Citations de Maud Viotty (62)
Draguer et appâter sa proie est un vrai jeu d’enfants, finalement. Il semble encore plus docile que les nombreux hommes qu’elle a déjà testés.
On ne joue pas dans la même catégorie. Pourtant, gentleman et beau parleur, Loulou a sorti le grand jeu de la drague, comme si Christie était la femme de sa vie.
L’envie pressante bien présente à chacun de ses réveils va se manifester dans les minutes qui suivent. Attachée et dans la pénombre complète, déjà, elle réfléchit à la manière dont elle va pouvoir vider sa vessie, malgré la trouille viscérale qui l’envahit.
La détresse gagne du terrain. Bientôt l’angoisse. La peur.
Aucune réponse. Plus aucun bruit. Du noir. Toujours du noir. Et sûrement un rat ou une bestiole de la sorte qui va jouer avec ses nerfs en s’agitant de l’autre côté de la pièce. Elle déteste les bêtes. À en vomir.
Elle pousse des cris de douleur quand son poignet subit les à-coups donnés pour essayer de faire céder la chaîne. C’est peine perdue. Alors, elle hurle à s’en brûler les cordes vocales.
À commencer par son lit. Si elle avait troqué son matelas à mémoire de forme pour un sommier de cailloux, elle s’en souviendrait.
En plus de ses yeux bleus parfaitement maquillés pour être mis en valeur, ses cheveux blonds, longs et légèrement ondulés ajoutent une touche notoire de sensualité. De sexualité. Peut-être même de bestialité.
Elle a pris le temps. Tantôt femme d’un homme plein aux as, tantôt bombe platine jouant les bimbos écervelées, tantôt intellectuelle dans des soirées hautement philosophiques en apparence.
Elles jouent un personnage, se transforment en un autre moi et la pilule est beaucoup plus facile à avaler.
Elle doit le faire, c’est tout.
Elle se pousse à se montrer fière, elle sait qu’elle ne doit pas se laisser marcher sur les pieds. Il faut juste du cran, de l’aplomb.
Se souvenant de sa supercherie du collège, elle avait fourni à son camarade racketteur une analyse d’œuvre littéraire complètement erronée avec des citations à côté de la plaque et des noms d’auteurs inventés, juste pour voir à quel point l’idiotie pouvait mener. Pas bien loin. Jusqu’au zéro en partiel suivant, en tout cas. Pas pour elle, non. Pour les ignares incapables de dissocier le vrai du faux et qui avaient sucé jusqu’à la moelle un ramassis de conneries.
Elle s’évadait dans des livres aux histoires rocambolesques, aux romances invraisemblables et incroyablement belles, aux tragiques thrillers où tout le monde meurt dans d’atroces souffrances et parfois sans raison. En cours, scrupuleusement, elle prenait en note les dires des professeurs qui s’enchaînaient dans les amphis. Bien sûr, on lui quémandait ses écrits où tout était retranscrit et où tout était propre et bien lisible.
Timide, toujours timide, craintive, toujours craintive, elle n’avait pas osé lui dire en face ou le balancer aux profs. Cependant, elle avait tenu sa vengeance en notant ostensiblement de mauvais résultats à des problèmes de maths, pendant une interro.
Céline se pavanait dans la cour, réquisitionnait les goûters, trichait à la déli-délo et se prenait pour ce qu’elle n’était pas. Christie ressentait une haine immense pour cette fille que tout le monde craignait. Mais elle n’osait pas lui faire front, par peur et par timidité.
Quand on veut, on peut. On doit, on fait.
Quel que soit le but, quelle que soit la finalité, si on veut, on peut. Tout faire pour y arriver. Gravir le mont Blanc, réussir un partiel ou décrocher le job de sa vie, prendre soin de soi, prévoir du temps pour aller voir grand-père au cimetière, faire du tri dans son bordel et dans ses amis, ne pas procrastiner, ne pas avoir peur de l’autre ou paraître forte, toujours.
Vaincre le mal par le mal. En toutes circonstances. Avec le temps, elle s’habitue. Comme une gamine qui tombe dix fois de la poutre et qui remonte, sans cesse, pour réussir, enfin, à faire une roue parfaitement alignée.
Plus jeune, elle faisait fureur en restant naturelle. Elle a ce don d’attirer sans se forcer. Aujourd’hui, c’est toujours ce trait de caractère qui prime sur le superficiel. Malgré tout, elle a toujours préféré rester en retrait. Derrière. Au second plan. Par habitude. Par obligation. Ou par évidence.
Elle peaufine de nouveau son maquillage et attendra le dernier moment pour sublimer ses lèvres. Ni trop ni trop peu. Juste ce qu’il faut pour attiser la flamme, pour charmer.
Elle s’est entraînée comme le font les coureurs avant le marathon de leur vie. Son moral est plus solide que l’acier.
Déterminée, décidée à ne rien lâcher.