Citations de Martin Winckler (768)
J’ai entièrement confiance en mon père, qui m’a toujours protégé du danger, sans jamais m’enfermer ou me dissuader de prendre des initiatives. Sa devise pourrait être « La vie, c’est risqué », et j’ai fini par comprendre qu’il y a deux choses dans cette phrase : « on ne peut pas éviter tous les risques de la vie » et « on ne peut pas vivre sans parfois prendre des risques ». Ça m’a toujours beaucoup aidé de me rappeler cette phrase. Et ça me rend aussi plus compréhensif et plus indulgent avec les autres et avec moi-même, je crois. J’espère.
On ne peut pas être habitée ainsi sans s’imprégner de la vie qui passe.
Les choses (les meubles, les livres, les photos) gardent les souvenirs pour nous. Chaque objet a une histoire : celle des personnes qui l’ont eu avant nous, ou celle de la manière dont on l’a acheté ou trouvé – ou dont on s’en est servi. Si chacun de nous écrivait un bout de ces histoires et les collait aux objets, ça ferait de la mémoire en plus pour tout le monde.
Et si la maison pouvait parler…
Mon père dit que la mémoire n’est pas comme une bande de magnétophone ou un disque, elle n’enregistre pas tout. Elle choisit ce qu’elle va garder, et oublie le reste. Je trouve ça vraiment dommage.
Je ne crois pas aux fantômes, mais parfois, quand je suis assis à lire dans le grand fauteuil de ma chambre, je crois sentir la présence des gens qui ont vécu entre ces murs avant nous. Il faut dire que ma chambre a trois portes : celle qui donne sur le couloir, celle qui ouvre sur la toute petite salle d’eau entre ma chambre et celle de Luciane, et la double porte qui me sépare de la chambre des parents. Aujourd’hui, comme hier, c’est un lieu de passage.
« Dieu vous a donné un visage et vous vous en fabriquez un autre. »
William Shakespeare, Hamlet
Au fil des années et d’inévitables échecs, elle a amélioré sa technique de lecture, d’analyse et de « bouturage ». Aujourd’hui, elle perçoit très tôt quels dossiers donneront du fil à retordre et elle les emporte chez elle afin de pouvoir les lire et les relire à tête reposée.
Elle est venue y proposer ses services de traductrice après fait une croix sur le boulot de ses rêves – interprète à l’Unesco. Sa connaissance intime de plusieurs langues étrangères (« Je lis aussi le latin, le grec et l’hébreu, mais j’imagine que vos programmes ne remontent pas à l’Antiquité… » avait-elle précisé avec un sourire pendant son entretien) lui a permis d’être embauchée immédiatement et, pendant les premières semaines, elle a passé une bonne partie de son temps à compléter, corriger ou établir des résumés de documents en espagnol et en italien.
« Cette histoire est entièrement vraie.D’ailleurs je l’ai imaginée d’un bout à l’autre. »
Morris Wian
Une douleur située par un patient à un endroit donné peut avoir son origine ailleurs. Pourquoi ? Parce que les nerfs qui perçoivent la douleur fusionnent avec d'autres nerfs en rejoignant la moelle épinière. Le cerveau peut alors percevoir une douleur ailleurs que dans la zone qui la produit. (p.26)
Choisir d’être médecin, ce n’est pas choisir entre deux spécialités ou deux modes d’exercice, mais d’abord entre deux attitudes, entre deux positions. Celle de « Docteur » ou celle de soignant. Les médecins sont plus souvent docteurs que soignants. C’est plus confortable, c’est plus gratifiant, ça fait mieux dans les soirées et dans les dîners, ça fait mieux dans le tableau.
Le Docteur « sait », et son savoir prévaut sur tout le reste.
Le soignant cherche avant tout à apaiser les souffrances.
[Oz] Diffusée aux États-Unis sur HBO, la principale chaîne du câble américain, à raison de huit épisodes par an seulement, et programmée sans coupure publicitaire, cette œuvre ne peut en aucun cas être réduite à une sorte de « série violente située dans une prison ». Elle est tout à la fois une description formidablement audacieuse de la culture et de la société américaines, une interrogation profonde sur la foi et la place de Dieu dans une société sans loi et une réflexion sur l’amitié et la loyauté entre les hommes. Aussi étonnant que cela puisse paraître, c’est également la chronique de plusieurs histoires d’amour, et la plus étonnante est celle qui unit Beecher, avocat déchu transformé en asocial par l’enfermement à Chris Keller, un assassin. Cette histoire étrange, à la fois violente et tendre, l’une des passions les plus singulières qu’il m’ait été donné de lire – et je dis bien lire, car ce sont les visages et les gestes qui la disent, plus que les paroles – fait voler en éclats toutes les figures imposées de la passion amoureuse.
De notre point de vue, Twin Peaks devient immédiatement un point d’attache et d’ancrage pour qui aime marcher à la frontière du connu et de l’inconnu, de l’intérieur et de l’extérieur, du cliché et du singulier. La chaleur de l’endroit évoque autant le feu dévastateur des peurs archaïques logées dans les recoins de nos psychés que le réconfort sucré d’une tarte aux cerises et la sensation brûlante d’un café noir servis bien chauds au comptoir du diner local.
Dans « Normal Again », un des plus beaux épisodes de Buffy contre les vampires, l’héroïne se retrouve tiraillée entre deux mondes : le premier est celui de la série où, en héroïne épique, elle lutte contre des monstres de toute nature ; le second ressemble au monde réel, au monde qui est le nôtre : là, ses parents n’ont pas divorcé, et elle est internée dans un asile psychiatrique dont les médecins remettent en cause l’existence de tout ce qui, depuis six ans, la fait vivre – les monstres qu’elle combat, mais aussi ses amis et ses proches. Sommée de choisir entre les deux, l’héroïne doit, comme le spectateur, choisir de rester dans son univers imaginaire et fantasmagorique où les combats sont rudes mais où le bien triomphe (parfois) du mal… ou de retourner vers un monde « réaliste », aseptisé et sinistre, où le lot quotidien est une lutte constante contre l’enfermement et l’aliénation. Buffy choisit finalement de vivre et de combattre dans celui des deux mondes où, même si les causes sont désespérées, imagination et engagement vont de pair.
Les auteurs de ce livre ont fait le même choix qu’elle.
Ce que l’on sait moins en France, c’est que l’ombre de The Twilight Zone plane sur un très grand nombre de productions télévisées actuelles. L’investissement personnel et le contrôle total, scénaristique et artistique, qu’exerça Serling sur sa création anticipent ceux des grands producteurs-créateurs d’aujourd’hui, de Steven Bochco à David E. Kelley. À une époque où la fiction télévisée devenait le royaume de la sitcom, de la série policière et du western à suivre, The Twilight Zone ouvrait une quatrième voie : celle d’un rendez-vous hebdomadaire sans aucun point fixe sinon celui de la relation établie entre un conteur et son public par la seule magie de la narration. The Twilight Zone était un lieu d’imagination sans entraves, où tous les fantasmes étaient permis, mais d’où morale et éthique n’étaient jamais absentes. Ce que disait Serling, et ce que ses spectateurs ont retenu, c’est que l’inquiétante étrangeté fait partie de la vie.
Comme nous le verrons, la plupart des séries décrites dans ce livre s’interrogent sans arrêt sur le sens de ce qu’elles racontent, questionnent les valeurs plus qu’elles ne les affirment, anticipent sans cesse des évolutions sociales ou psychologiques inéluctables, rappellent des vérités masquées ou oubliées qui dépassent largement le cadre de la société américaine. C’est cette volonté de décryptage et de dénonciation du monde qui rend les téléfictions américaines si impressionnantes et si efficaces. L’ambition – ou, devrais-je dire, la prétention – des « fictions françaises de qualité » est, d’abord, de « faire de l’art ». Très peu y parviennent. Moins nombreuses encore sont celles qui transmettent un enseignement utile à leurs spectateurs. L’ambition des séries américaines de qualité est, plus modestement de montrer et d’émouvoir, de secouer les spectateurs, de leur faire ouvrir les yeux, de les empêcher de sombrer dans la torpeur. Comme nous allons le voir, elles veulent, en même temps, distraire et donner à réfléchir.
C'est elle qui meurt.
S'apitoyer sur soi devant quelqu'un qui meurt, c'est indécent.
Ne suis pas le même chemin que ceux qui t'ont précédé.
Va lui parler.
Alors, je crois qu'écrire, pour un médecin comme pour n'importe qui, c'est prendre la mesure de ce qu'on ne se rappelle pas, de ce qu'on ne retient pas. Ecrire, c'est tenter de boucher les trous du réel évanescent avec des bouts de ficelle, faire des nœuds dans des voiles transparents en sachant que ça se déchirera ailleurs. Ecrire, ça se fait contre la mémoire et non pas avec.
Ecrire, c'est mesurer la perte.
Tu dis : écrire, c'est tuer quelque chose en soi pour pouvoir continuer à vivre.
"La médecine est une maladie qui frappe tous les médecins, de manière inégale. Certains en tirent des bénéfices durables. D'autres décident un jour de rendre leur blouse, parce que c'est la seule possibilité de guérir - au prix de quelques cicatrices.
Qu'on le veuille ou non, on est toujours médecin. Mais on n'est pas tenu de le faire payer aux autres, et on n'est pas non plus obligé d'en crever".