Autoproclamés défenseurs d'une langue prétendument menacée, [les puristes] sèment la terreur en inventant des agressions contre elle, ils créent des peurs paniques en en dressant un tableau apocalyptique tout en désignant des ennemis. Et leurs propos, vagues, mal ficelés, déconnectés du réel, et pleins de leurs frustrations ou de leurs haines, se diffusent hélas dans les discours ordinaires. (9)
On estime à 400 le nombre de mots d'origine arabe présents en français aujourd'hui (soit plus que le fonds gaulois) ; il y en a sans doute davantage dans la mesure où ce chiffre concerne surtout les mots recensés dans les grands dictionnaires nationaux. Tant pis pour les racistes : cheh ! (51)
Les jouets qui parlent (...) Pour les super-robots-guerriers de l'espace, au lieu de "Je vais t'envoyer des missiles qui vont détruire ta base", ça donnerait : "Je vais t'escagasser d'une force, que ça va t'espoutir ton cabanon".
Le "longtemps je me suis couché de bonne heure" de Proust pourra être traduit par "de longue je ne me couchais pas à l'heure des brousses".
Ce qui est en « danger », c'est en fait une certaine vision de la langue, puriste, étriquée, archaïque, élitiste, qui a du mal à se confronter au réel, au mouvant, aux dynamiques de la langue française, qui évolue au gré des technologies, des pratiques numériques, des débats sociaux, des générations, des genres culturels, de la chanson, mais qui évolue aussi sur l'ensemble des territoires où elle est parlée, loin, bien loin des salons bourgeois où les Cassandre profèrent des prophéties apocalyptiques qui leur permettent surtout de vivre de leur « fonds de commerce réactionnaire » (les mots sont du linguiste Bernard Cerquiglini qui s'adressait à un champion de la décadence, Alain Finkielkraut) : le fantasme d'un « bon » français et la peur d'en perdre le contrôle. (20)
Ne cherchez pas : vous ne trouverez pas de vidéos d'Alain Finkielkraut s'étranglant à l'idée que des enfants de Français nés en France puissent avoir un accent toulousain, ou marseillais, ou normand. Car, en parodiant La Ferme des animaux de George Orwell, pour qui se prétend républicain, certains accents sont plus égaux que d'autres. (53)