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Critiques de Marie-Pier Lafontaine (52)
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Chienne

Marie-Pier Lafontaine est une petite soeur de Chloé Delaume et Christine Angot à l'énergie très Virginie Despentes. Comme les deux premières, elle a écrit une autofiction sismique sur les souffrances vécues durant l'enfance. En l'occurence, les sévices perpétrés par un père monstrueux qui multiplient des jeux sadiques à connotation sexuelle comme promettre à la narratrice et sa soeur de les violer lorsqu'elles auront douze ans. Ou « comment agresser ses enfants sans les pénétrer », la mère a interdit le viol, mais pas le reste.



Le texte est très souvent insoutenable et profondément perturbant. Sans concession. Je l'ai cependant lu deux fois. Pour dépasser l'horreur immédiate décrite qui sidère et brouille le jugement. Pour rendre justice au remarquable travail d'écriture de l'auteure. Ce texte n'est pas un témoignage. Il s'approche du réel tout en conservant une liberté farouche. C'est une oeuvre littéraire avec des choix formels forts et une esthétique juste.



Les phrases sont travaillées, sculptées à l'extrême, incisives, regroupées en des chapitres tout aussi brefs, un par page, avec beaucoup d'espaces blancs au-dessous et au-dessus comme pour laisser le temps au lecteur à prendre une goulée d'air. Chaque phrase est une décharge, un électrochoc. Les points hachurent pour apporter un maximum de puissance sans laisser la moindre échappatoire.



« Je voudrais que ce texte décime ma famille entière. »

« La mère participe à l'inceste » répétée en anaphore.



On est dans un match de boxe. L'écriture comme réponse à la violence. Elle renverser le rapport de force en brisant la loi du père de ne pas raconter. Elle le dépossède de sa violence en le tuant symboliquement, sans chercher à s'excuser des séquelles psychologiques. Elle autorise à écrire, tant pis si les mots dérangent notre confort de lecteur et le "politiquement correct".



« Ce désir inavouable, paradoxal, que jamais je n'aille mieux. Que les douleurs ne s'éteignent pas. Que la peur persiste dans ma chair, mes os. Les crises et les colères. Les viols et les morsures. Comme autant de preuves que je n'ai rien inventé. Tout pour que je puisse continuer à lire dans les ecchymoses et les rejets les marques concrètes d'une enfance qui n'en était pas une. Je voudrais encore plus de cicatrices. Encore plus de traces de peau décolorée que jamais plus aucun rayon de soleil ne pourrait foncer. Je voudrais que l'on me croie. »



Le texte est d'une puissance rare. Irrespirable, il crie et tabasse. J'ai rarement lu un texte aussi estomaquant pour faire ressentir physiquement la terreur d'enfants martyrisés



« Je sens l'énergie se brûler, consumer ses réserves. Même un battement de cils exige une quantité démesurée d'effort. Les mouvements spontanés de déglutition s'arrêtent. Les gémissements ne sortent pas de la gorge. Ils se coincent. Ils vibrent et cognent, mais ne sortent pas du corps. Refuser de laisser la terreur assiéger ses os est épuisant."



" Ma chair a été vidée de son sacré. Mon corps a été purgé de lui-même. Ses terminaisons nerveuses ne mènent plus nulle part. »



Mais le texte ne fait pas que tabasser. Il bouleverse aussi quand on sent la petite fille derrière l'adulte résiliente, comme lorsque elle s'imagine au conditionnel une mère aimante et protectrice.



« J'aurais tellement voulu une mère stridente. Une mère à nous, pour nous, pour bercer nos cauchemars. Je l'aurais choisie iris, tympan et tambours. Elle aurait été toute en colère. Sans lignes de fuite ni fatigue. Une femme au ventre plein ? A border les nuits sans étoiles. Elle nous aurait décroché des petits matins aux croissants, des couleurs et la lune. »



Une proposition littéraire exceptionnelle qui me laissera une empreinte forte.
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Chienne

Un court texte, une centaine de pages d’horreur, la vie d’une enfant maltraitée.



Des pages à moitié remplies, parfois un seul paragraphe, mais en aurait-on supporté davantage ?



Aucun contexte, on ne sait pas où et quand, aucune description de décor ou de personnes.



Une écriture trop vraie, qui distille la terreur de l’enfant.



Des phrases choc, comme dans un reportage d’un journal à sensation.



Presque qu’un haut le cœur plutôt qu’un coup de cœur.

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Chienne

Un uppercut, cette lecture !

J'en reste KO, pensive.

L'écriture de Marie Pier Lafontaine

est armée d'une force vitale

pour nous dire aussi fort

l' éffroi, la douleur, la mort qui rode.

Un batteur incestueur

une incestigatrice

deux incestuées..

Une violence, un sadisme XXL

On n'en croit pas ses yeux.

On pense mal comprendre .

La réalité dépasse la fiction

les mots choisis relèvent de la vraie vie.

L'écriture pour rester vivant, exister

témoigner, crier quand on a dû se taire.

Ce récit est fulgurant .

Une voix d'outre-tombe

car l'enfance et l'innocence

ont été assassinées à petits feux

avec une savante perversion.

Inoubliable je crois.



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Chienne

Ce livre est d'une grande violence, sur l'enfance maltraitée et l'inceste, sans pourtant, et étonnamment, tomber dans le patos ni l'écoeurement. L'autrice use d'un mélange équilibré dans le récit de la fille, entre les horreurs faites par ce père-monstre, ordure finie, qui jubile à la mesure des douleurs qu'il engendre, entre cette mère inexistante, à genoux, elle aussi victime de viols (la fille en veut presque davantage à sa mère qu'à son père semble-t-il), et, tous les scénarii que cette fille imagine sur la mort de ce père. Trois femmes, trois victimes, éduquées pour devenir chiennes, à quatre pattes, à ne jamais mordre ; parce qu'une chienne est fidèle même quand elle est battue ! Cette métaphore filée sur les filles-chiennes a le mérite de la précision abjecte. Livre très spécial mais excellemment écrit, parce qu'il a une vocation essentielle : tuer le père ! Commencer ce livre, c'est ne plus le lâcher tant il percute par son style. Livre majeur et pourtant premier roman ; grande écrivaine québécoise en herbe à suivre...
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Chienne

Une terrible auto-fiction qui fait très très très froid dans le dos ! Forcément les faits relatés dans le roman nous glacent le sang, ça frôle la barbarie, c’est ultra-violent et surtout le père a la recette parfaite pour déshumaniser sa femme et ses deux filles.



Mais je pense que plus que les faits, c’est la construction très atypique du roman qui m’a glacé le sang ! En effet, ici le lecteur n’a pas accès à un livre structuré de façon classique avec des chapitres ou des pages de plein texte mais simplement des bribes de souvenirs, un peu dans le désordre… L’auteur déroule son auto-fiction sous forme de flashs, parfois cinq lignes sur une page, parfois une page complète… C’est très très déroutant ! Et puis, inutile de tenter de s’accrocher à un personnage ou bien de vouloir le décrypter, ici les filles n’ont pas de prénom, le père et la mère non plus ! Tout est réuni pour perturber le lecteur et le scotcher au siège, cerise sur le gâteau, on ne sait pas quand ni où nous sommes.. Bref, on a le minium d’informations mais un maximum de cruauté.



On sent que le but de Marie-Pier Lafontaine est de raconter, de dire sans se censurer. Elle n’est pas là pour ménager son lecteur, elle le tient à distance ! Le style n’est pas gore, ni même pornographique, en revanche il est très brutal ! Et il soulève l’estomac…



Troublant, déroutant et dérangeant, ce livre je ne le conseille pas à tout le monde car il n’est pas facile d’accès. En revanche, je pense que la libération de la parole est nécessaire, se libérer pour se comprendre et tenter d’avancer, c’est la démarche de l’auteur. Brut, trash, cash, sans filtre, une lecture qui vous laisse des bleus sur le corps et dans l’esprit.
Lien : https://ogrimoire.com/2020/0..
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Chienne

Je ne suis pas certaine d'avoir les mots pour vous parler de cet ouvrage.



Tel un exutoire l'autrice nous fait part des sévices corporels et psychologiques qu'elle a subi (ainsi que sa sœur), de l'enfance à l'adolescence, infligés non par un père mais un monstre, un prédateur, un être abject.



Ce texte est d'une violence inouïe.

Il est brut, insoutenable, cru, sans concession.

Il décrit l'horreur, l'inimaginable.



Cet ouvrage n'est pas de ceux que l'on prend plaisir à lire mais il est de ceux qu'il est nécessaire de lire !



Une claque dévastatrice qui vous prend aux tripes et vous donne la nausée de bout en bout.
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Chienne

Ce n'est rien de dire que cette auto-fiction très courte est un coup de poing, on s'approche du tabassage.

Tres bien écrit, ce texte est une charge contre la violence parentale destructrice, l'inceste, mais il va tellement loin dans cette violence, qu'on a du mal à entrer dans l'émotion qu'il aurait du provoquer.

Et pourtant elles sont là les émotions : la peur, la douleur, la culpabilité, la colère même... mais un peut comme un combat dont les coups déferlent sans relâche, on a envie d'arrêter, de se détourner d'un spectacle sans autre issue que la destruction.

J'en sort groggy, mais également dubitatif.
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Chienne

Brut, violent et au style irréprochable, ce livre est un diamant forgé par les pires excréments possibles. Un père violent et manipulateur se réjouissant de sa propre cruauté et jouissant des douleurs infligées.



Deux filles à sa merci sous l’oeil complaisant d’une femme victime et complice par défaut, se contentant de la promesse d’absence d’inceste.



Un livre qui n’est pas sans rappeler la violence de Claustria de Régis Jauffret ou du syndrome du varan de Justine Niogret
Lien : https://www.noid.ch/chienne/
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Chienne

bonjour les babeliophiles petit retour sur ma dernière lecture.

une autofiction courte, une centaine de pages mais croyez moi largement suffisant. Horrible,inimaginable, comment peut on faire cela ??? un père,une mère NON des monstres OUI.

Les 1eres pages sont difficiles que dire des autres,par moment je fermais les yeux et j'imaginais ces sœurs,l'intérieur de mon ventre se tordais de douleurs,et pourtant j'en ai lu des trucs horrible mais là.Une lecture tres difficile Je pense que ce livre va me rester un moment gravé comme la Tanche et Buczo.

Mais comme je dis toujours ceci n'est que mon avis personnel
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Chienne

Ce texte (ce n’est pas un roman!) raconte un instantané de l’histoire d’une famille (9 enfants) dans laquelle un père sadique et « tout-puissant » fait régner la terreur. Il décrit la violence faite aux enfants sans que la mère ne s’interpose. Elle pose quand même une limite : que ses filles ne soient pas violées. Cela n’empêche pas le père de visionner des films ultra pornographiques (BDSM) avec ses filles.

100 pages qui ne racontent qu’une seule chose : la violence faite aux deux sœurs et à la mère. On ne sait rien de ce que le père fait (ou ne fait pas) aux frères (à priori, ils ne participent pas à la violence faite aux filles). Il n’y a aucune mise en contexte, aucun développement ni des caractères, ni des situations. L’aveuglement de l’entourage, de l’école, des services sociaux, le passé du père et de ce qui l’a conduit à être aussi sadique tout est passé sous silence.

Encore un de ces textes prometteurs qui n’arrivent pas à aboutir à un récit.

Dommage car l’écriture est belle et le style percutant mais si il y a sujet, il n’y a pas histoire.

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Chienne

Implacable, fondamental, « Chienne » est serré comme un café fort. C’est une urgence de lecture. Ici, tout est vrai, dévorant, cruel. Marie-Pier Lafontaine délivre des mots sur ses maux, sans fausse route ni compromission. Ne pas fuir sous le filigrane, retenir ce grave qui se dévoile, ne pas retourner le sablier des paroles qui s’écoulent, plaies vives à jamais. Hors de tout entendement, parce que de trop. Et pourtant, ses dires sont des coups de hache sur les murailles génitrices. Garder la tête haute, suivre les lignes de cette enfance et adolescence ravagées. Ecouter et comprendre. « Ma sœur et moi n’avons qu’à nous prendre par la main pour savoir avec certitude que nous survivrons au père. » « Il vaut mieux exister en tant que chienne que de ne pas exister du tout. » Il y a des livres joyeux, légers, poétiques dont on retient pour le plaisir le miroir entre nos mains. Certains, plus rares osent s’affranchir. Dépasser la donne, dévoiler ce qui est, fût et deviendra dans longtemps lorsque la résilience, le lâcher-prise oeuvreront et râcleront les aspérités jusqu’à plus soif. Il y a un livre « Chienne » lourd, un cadenas sur les entrailles, les sens agonisants, les rêves d’enfance meurtris. Engagé, un acte politique, sociétal qui telle une charge gonfle les pages de faits. Ce criant, les douleurs, un sadisme au paroxysme de tout entendement. Ecrire et éditer sont des flambeaux. Courage et loyauté. Bousculer l’échappée conventionnelle. Ce récit ne se passe pas seulement dans un antre familial. Ce témoignage est langage de survie. Il est bien au-dessus des cimes d’une lecture seule. Il s’agit du summum de ce qu’un père est absent, invisible. Il est une bête sauvage, imprévisible, dévoreuse. Le relationnel brisé à coups de supplications, soumissions, enfant que l’on retourne mentalement toupie et exutoire. Ce récit est littérature. Marie-Pier Lafontaine s’abreuve au ruisseau qui murmure l’écoute, les sons de l’attention aux verbes qui deviendront rédempteurs, un jour peut-être. Ce livre est sa chance, sa carte, son passeport pour revenir sur la terre ferme. Nous sommes lecteurs la responsabilité. « Chienne » est enivré de vérité sourde. Ecrire pour sauver sa peau, celle d’après. Le père est un fou, un pervers, le néant. Démoniaque, loup hurlant se jetant sur les brebis, ses filles. Siamoises de souffrances, écartelées, jetées en pâture dans la gueule du loup. La mère voit, reste stoïque. Pire qu’un hurlement, ce déni déchire ces fillettes de papier, de larmes, de résistances. La littérature est une arme. Une alliance vitale entre l’auteure et l’éditeur ici présent. Relier les brisures, aspirer au crucial d’une mise au monde. C’est un acte citoyen sublime. C’est aussi pour cela que l’on pleure. Que « Chienne » soit lu par tous et toutes. Offert, qu’il bouscule l’ordre établi d’un conventionnel que l’on ne veut plus. Qu’il soit lu à voix haute dans les lycées, sur tous les frontons. « Que personne ne puisse croire qu’il s’agit de la fin. » Indispensable.



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Chienne

C'est un texte brutal, poignant et troublant, qui fait vivre beaucoup d'émotions fortes. L'autrice y décrit une cruauté inconcevable, qui fait froid dans le dos, et évoque de façon particulièrement éloquente ce que c'est, pour un enfant, que de grandir dans la peur.



Il est toujours dur de juger d'un livre basé sur des faits vécus, surtout lorsque les événements racontés sont de vraies horreurs. C'est d'autant plus délicat quand il est question d'autofiction, parce qu'il est alors impossible de distinguer le réel de la fiction. J'imagine, toutefois, qu'il s'agit d'un moyen pour les auteurs de se révéler et d'aborder des sujets difficiles tout en préservant, d'une certaine façon, leur intimité.



Je dirai tout de même ceci : il s'agit d'un portrait composé par bribes plus que d'un récit, et l'absence de réponses et de résolution finale m'a un peu laissée sur ma faim. D'un point de vue narratif, j'aurais aimé en savoir plus ou sentir que cette histoire me conduisait quelque part. Mais c'est peut-être, au fond, exactement ce qu'il y a à retenir d'une lecture comme celle-là : il n'y a pas de sens inhérent à l'horreur. La violence ne mène nulle part.



À ne lire que si vous avez le cœur solidement accroché!
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Chienne

Cette courte autofiction de 121 pages, telle que la définit elle-même l'auteure, est un cri de douleur et de haine qui tord les tripes.

La narratrice raconte les sévices, les tortures, les avilissements que son père monstrueux, "papa-ogre", lui faisait subir à elle mais aussi à sa jeune sœur et à leur mère, décrite comme passive, complice. Le père, mais peut-on encore l'appeler ainsi, se repaît de la douleur, de la peur de ses filles et les réduit à des objets qui satisfont ses désirs sadiques. La cruauté qui s'exerce contre ces deux petites filles est insoutenable. Cette lâche barbarie donne d'autant plus des haut-le-cœur qu'elle s'exerce contre des enfants sans défense dans un milieu, la famille, censé être un cocon protecteur.

Pas d'indication de lieu, de dates, aucune description d'environnement, aucune mention d'autres personnes que le père, la mère, la petite sœur (la narratrice fait partie d'une fratrie de 9 enfants) afin que le/la lecteur/trice ne trouve aucune échappatoire à l'horreur.

Le texte se compose de fragments décousus, comme des flashs ainsi que peuvent se présenter des souvenirs traumatiques. Ces fragments sont séparés par de grands espaces blancs comme si l'auteure reprenait son souffle afin d'éviter que les souvenirs ne la noient, ne l'étouffent. Le texte est une série de crachats de haine que Marie-Pier Lafontaine doit expectorer pour respirer un peu mieux.

Cette auto-fiction nous ramène à d'autres auteures qui ont eu la même démarche, qui, à travers la création littéraire, ont essayé de faire face au traumatisme comme Annie Ernaux, Christine Angot parmi d'autres.

Texte profondément dérangeant, qui donne envie de vomir mais puissant, qui imprime sa marque douloureuse dans celles et ceux qui le lisent.
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Chienne

Un texte court, brut de décoffrage mais qui exprime bien la radicalité de l’expérience des deux sœurs qui ont subi des violences qu’on juge insoutenables, et qu’elles ont pourtant soutenues de la part d’un père sadique et d’une mère inscrite aux abonnés absents d’une fonction maternelle normale. Une écriture sous la forme de scénettes courtes qui flashent et interpellent le lecteur de façon frontale et restitue la bestialité des agressions. Une lecture dure à l’image des sévices endurés et qui rend ce témoignage indispensable.
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Chienne

Personne ne rêve d'avoir pour père un sadique de la pire espèce, encore moins quand sa mère est une complice quasi active de son monstrueux mari. Et pourtant c'est qui arrive à la narratrice et qu'elle nous explique en long et en large, sans épargner aucun détail, avec un langage cru teinté autant de hargne que d'une certaine résignation. Cela donne une lecture très confrontante, dure car elle touche une réalité qu'on préfèrerait ne pas connaître. Et c'est justement à cause de cela qu'un tel livre doit exister. De là à le recommander, j'hésite tellement il est sans concession, dérangeant au cube et certainement susceptible de bousculer au-delà du tolérable pour certains. À vous de voir, personnellement je suis content d'y avoir goûté malgré le goût très amer qu'il me laisse.
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Chienne

Dans Chienne, Marie Pier Lafontaine condamne l’enfance meurtrie en clamant l’horreur avec rudesse et flamboyance. Les mots heurtent, empoignent et déchirent le lecteur. L’autrice hurle la rage contenue pendant ces années de silence écrabouillé par son géniteur, avec la complicité de sa mère. Elle conte le drame de ces enfants martyrs nés dans des familles tyranniques échappant à tous les radars de protection et qui doivent se construire malgré les humiliations, les tortures, le sadisme comme modèle de parentalité. Les mots claquent et empoignent. Les mots enjoignent les actes à rétrécir, ils aident à refaire surface.



Nos sociétés sont peuplées de bourreaux. Ce n’est pas parce qu’on ne les décèle pas qu’ils n’existent pas. Ce n’est pas parce qu’on ne les imagine pas qu’ils ne se modélisent pas. Ils peuvent d’ailleurs apparaître chez monsieur tout le monde. Le père soumet ses enfants en les en avilissants. La mère victime elle aussi, ne trouve pas le courage de protéger, elle va même plus loin, elle livre ses filles en échange d’un peu de paix, pour elle, pour elle seule.



Comment peut-on laisser ses enfants en proie à l’agonie ? Comment peut-on œuvrer avec autant d’acharnement pour détruire un être, qui plus est lorsque c’est son enfant ? Ces questionnements me soulèvent depuis toujours. Je comprends la maltraitance éducative ordinaire (même si je ne l’excuse pas) et je tente de la soustraire (je travaille en protection de l’enfance). Mais la cruauté psychopathique n’a pas de limite et n’est pas solutionnable, pour autant on la traite parfois de la même façon. Même en protection de l’enfance, on en rencontre peu de ces familles-là, sans filets, sans âme. Sont- elles bien cachées ? J’espère toujours secrètement qu’elles ne se soustraient pas seulement aux regards.



Je suis admirative de la résilience de l’autrice, qui sublime par l’écrit cette dégradation, cette offense à sa construction identitaire.

Ce récit est implacable et d’une grande force littéraire. Il est utile, subtile et sans apitoiement.


Lien : https://unmotpourtouspourunm..
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Chienne

Après avoir découvert ce petit roman en librairie j'ai eu l'envie et de le lire, notamment grâce au petit sticker sur la couverture "Une lecture coup de poing dans vous ne sortirez pas indemne !"

Ce qu'il ressort de ce livre lu en moins d'une heure, c'est une sensation de malaise car le récit est violent, très dur, très cru et bien au delà de l'inimaginable !

Je comprends que ce texte ait été un exutoire pour l'auteure mais je reste mitigée sur l'intérêt du lecteur de lire ça, avec tous ces détails ignobles.

J'aurais aimé en savoir plus sur le passé de cette famille et notamment celui du père. Il manque clairement le contexte pour tenter de comprendre (pour peu que ce soit possible) tout ça !

J'aurais également aimé connaître le dénouement de cette histoire. Que sont devenus les autres enfants ? Que sont devenus les parents ? Quel est le parcours de l'auteure suite à ces évènements ? Qui l'a libérée de tous ces sévices ?

S'agissant d'une autofiction, il est difficile de savoir ce qui est réel et ce qui est romancé. Selon moi, cela pose problème dans ce genre de contexte.

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Chienne

Hier j'ai lu ce livre.

Hier j'ai ressenti la haine, la violence, les blessures que l'auteure a voulu nous transmettre.

Une centaine de pages percutantes qui ne m'ont pas laissée indemne.

30 minutes de lecture intenses, à glacer le sang.

J'ai vraiment eu l'impression d'être dans sa tête entre les souvenirs et leurs conséquences sur sa vie d'adulte, les interrogations sur la cécité des gens autour, l'apathie de sa mère, la destruction de sa personnalité et les tentatives pour se construire malgré tout.

Ça prend à la gorge.
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Chienne

La chronique crue et tranchante d’une enfance vécue sous les sévices abominables du père et la lâcheté de la mère. L’étrange magie des mots nés de l’horreur sans fard.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2023/02/03/note-de-lecture-chienne-marie-pier-lafontaine/



Dès les trois premières pages, l’horreur s’installe pour ne plus nous quitter. Une horreur très directe, celle du calvaire vécu par deux soeurs, livrées aux fantasmes d’inceste et aux sévices les plus cruels de leur père, sous le regard amorphe de leur mère, qui n’aura érigé qu’une seule barrière à la barbarie, barrière que l’on jugera de taille ou non : « Pas de pénétration ! ». Dès lors, c’est sur trois registres que la fille cadette, bien des années après les faits, trouve ces mots en forme de haches de bataille pour raconter, enfin, ce qui se passa pendant des années dans ce huis clos. Mots décharnés, asséchés, et pourtant bouillonnants, mots crus qui sonnent comme une contre-attaque tardive plutôt que comme une thérapie, naturellement. Dire, c’est désormais faire vraiment exister ce qui fut dissimulé avec tant d’acharnement et tant de passivité de l’environnement (car les enfants tombent et mentent, c’est bien connu). Dire les agressions sadiques, dire les pensées qu’elles inspiraient alors, dire le traumatisme à vaincre ensuite : trois missions confiées à ces phrases cinglantes dans leur simplicité, leur répétition et leur insistance paradoxale.



Publié en 2019 au Canada chez Héliotrope, puis en 2020 en France au Nouvel Attila, le premier roman de Marie-Pier Lafontaine n’est pas un témoignage, mais une création littéraire. La part d'(auto)fiction et celle de réalité qu’il contient ne regarde après tout que son autrice, qui a trouvé dans le creuset de son master de création littéraire de l’UQAM l’énergie et le courage de transformer un certain potentiel de vécu, vraisemblablement tragique, en une œuvre magnifique, cruelle, percutante et étrangement poétique – et à valeur proprement universelle, bien au-delà de la tentation documentaire. Comme le rappelait avec grande justesse Hélène Frédérick dans se belle recension pour En attendant Nadeau (à lire ici), « la littérature ne guérit pas, mais peut toutefois combattre ». Comme l’autrice le confiera elle-même deux ans plus tard, dans son essai au titre clair, « Armer la rage », et au sous-titre (« Pour une littérature de combat ») encore plus direct – au sens de la boxe, que Marie-Pier Lafontaine pratique en amatrice assidue -, essai écrit notamment en réaction à la remarque d’un professeur lui assenant que la littérature n’était pas le lieu de la dénonciation : « Répondre à mon père était l’interdit principal de la maison. Raconter était donc tout simplement impensable, enfant. Qu’est-ce que j’aurais bien pu dénoncer de toute façon ? Je pensais qu’il était normal et courant qu’un père soit excité par ses filles et que les enfants soient battus jusqu’à l’âge de 14 ans. Il valait mieux le croire. L’idée de la normalité, même obscène et distordue, retardait le moment de l’effondrement. » (rapporté par Chantal Guy, dans La Presse, dans un article-entretien à lire ici).



Marie-Pier Lafontaine a dit plusieurs fois en entretien toute l’admiration qu’elle éprouvait pour Chloé Delaume. Comme elle en effet, elle transforme l’expérience vécue en quelque chose qui est tout sauf une thérapie, elle développe une subtile alchimie de la vengeance par les mots, qui dépasse rapidement son objet, même aussi terrifiant que celui dont il est question ici. Comme le notait avec sagacité Camille Laurens dans son Feuilleton du Monde des Livres (à lire ici), « la narratrice martyre porte un regard clinique sur la psychopathologie du pervers et de ses complices ». Les mots tranchent à rebours, la chirurgie est libératrice, qui succède aux scarifications désespérées de la grande sœur adolescente : toute une escrime de la haine salvatrice s’élabore dans ces pages, répondant à l’horreur par un fantasme travaillant d’abord et avant tout le décalage souverain pour, enfin, en œuvre littéraire rare, exploser – et espérer faire pénétrer à son tour ses shrapnels le plus profondément possible.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Chienne

Une enfance inexistante, brisée, anéantie, exterminée, renversée dans la violence, pour la violence et pour des désirs pervers. Une enfance remplacée par l'appétit malsain du monstre, de l'ogre, du père qui assouvit ses désirs dans l'éclatement du corps, du cœur et de la tête de ses enfants. Particulièrement de ses filles, ses chiennes de filles.



Il les soumet, les étrangle, les frappe, les touche, leur raconte ce qu'il voudrait leur faire. Il les viole mentalement, il les viole dans ses paroles.

Qu'il est dur de lire ces textes, ces bouts de souvenirs, terribles au point de remercier la brièveté des chapitres, qui nous laisse souffler. Les synonymes liés à l'enfer ont beau affluer, ils ne portent pas assez l'horreur des actes infligés.



Ce texte existe pour tuer. Tuer le père, la mère aussi. Un père qui tient plus du monstre et du violeur que de l'homme. Et une mère qui sait, qui assiste et participe à cet inceste. Elle prouve à ses enfants qu'une mère, "on le sait, n'existe pas". Ce texte est là peut-être aussi pour rendre au cœur un semblant d'unité. Et pour exprimer des sentiments auparavant cachés, enfouis, qui ont pourtant forgés l'existence de la narratrice.



Ces bouts de textes possèdent une poésie qui fait aussi mal que ce qui est écrit. Mal tellement c'est beau, bouleversant et terrifiant. Comment peut-elle écrire de manière si organique et puissante malgré l'horreur, le cauchemar sans fin imposé par le père sur sa vie. Leur vie. A sa sœur et à elle. Et les autres enfants dont on devine les ombres mais qui ne sont qu'évoqués.



Ces bouts de textes assemblés ne sont parfois que des phrases et le silence du reste de la page crie aussi fort que les mots imprimés. Ces bouts de textes qui disent la volonté de se venger. Se venger en continuant à vivre et à écrire pour dire et réparer.
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