Ici est mort quelqu’un qui avait la priorité.
Et c’est donc un peu plus tard, en me réveillant dans le coffre d’une voiture en marche, ficelé comme un porcelet en route pour l’abattoir et une cagoule sur la tête, que je me suis dit que, indéniablement, les choses commençaient à devenir intéressantes.
Pour tout dire, je ne m’y connais beaucoup en presque rien
Le premier a l’air de lire un journal de sports quelconque : il fait semblant, en réalité il surveille. L’autre a l’air de surveiller ; en réalité, il lit
Ascuas est un petit village d’à peine ille habitants, abandonné de Dieu, un endroit où l’on change de voiture aussi rarement qu’on meurt.
Mais ne faites pas attention à ce que je dis, j’ai jamais été bon pour les déductions.
Même pour un dingue comme moi, c’était jouer un peu trop les abrutis.
un corps de police d’un seul policier, ça sert à que dalle.
cette femme était décidément une intarrissable fontaine
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PARTICIPE PASSÉ-PRÉSENT
L’orphelinat avait un nom officiel, un nom laïc, long et rébarbatif. Mais ceux qui y séjournaient pour une raison ou pour une autre, employés ou orphelins, l’appelaient la Maison Jaune.
Parce que, en réalité, elle n’avait de jaune que la porte principale, la clôture du potager, les barreaux scellés dans la pierre et les dents du surveillant-chef, Avellano.
Tout le reste était d’un gris sombre presque noir. Comme les nuits qu’elle avait subies et les marques que la baguette d’Avellano laissait sur la peau des enfants.
(...)
Tu entres chez toi.
Comme prévu, personne ne te dérange de tout l’après-midi.
Ascuas est un petit village d’à peine mille habitants, abandonné de Dieu, un endroit où l’on change de voiture aussi rarement qu’on meurt.
(...)
Bien entendu, il se souvenait aussi des longues nuits de veille passées à se faire du souci pour sa sœur, à laquelle il n’avait pas raconté ce qui s’était passé avec Avellano. Jamais il ne l’avait vue aussi heureuse.
Il craignait que les Tote, en relisant mieux leur dossier, ne finissent par comprendre ce qui était arrivé et ne les renvoient à l’orphelinat. Ce ne fut pas le cas : le directeur de la Maison Jaune avait facilité leur départ en omettant délibérément de mentionner que Toni, un an plus tôt, avait tranché « par accident » la gorge du surveillant-chef.
(...)
Comment aurais-tu pu imaginer que ta soirée partirait en vrille alors qu’il te reste un peu moins d’un quart de ta bouteille de whisky ? La cuite ne provoque pas l’inconscience espérée mais une spirale de cauchemars trempés de sueur éthylique.
Tu rêves d’Avellano avec sa baguette en bois.
Tu rêves de Chimo et de toutes les jointures de ses poings, qui se fout de toi depuis une plage déserte.
Tu rêves d’Avellano avec son autre baguette et des interminables nuits de la Maison Jaune.
Tu rêves de ton frère Toni désarticulé à tes pieds.
Tu rêves de l’Apiculteur et de ses bocaux remplis d’oreilles et de doigts.
Tu rêves et tu rêves.
Et tu rêves encore
(...)
La petite avait mangé les biscuits à l’anis et dormait profondément. Avellano avait sorti une lampe de poche. Sur la couverture, on voyait des miettes. Dans la pénombre, il avait souri de toutes ses dents jaunes tordues. Il l’avait réveillée en couvrant le faisceau de lumière de sa main, s’était assis sur le lit et lui avait demandé si elle avait aimé les biscuits. Vega avait acquiescé. « Alors maintenant, avait-il dit, écoute bien, petite, je vais te raconter une histoire.
« La Maison Jaune était un royaume.
« Et Avellano en était le roi.
« Un roi qui avait deux baguettes.
« Une en bois et l’autre non.
« L’autre, écoute bien ce que je te dis, l’autre est magique.
« Celle en bois, c’est pour les enfants méchants.
—Et l’autre, la magique ? avait demandé Vega.
—La magique, avait répondu Avellano, c’est uniquement pour les petites filles qui veulent devenir des princesses. Je la garde bien cachée.
« Et toi, Vega, tu veux devenir une princesse ?
—Oui.
—Alors, tu veux la voir ?
—Bien sûr. »
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