Citations de Max Férandon (32)
Lui, le citadin aux ourlets tombants et aux chaussures soyeuses, le démographe sismographe, l'embrasseur de pluriel et de solitude, examinait pour la première fois de sa vie une réelle possibilité de quitter la planète et de rester sur sa Lune.
Tout au long de sa carrière, monsieur Ho avait couvé sa réserve et veillé soigneusement à être remarquable sans jamais se faire remarquer.
L’air de la campagne était d’une pureté cristalline, bien que souvent alourdi par les amas de fumier, et il suffisait d’ouvrir ses poumons pour s’enivrer.
« Les mimes, c’est comme ça, paraît-il, c’est à force de silence qu’ils deviennent aussi beaux »
"Et puis ce n’est pas gentil de se moquer de deux honnêtes cambrioleurs. Il n’en était rien, le vieux insistait vraiment pour s’offrir sa toile. »
Tout ça parce que les frères Casimir ont découvert par hasard un drôle de filon, une opportunité dans un marché encore inexploité : celui des vieux-qui-ne-se-rappellent-plus. Alors qu’ils étaient en train de cambrioler le château d’un riche industriel à la retraite du nom de Raoul de La Mothe Grébière, ils se sont fait surprendre par le maître des lieux qui, au lieu d’appeler la gendarmerie, leur proposa de racheter le tableau qu’ils avaient dans les bras. Intrigués par le caractère saugrenu de la situation, Grigor se demandait si le vieux ne leur faisait pas un poisson d’avril au mois de novembre.
Comme quoi le souvenir a aussi parfois , entre autres pouvoirs, celui de fleurir la rouille.
La question n'est pas de savoir si on peut oublier les choses, mais comment bien s'en souvenir.
Orgo savait que la patience était un coussin de laine et l'impatience une aiguille.
Le vieux connaissait les vertus de la patience, sans doute l'arme la moins aiguisée et la plus implacable à la fois.
Le meilleur drain de la sueur demeure sans doute le pli du sourire.
La différence entre un naufragé et un insulaire, songea Ho, est que le premier cherche désespérément des gens à qui parler et le second des semblables à qui ne rien dire.
Un micro est parfois bien plus dangereux qu'un pistolet chargé et je n'avais pas mis de cran de sécurité à mon discours.
Tous les systèmes répressifs du monde savent que l'on ne fabrique pas des coupables dans le bois tendre. Les aveux trop faciles au bout des larmes, la voix rauque implorant la pitié, c'est du brin de paille. Le vrai butin est celui dont la conscience s'obstine à se croire innocente. Se croire innocent équivalait à s'individualiser. Le coupable, lui, s'abandonnait, de coeur et de raison, à la masse colérique. Si l'on se fiait au livre de chevet des Gardes rouges, un coupable ne se trouve pas, il se travaille. Il faut de l'effort, beaucoup d'efforts.
(...) le silence : cet espace hermétique à la rengaine des autres.
En Chine, on ne coupe la parole aux autres qu'avec un silence très aiguisé.
Shanghaï souffrait de ne pas être Pékin comme Sparte avait souffert autrefois de ne pas être Athènes.
La Chine était un débarcadère géant, un Klondike sans porte-jarretelles. Une planète sur la planète, un laboratoire à ciel ouvert, un monstre vorace, une terre de toutes les convoitises et de toutes les craintes. Un immense entonnoir économique qui aspirait le monde.
Un cadeau offert par Pékin était toujours dangereux à déballer. On ne défroisse pas les ailes d'une mante religieuse sans craindre de faire les frais de son prochain repas.
Un épais cumulonimbus de mousse à raser flottait autour de ses lèvres fines, illuminait son visage, triste carte géographique couvrant toute la longitude de ses cinquante-trois ans. Ses yeux étaient des lacs fatigués et sa bouche, une discrète calanque. Toutes les rivières se jettent dans le grand fleuve, toutes les rides dans le temps.