"Qui a peur de Gabriel Matzneff ?" Personne. Sauf peut-être les gamins quand il pose la plume.
Matzneff est un personnage public. Lui permettre d'exprimer au grand jour ses viols d'enfants sans prendre les mesures nécessaires pour que cela cesse, c'est donner à la pédophilie une tribune, c'est permettre à des adultes malades de violenter des enfants au nom de la littérature.
Dans mon esprit défilent les visages de ces hommes qui tripotaient les gosses derrière un bar, l'air du "libraire" qui affichait en vitrine une dignité de pacotille, l'allure de Mario, bon papa napolitain à qui une mère confierait volontiers son enfant le temps d'une course au supermarché... Qu'ont-ils tous en commun ? Je ne sais pas. Les gosses, eux, doivent le savoir puisqu'ils leur ont donné un nom. Je ne sais pas si c'est leur façon d'attraper leur proie, leur peau fripée ou quelque chose de nauséabond qui émane de leurs clients mais les mômes me diront un jour comment ils les appellent : des "crocodiles". Oui, c'est cela. Les gosses ont raison. Des crocodiles.
Il fait chaud. Marc transpire beaucoup. Il enlève sa chemise de coton : son épaule et ses avant-bras sont couverts de taches brunes. Je lui montre son épaule :
- Hé ! Qu'est-ce que c'est que ça ?
Le masque tombe. il me regarde dans les yeux et me jette :
- C'est à toi que je dois apprendre les symptômes de la maladie des maudits. J'ai le sida et je vais crever de cette merde. Et crois-moi, je ne serai pas le seul ici !
- Merde ! tu es malade et tu le sais. Et tu continue à coucher à gauche et à droite avec n'importe qui ? Ces gosses ne t'ont rien fait. Tu n'as pas le droit de les contaminer pour te venger.
- Et moi qu'est-ce que j'ai fait pour mériter cela ? J'ai trente ans dans un mois. Et je sais que je vais crever ici ! Seul !
- On peut t'aider à rentrer en France, à suivre un traitement. Pour que tu souffres moins. Contacter un membre de ta famille, un ami. Écoute...
Peine perdue. Il s'est déjà levé. Je sais que mes arguments sont faibles. Mais qu'est-ce que je peux lui dire ? Il a joué, il a perdu. Et un homme condamné reste une chose injuste, quoi qu'il ait pu faire.
Il a quitté la table, est allé au bar et a interpellé une fille. Et ils sont partis. Dans l'air, il y avait quelque chose qui ressemblait à un crime. Celui que Marc allait commettre avec cette prostituée.
Je suis partie, moi aussi.
Ce livre m'a bouleversé ! Je n'ai pas de mots pour décrire l'horreur de ces enfants. Je ne lis pas souvent ce genre de livre mais je le conseille à tout le monde.
Sonta est entrée dans la chambre de l'hôtel. Sans un mot, elle se dirige vers la salle de bains, prend une douche rapide et ressort, à moitié nue, une serviette autour de la taille. Elle ne dit rien, semble ne rien voir, laisse tomber la serviette et s'allonge sur le lit, ses yeux fixés au plafond, avec les gestes fatigués d'une vieille prostituée. Prête à l'emploi. Elle a la peau foncée des gens du nord de la Thaïlande, de grands yeux bruns et, maintenant une profonde inquiétude dans le regard. Sonta a huit ans à peine. Une enfant.