Marion Fayolle

On n’a jamais vu une gamine comme ça, qui ne veut rien avaler, à qui aucun plat ne fait plaisir, même ceux avec des patates, avec du fromage fondu, avec du sucre. Pour la mémé, manger c’est ce qu’il y a de plus important ; cuisiner c’est une preuve d’amour. Alors ça la désole de voir la gamine rester des heures devant son assiette, à tout trier, à tailler les bords de sa viande parce qu’elle les trouve trop durs, à retirer chaque minuscule nerf. Une bonne viande comme ça, des bêtes de la ferme, qui ont grandi là, qui ont eu tout un paysage à brouter, une vie de travail. Et elle, elle en fait des petits tas, elle perfore la chair, enlevée des liserées, appuie dessus pour faire sortir le jus. Son morceau de viande ressemble au crochet que faisait l’arrière-grand-mère, elle l’ajoure, en picore des tout petits morceaux. On voit bien qu’elle ne le fait pas exprès, qu’elle a un palais trop délicat, mais quand même, c’est tout sa famille qu’elle dissèque, qu’elle décortique dans l’assiette. Le travail de toute une vie qu’elle abîme, qu’elle recrache, qu’elle n’arrive pas à déglutir, tout cet amour qu’elle refuse d’avaler, c’est ça surtout qui fait mal au cœur.

La jalousie,
comme la foudre,
s'abat toujours
sur les sommets.

Un parent, ça aime tout le temps. Pas seulement quand ça y pense. Pas seulement quand ça a le temps.

- Ça te dirait qu’on aille faire un tour ? Je vais rejoindre des copains. Ça te ferait du bien de voir du monde,
- Ne t’inquiète pas pour moi. J’ai des amis plein ma bibliothèque.

Lorsque mon bébé pleure, j’ai aussitôt les tétons qui picotent.

J’ai besoin de l’intranquillité de la rue pour bien dormir.

Ses silences à lui
forment des vides
pour y encastrer
ses paroles à elle.

Elle l’avait
si intensément
embrassé
qu’il restait
de lui
entre ses dents

Tel un magicien, il lui offrait tout ce dont elle rêvait.

C'est toujours flatteur de faire moins que son âge. Il y a des gens qui paient des fortunes pour ça.

A toutes ces petites choses du quotidien qu'on remarque à peine. Qu'on remarque seulement le jour où elles ont disparu et où on a soudain si froid qu'on réalise à quel point elle nous tenaient chaud.

Elle avait lu avant moi tous les livres que je comptais lire et lorsqu'elle me les tendait, je n'avais plus la sensation d'être le premier à fouler leurs pages mais de marcher dans ses pas à elle.

Je pensais que la maladie et toute sa malchance auraient fini par le rendre plus tendre. J'avais vu un documentaire qui expliquait comment les pierres devenaient des galets puis du sable fin, à force d'être secouées par la mer, roulées dans ses vagues puissantes. C'était le principe de l'érosion.