense à certaines images de Present, une expo du photographe Stephan Vanfleteren, que j'ai été voir à Anvers avec une amie juste avant le confinement.

Ce sont des images qui vous pénètrent dans les tripes et qui ne vous lâchent plus.

Et j'avoue vraiment, j'ai honte, que j'évite souvent la lecture et la vision de certains articles et documentaires sur les migrants.

Je me trouve lâche et j'ai une immense admiration pour les personnes qui non seulement sont touchées par ces âmes mais affrontent leur douleur pour venir à leur secours.

Alors, j'y vais, et le prélude m'ouvre la porte à leurs paroles, à leurs histoires, à leurs témoignages.

Et ce qui est écrit est beau car toujours, l'espoir est quand même là. Ils sont, ensemble, en Angleterre.

Je relirai encore, plus tard, même si j'ai envie maintenant de parler de la qualité de l'écriture en détail.

De même pour chacune des nouvelles.

Ce que j'ai tellement aimé c'est que les proches de l'auteure justement sont présents aussi.

Et elle nous fait sentir à la fois ce désir si grand et respectueux ainsi que l' impuissance d'approche véritable.

Les migrants. Leur vécu, leurs douleurs sont enfouis si profond. Cette distance peut-elle tant soit peu être surmontée, dépassée ?



L'enlacement des destins, errements éperdus de toutes les guerres, de tous les conflits inéluctables.

Traces, dessins, mots qui font ouvrir les yeux et le cœur.

Traduction, transposition, transcodage des figures mythologiques en héros et victimes d'aujourd'hui.

Circé m'a coupé le souffle.

On pénètre totalement dans les états d'âme des migrants. On imagine l'arôme s'évaporer et titiller l'atroce faim.

On est eux ! Pitié ! Espoir ! Enfin !

J'avais totalement oublié le titre. Et voilà qu'Ulysse apparait.

Et avec lui, l'horrible réalité. L'horreur réelle des hommes tels qu'ils peuvent être.

C'est là le maléfice.



Ecriture magnifique !

Enumérations d'une force extraordinaire !

Partout des phrases, des images qui décochent leur poésie en plein cœur ! Qui font mal à force de vérité !

J'en choisis une : "Mais parfois, sous un ciel étoilé, dans le silence de la campagne qui renvoie à soi-même et fait émerger des émotions tapies, le cri d'un oiseau de nuit, intense et lancinant, remuait des eaux endormies et ils se souvenaient que les gamins n'avaient jamais revu leurs parents."

Répétitions telles un refrain. Comme "A Asmara, il y a une femme qui me ressemble".

Elles vous prennent à la gorge. L'émotion est profonde. Je pleure je pleure je pleure.

Parallélismes incroyables.

L'antre du Cyclope et le port de Patras.

Quarante élèves ! Quarante migrants !

Des paragraphes en parallèles ! J'en choisis deux lignes:

" (...) ils aspiraient à l'émotion ressentie lorsque le port s'éloigne, lorsque le soleil se laisse couler dans les flots en y déversant sa couleur (...)"

" (...) ils appréhendaient l'émotion ressentie lorsque le port s'éloigne, lorsque le soleil se laisse tomber dans les flots en y déversant sa douleur (...)"

Ainsi, non-stop, beauté de l'écriture, et l'immense pouvoir de vous toucher au plus profond de votre être.

Et "Moria" brulant atrocement d'étranglement, avant l'écrit.

Moria brulant durant cet affreux été .

Moria brulant encore encore encore longtemps.

"A Moria, les oliviers transpirent de gouttes de feu"

Partout réflexions, pensées, méditations.

Une histoire d'aujourd'hui ! Ah ? Tiens ! Eschyle.



Et tout au long, mille façons de décrire la mer. Cette mer d'exil ou de mort !



Et un grand merci à Félix Katikakis pour son poème envoutant !
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L'horizon en éclats

Au travers d'une vingtaine de courtes nouvelles, l'auteure nous montre que les migrations constituent un des fondements de notre société. Les témoignages contemporains y côtoient les récits de nos parents ou grands parents et les mythes de l'antiquité. Ainsi la légende du cyclope est au coeur de situations d' une surprenante actualité.
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Kilissa

Kilissa est un roman fascinant, en ce sens qu'il effectue une lecture tout à fait neuve de l'un des plus fameux épisodes de la mythologie grecque : la guerre de Troie. Marie-Bernadette Mars n'a que faire des héros; dans Kilissa, l'histoire ne s'écrit pas aux côtés d'Agamemnon; on reste sur le rivage de l'Argolide et c'est seulement de loin que nous parviennent les clameurs, les cris, la rumeur de sang et de carnage. Kilissa, c'est l'Iliade de ceux et celles qui restent. C'est l'Iliade de deux femmes, Clytemnestre et Kilissa, l'esclave cilicienne du palais de Mycènes. C'est, non pas la douleur d'un guerrier privé de son compagnon d'armes, mais celle d'une mère que d'absurdes superstitions ont amputé - le mot n'est pas trop fort! - de sa fille ainée. C'est l'épopée d'une amitié improbable et d'un amour salutaire. C'est une tragédie de toute beauté. C'est, toutes proportions gardées, le pendant essentiel de l'œuvre d'Homère. C'est à lire absolument.



(On regrettera seulement que la concision de ce roman, qui fait sa force, fasse aussi sa faiblesse : Kilissa n'exploite pas assez certaines possibilités que lui offre son thème. Je parle du féminisme : ce qui aurait pu être un monument féministe, une véritable "guerre de Troie des femmes", n'est, dans ce roman, que la guerre de Troie de deux femmes, et les considérations féministes y sont plutôt sous-entendues que développées. Mais retenons plutôt ses innombrables qualités : Marie-Bernadette a écrit un grand roman sur ceux qui restent, sur l'amitié et sur la douleur maternelle.)
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Kilissa

Un jour, une jeune esclave est amenée au palais d'Agamemnon. Elle est originaire d'Anatolie, près de Troie et, personne ne se donnant la peine de connaître son prénom, on la nomme simplement Kilissa, la Cilicienne. Très vite, la jeune femme devient la suivante et l'ombre de la reine Clytemnestre. Elle s'occupe de ses trois enfants, les soigne, leur raconte des histoires.

Quand les princes grecs décident d'aller guerroyer à Troie pour ramener Hélène, le vent refusant de souffler, les prêtres prétextent une colère divine et exigent un sacrifice humain. Celui de la princesse Iphigénie. Mais on fait croire à la reine que l'on fait venir sa fille pour la marier. Ce drame va bouleverser son existence.

Marie-Bernadette Mars revisite la légende des Atrides en se plaçant du côté de Clytemnestre, que les récits mythologiques ou les textes qui en sont inspirés, nous ont toujours présentée comme une femme sans cœur, qui devient la meurtrière de son mari afin de garder le pouvoir et de porter sur le trône Egisthe, son amant. Au contraire, Marie-Bernadette Mars nous la fait voir comme une épouse solitaire et bafouée, une mère meurtrie.

Dans des chapitres très courts (pas plus de deux ou trois pages, et, le plus souvent, simplement une demi-page), elle donne la parole, tantôt à un narrateur externe, tantôt à Clytemnestre elle-même, pour nous faire pénétrer dans l'âme de cette femme. La voilà peinte comme une jeune fille heureuse, élevée avec sa sœur Hélène, rêvant de bonheur et d'amour. Leur père, qui les aime beaucoup, « ne voulait pas que nous ayons une existence banale et nous cherchait des maris cultivés, audacieux, entreprenants. Il avait persévéré, il avait attendu qu'une famille suffisamment prestigieuse le séduisît. Et nous avons épousé les deux frères, Ménélas, trop heureux d'avoir enfin Hélène, que l'on disait belle comme une déesse, Agamemnon qui m'impressionnait par ses connaissances, ses histoires, ses récits, ses défis. Et peut-être aussi son ambition. »

Mais, malheureusement, aucune des deux n'est heureuse en ménage. Elle doivent se contenter de miettes et se persuader que « l'habitude pouvait remplacer un amour inexistant ».

Ce n'est donc pas étonnant si Hélène suit Pâris. Ménélas se sent humilié dans son honneur. « Il a trouvé de nombreuses raisons pour partir vers Troie mais la seule que j'aurais comprise, l'amour, n'a jamais été invoquée. »

L'auteur aborde de nombreux thèmes. La guerre d'abord, bien évidemment, puisque Ménélas entraîne à sa suite tous les princes grecs. Avant même de commencer, la guerre sépare ceux qui s'aiment. Thétis et Pélée vont chercher un moyen d'en préserver leur fils Achille. Ulysse feint la démence pour ne pas abandonner son épouse et leur bébé.

La religion joue un rôle funeste. Pour asseoir leur pouvoir, les prêtres interprètent en leur faveur, des éléments purement aléatoires, telle une météo capricieuse. Attribuer le manque de vent à une colère divine, leur permet de rabattre l'orgueil de ce chef arrogant qu'est Agamemnon en exigeant le sacrifice de sa propre fille.

L'auteur met en avant crédulité et superstition qui poussent la foule à exiger cette barbarie. Elle analyse l'amour maternel. Clytemnestre, naïvement, amène elle-même sa fille adorée sous la lame du bourreau, pensant la conduire à ses noces. On la lui arrache. La séparation brutale d'Iphigénie. Les cris d'Iphigénie. Les larmes. Les supplications. Son désespoir. Et elle, Clytemnestre, enfermée dans une tente, avec des soldats qui la repoussaient lorsqu'elle s'élançait, se battait pour rejoindre Iphigénie, pour empêcher le sacrifice. »

Elle oppose l'indifférence de mari et de père d'Agamemnon avec le tourment enduré à la fois par Clytemnestre et par Kilissa, qui a élevé Iphigénie. « Elle basculait, gémissait, abrutie de pleurer. » « Lorsque j'évoque Iphigénie, c'est un marais qui se referme, c'est un gouffre, c'est une étendue à jamais sombre et silencieuse, c'est un plus jamais, c'est une immense désolation. »

Elle nous présent Egisthe, non comme un ambitieux, avide de pouvoir, mais comme un être sensible, tendre, empathique, qui, lui aussi, a connu une perte douloureuse.

Tout est donc original et intéressant. Et, malgré cela, j'ai dû m'accrocher pour terminer ce livre, que j'ai souvent trouvé très ennuyeux.

Donc, malheureusement, je ne l'ai pas aimé, bien que, sans doute, il le mérite.
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Rhapsodie afghane

RHAPSODIE AFGHANE de Marie-Bernadette Mars "Academia / Littératures Louvain la Neuve 2023" 240,- pages



Une femme mère de trois grands enfants qui ont quitté la maison familiale nous relate sa vie.

Elle travaille pour apprendre le français à des groupe de réfugiés. Là elle s'éprend d'un jeune afghan qui lui renvoie des signes codés de sa culture.

Ne vous attendez pas un LOVE STORY mais à un texte profond, écrit avec classe. La narratrice reste discrète sur elle. Seule importe son approche de la compréhension de ce pays d'où l'autre vient, de ses coutumes et de ses cicatrices. Les formidables références aux textes et aux musiques de là bas et notamment de celui, qui pour moi est le maître inégalé de la finesse orientale, à savoir Khaled Hosseini sont les perles d'un collier.

Par moment il faut suivre le texte dans des dérives qui font que ce roman n'est pas une oeuvre facile. Mais l'effort mérite la pénétration de la profondeur.



"Peut-être, depuis longtemps, sait-elle qu’elle se leurre, qu’elle se ment à elle-même. Elle perçoit qu’ils n’ont pas vécu la même histoire. Il était mon centre, pense-t-elle, j’étais sa périphérie. Il était tout pour moi, j’étais pour lui une passante."



"Combien de mineurs italiens ont attendu l’âge de leur pension avec l’utopie de retrouver le pays de leur enfance, sont repartis quelque temps pour finalement revenir ici auprès de leurs familles qui, elles, ne vont là-bas qu’en vacances, dans une maison qu’elles ont rénovée, dont les vieux murs et les souvenirs sont enfouis sous une couleur froide et des matériaux anonymes ! Tous ces gens portent en eux, indéfiniment, l’empreinte indélébile de l’errance, et les dernières images qu’ils verront quand ils s’endormiront pour toujours seront sans doute celles d’un paradis perdu à tout jamais."



Excellent !

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Rhapsodie afghane

Livre reçu dans le cadre des Masses critiques Babelio.



Une femme, mère de trois enfants, professeur.

Un jeune afghan, père de famille, réfugié après un long périple et en ayant laissé sa famille au pays.

Deux histoires, deux destins, une histoire d'amour hors des conventions.

Un roman où l'histoire d'une femme et d'un homme croise celui de l'Histoire des Hommes, de l'Histoire tourmentée d'un pays, l'Afghanistan.



Une histoire que j'ai trouvée poignante même si je reste mitigée sur mon sentiment final.

Le sujet traité est passionnant, exaltant, émouvant, l'histoire de ce jeune afghan, de son pays est terriblement dure et belle à la fois.

Seulement, les choix d'écriture ne m'ont pas rendu la lecture aisée et j'ai plusieurs fois été tentée d'abandonner ma lecture. Le fait que les personnages n'aient pas de prénoms et qu'ils soient toujours cachés derrière les pronoms personnels Il et ELLE m'a beaucoup géné. De plus, l'autrice, dans un soucis d'exactitude et de précision qui est tout à son honneur, utilise l'accumulation d'adjectifs et de substantifs trop souvent (" le regard du voisin se dérobe, devient trouble, suspect, méfiant, accusateur, inquisiteur, et même le vent semble apporter on ne sait quel air de conternation et de tristesse"). Ce choix rend, à mon sens, le texte très lourd et peu digeste car il perd sa fluidité.



En résumé, un livre dont l'histoire est poignante mais dont la lecture m' été rendue difficile et laborieuse par les choix d'écriture.
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Rhapsodie afghane

Rhapsodie Afghane m'a été proposée dans le cadre de Masse critique. Une femme belge (elle) d'une cinquantaine d'année, enseignante, divorcée et mère de trois grands enfants, donne des cours de français à de jeunes migrants, pour la plupart d'origine afghane. L'un d'eux (il), agé d'une petite vingtaine d'années, a quitté l'Afghanistan, sa femme Kimia et ses deux garçons pour tenter de se construire une vie meilleure dans un pays libre. Commence une histoire d'amour peu conventionnelle et compliquée entre elle et lui dont nous ne connaitrons jamais les noms car ils représentent tout simplement une femme et un homme que les circonstances ont fait se rencontrer…

Ce livre est très riche en informations en tous genres. C'est ainsi que nous sont exposés avec force détails les déboires politiques de l'Afghanistan, ses principales pages d'histoire, les confits tribaux, les traditions ancestrales, la condition des femmes… À côté de ces poncifs véhiculés à foison par les médias, la relation entretenue par ces deux êtres permet aussi de mettre en lumière une autre facette de l'Afghanistan : des hommes fiers qui aiment leur pays, qui cuisinent, qui se montrent serviables, qui ont un respect incommensurable pour leur mère, restée au pays. Mais même si les poncifs sont ce qu'ils sont, il est loin de répondre à l'idée qu'elle se fait de l'homme idéal tel qu'il existe dans les représésentations des femmes occidentales : douceur, attention, compréhension ne sont pas souvent au rendez-vous… Il peut être violent avec son épouse légitime! Il le lui a avoué… Il n'est pas très enclin à se montrer en tête à tête avec elle au restaurant… Pudeur, peur du jugement des autres, poids de la tradition ? En revanche, elle semble avoir le profil pour aider Kimia lors de la naissance en Belgique de son troisième enfant. Elle se demande, comme nous lecteurs, s'il s'agit vraiment d'un amour entre un homme et une femme ou plutôt d'un amour entre un fils et sa mère ? La réponse semble claire (encore que) mais son sentiment amoureux à elle ne tarit pas : elle frémit, vibre, transpire, se consume, l'attend le coeur battant … Si l'histoire donne lieu à une présentation sérieuse et documentée sur le sujet et ses multiples ramifications, le style par contre rend la lecture pénible et parfois ennuyeuse. On est face à une inutile surproduction de phrases longues et diffuses. Il y a beaucoup d'énumérations (« et le trouble de Jeanne, et son attente, et son désir, et son amour, entier, intense, passionné... » et plus loin « la violence s'en prend aux hommes et aux femmes, aux chiites et aux Hazâras, aux politiciens et aux journalistes, aux professeurs et aux juges, aux maisons et aux places, aux fêtes et aux mariages, la violence surveille, épie, dénonce, fouette, torture, mitraille, place des bombes. »), de phrases élastiques sans verbe dont on voit la fin avec soulagement ! On a l'impression que l'auteur est pressée de nous livrer en vrac, coûte que coûte et en faisant fi des constructions subordonnées ce qu'elle a à exprimer. Et voilà comment la lourdeur du style peut rendre particulièrement désagréable la lecture d'un livre au contenu pourtant intéressant et faire basculer du mauvais côté l'avis du lecteur !

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Kilissa

Il y a 8 ans, je commençais un nouveau chapitre de ma vie... Il y a 8 ans Marie - Bernadette Mars inaugurait aussi le sien avec la publication de Kilissa. Après une carrière dans l'enseignement à transmettre sa passion pour l'Antiquité, les langues gréco-latine et son Amour de la Grèce plus particulièrement, elle a adapté la notion de transmission à sa nouvelle vie en nous partageant les histoires qui l'habitent et qui a leur tour demandent de vivre parmi nous!



Je peux vous en parler comme ça parce que Marie Bernadette Mars, c'est la famille! Marie - Bernadette comme sa sœur et leur famille respective, ce sont chacun des personnes que j'Aime profondément! C'est d'ailleurs à la hauteur de mon Amour pour elle que je me suis mise sur les épaules une pression de dingue qui m'a tétanisé... Il m'aura fallu 8 ans! Le pire c'est que j'ai toujours su que le sujet de son livre allait me plaire... J'en ai eu la conviction immédiate après avoir été écouter le présenter à la Librairie Point Virgule.



En effet, Marie - Bernadette à décidé de s'attaquer à la guerre de Troie mais pas en narrant une énième fois les faits d'armes et la victoire des Grecs avec son fameux Cheval de Troie. Elle a décidé de mettre en avant celles qui sont restées en arrière, celles qui sont restées au palais de Mycènes. Tour à tour nous allons plonger dans l'âme de Clytemnestre, l'épouse d'Agamemnon et sœur d'Hélène, et de sa suivante Kilissa, la Cilicienne comme nombre l'appellent... Un changement de point de vue important et surtout intéressant parce qu'à ma connaissance jamais abordé depuis Homère et qui met en avant un des prix payés par les femmes dans une guerre... Or ici le prix payé, requestionne la notion de victoire. Agamemnon a - t - il réellement gagné sa guerre quand en rentrant chez lui, rien de ce qu'il avait quitté n'est plus?



Porté par une superbe écriture, j'ai été prises aux tripes dès les premières pages... Le style directe qui ne s'encombre pas de fioritures, donne vie à l'humanité de ces deux femmes. Deux femmes rendues pleinement dans leur dimension féminine sans y perdre dans la force qui se dégage d'elles. Deux femmes qui bien qu'ayant un statut qui les oppose, sont unies à jamais dans l'Amour qu'elles portent aux trois enfants du couple: Iphigénie, Electre et Oreste. Deux femmes qui, chacune, face l'adversité trouveront leur ressources pour agir, se révolter, combattre, avancer... Deux femmes qui dans leur personnalité, incarnent la pluralité du féminin...



En parallèle, c'est aussi une histoire qui questionne la notion d'héritage quand enfant, on se construit dans une famille qui vit un drame, un trauma. Electre qui aura aussi son nom qui marquera la postérité, hérite dans son enfance de ce contexte... Comment dès lors, à son tour s'inscrire dans la continuité ou la rupture quand les mots et les gestes ont manqué pour donner du sens à ce vécu, pour accompagner...?



Comme vous pouvez le lire, ici place aux voix des femmes dans un fait qui a trop souvent et trop longtemps donné la parole aux seuls hommes! Une moitié de rendu qui n'a jamais permis d'aborder les faits dans leur pleine dimension... Or l'envers du décor est d'importance!
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Kilissa

Après avoir lu son recueil de nouvelles, je me suis lancée dans ce court roman de Marie-Bernadette Mars.



On se retrouve dans le context de la guerre de Troy mais, au lieu de partir au combat, on reste au château avec Clytmenestre et son esclave Kilissa. Je pensais que Kilissa serait plus centrale au récit mais finalement, elle reste dans l’ombre, sur le côté. J’ai beaucoup aimé l’histoire que j’ai trouvé très touchante. C’est une histoire que l’on connait bien mais c’est toujours magique de découvrir comment l’auteure fait vivre et penser ces personnages connus.



Je recommande à ceux qui veulent redecouvrir l’histoire de Clytmenestre



4/5

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Kilissa

Quel joli titre pour un roman ! Kilissa résonne comme une eau rejaillit sur une roche, comme un cri d'enfant que l'on entend au loin sans le distinguer.

Esclave, sans véritable identité (son nom « La Cilicienne » lui a été attribué en raison de sa région natale située en Anatolie), elle vit à Mycènes auprès d'Agamemnon et de Clytemnestre. Femme de l'ombre, discrète et respectueuse, elle partagera l'intimité de la cour royale.Elle aidera sa maîtresse à accoucher des ses enfants : Iphigénie, Electre et Oreste. Elle sera leur nourrice, leur nounou et leur confidente. Au fil du récit l'entente entre la maîtresse et l'esclave sera de plus en plus intime au point que Kilissa ressentira toutes les émotions de Clytemnestre. L'auteure construit son roman en tableaux dans lesquels, par un intéressant jeu de miroirs, les deux héroïnes se réfléchissent mutuellement.

Le sacrifice d'Iphigénie pour raison d'état (sacrifice exigé par les dieux pour qu'Agamemnon, à la tête de l'armée grecque, obtienne des vents favorables qui amèneront ses troupes à Troie) plonge les deux femmes dans une souffrance indicible et un profond désarroi. Commence alors le temps de l'absence insupportable accompagnée de son cortège de questions sans réponse, ravivant d'autant plus la douleur de Kilissa qu'elle se sait à tout jamais séparée des siens. Pourtant dans le silence et l'ombre deux femmes au statut social différent vont se comprendre, se respecter et se réconforter. le succès divise, la souffrance rapproche. On retrouve dans Kilissa l'ambiance intimiste du roman Dans l'ombre de la lumière où Claude Pujade-Renaud imagine la vie de la concubine d'Augustin qu'il répudiera avant de devenir évêque d'Hippone et à qui il enlèvera plus tard leur fils.

La disparition d'Iphigénie, qui est en fait un assassinat doublé d'infanticide, comporte des résonnances bien actuelles puisque on a recours à la religion pour justifier le pouvoir sanguinaire qu'exercent certains hommes sur d'autres. « Je crois que c'est ce jour-là que j'ai compris tout à fait combien ceux qui avaient le pouvoir trouvaient des ressources pour utiliser la religion et s'en servir pour gagner les hommes à leur cause. » (p. 39). Ce roman baigne, on l'aura compris, dans une ambiance de guerre, de vengeance, de viol voire même d'inceste et rejoint par là la tragédie antique. Toutefois l'auteure (philologue classique et bachelière en philosophie) nous invite à aller au-delà en visitant des thèmes intemporels : la douleur de l'absence que rien n'efface, l'injustice, la violence, l'abus de pouvoir, l'écoulement du temps, l'angoisse de l'avenir...

Le grand mérite et l'originalité de Marie-Bernadette Mars consistent à donner la parole aux femmes de l'antiquité ( les grandes ignorées de l'époque sauf quand elles sont soumises à un destin tragique) et à travers elles aux femmes exploitées, humiliées, soumises, méprisées (doit-on rappeler les injures proférées à leur égard par un « ancien candidat » à la présidence des Etats-Unis?), réduites à l'esclavage, contraintes au mariages forcé...

Ce roman court mais dense invite donc le lecteur à la réflexion et lui permet, tout comme on fait un arrêt sur image pour vérifier un détail, d'arrêter momentanément la lecture pour poursuivre le cheminement de la pensée tout en interrogeant l'actualité brûlante. Comment ne pas comparer Kilissa aux réfugiées qui , au péril de leur vie, abordent les frontières de l'Europe? Comment ne pas comparer la disparition d'Iphigénie à ces images effrayantes d'un petit garçon kurde rejeté, sans vie, par la mer sur une plage turque ?

Kilissa a disparu dans les strates de l'humanité. Trotte dans la tête ces paroles d'Aragon interprétées par Léo Ferré : « Est-ce ainsi que les hommes vivent ?»


Lien : http://willem.dominique@skyn..
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L'échelle des Zagoria

Après son premier roman intitulé Kilissa, Marie-Bernadette Mars nous revient avec un second livre qui explore à nouveau la condition de la femme en la transposant à notre époque tout en faisant voyager le lecteur dans une région peu connue de la Grèce : les Zagoria.





Une grand-mère âgée de quatre-vingts ans, prénommée Stamatia, une grand-mère dont la mémoire défaille, dont la mobilité se réduit de plus en plus avant de séjourner dans une maison de repos.

Une de ses petites-filles, Léa, photographe, vient souvent lui rendre visite, l'écoute raconter ses souvenirs, tout en tâchant de démêler le vrai du faux. Elle se pose de multiples questions sur ce qu'a été la vie de sa grand-mère qui, devenue veuve, a quitté la Grèce avec sa fille Èleni pour suivre en Belgique son second mari.

Suite à la demande de « Yaya », Léa se rend aux Zagoria et rencontre Maria, l'amie d'enfance de sa grand-mère. Celle-ci va lui raconter ce que fut leur jeunesse, sur fond de guerre civile et de la terrible dictature des Colonels. Elle lui révélera aussi le secret de l'échelle des Zagoria...





Fidèle à sa formation classique et philosophique, l'auteure aborde à travers une histoire familiale des thèmes existentiels et intemporels.



L'échelle des Zagoria est un roman sur le temps qui passe avec son cortége de souvenirs qui parcheminent l'existence, avec la solitude de la vieillesse régénérée par les visites familiales mais étiolée par les pertes de mémoire et le travestissement de la réalité, avec l'épreuve de la décrépitude physique. Parallèlement à l'écoulement du temps, M.-B. Mars renvoie au lecteur, comme un reflet de miroir, la question lancinante du sens de l'existence humaine en la rattachant à la trame de la transmission familiale.

« Je porte en moi – nous portons tous et toutes en nous – l'histoire de vies antérieures, recomposée selon notre personnalité, notre être profond.

Mais toute branche n'est-elle pas vivante aujourd'hui et sèche demain ? Elle se casse, elle tombe. Elle ne disparait pas, elle se transforme. Elle devient poussière, humus , terreau. Elle devient cendre dans un feu qui réchauffe, qui fait luire des yeux émerveillés, qui fait rêver. Elle devient complice alors des confidences échangées ou de récits enchanteurs qui donnent la vie . » ( p.109)



Ce roman composé presque exclusivement de personnages féminins traite aussi et surtout de la condition de la femme. Dans une société très marquée par la soumission et la tradition, Stamatia et Maria osent se lever pour braver les interdits en affirmant par des actes de bravoure leur liberté face à l'oppression.

C'est encore ce que fait, mais d'une autre manière, la maîtresse d'école Despini Katerini dont l'auteure trace un portrait très émouvant. Par ses paroles, son témoignage, ses opinions personnelles, des exemples repris à l'hitoire grecque, elle donne de véritables leçons de vie et d'humanité à ses élèves en les incitant à devenir eux-mêmes, c'est-à-dire à être capables de dire non et à exercer leur liberté.

« Les enfants étaient impressionnés. Despini Katerini, par ses histoires, imprimait en eux la conviction qu'un jour un de leur geste aurait de l'importance, que, là où ils étaient, là où ils seraient, il leur faudrait oser prendre la bonne décision, et qu'un oui ou un non pouvait changer le cours des choses. » ( p. 130)



Ce récit met , par ailleurs, en évidence l'importance de la transmission indispensable à l'être humain pour nourrir ses racines tout en développant sa personnalité. Certes il existe dans toutes les familles des non-dits qui ne permettent pas toujours de démêler l'écheveau des secrets mais ceux-ci sont supplantés par des gestes quotidiens qui renforcent l'appartenance familiale : une visite dans une maison de repos apporte par sa seule présence un rayon de soleil, un objet tel une photo ou un jeu fait revivre le passé, des paroles amicales peuvent redonner confiance et espoir...



Enfin le lecteur sera sensible à l'intimisme et à l'émotion qui irriguent tout le roman sans jamais verser dans l'émotivité.



Sur le plan formel ce récit très bien écrit s'apparente à un roman cinématographique voire kaléidoscopique car l'auteure multiplie les changements de scène dans de courts chapitres que l'on pourrait assimilés à des tableaux, en passant sans cesse d'un personnage à l'autre (Stamatia – Léa – Maria...), ce qui permet au lecteur de jouer le rôle d'un témoin invisible.



Relevons encore la beauté de la couverture qui représente une photo d'écorce de platane (l'auteure est passionnée de photographie) avec des plaques qui s'effritent telles les cicatrices de la vie ou encore les brisures et les craquelures du temps qui s'écoule...



On dit souvent que l'on attend qu'un(e) écrivain(e) rédige un second opus pour le(a) juger. Marie-Bernadette Mars a parfaitement réussi ce passage, gage de futures belles découvertes pour le lecteur !



« L'histoire d'un paysan ou d'une cuisinière est aussi riche de sens et d'humanité que celle d'un chef d'Etat ou d'un prix Nobel. » (F. Gaussen)





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