Citations de Michael Elias (52)
— Encore une chose que j’aime, dit-il. Ta soif de vengeance. Elle est primitive, puissante. Elle m’attire. Clint, Bruce, Liam Pas-touche-à-ma-famille Neeson, ce sont eux, nos modèles. Tu leur fais du mal, ils n’appellent pas les flics, ils ne te font pas de procès : ils s’élancent à tes trousses. On applaudit quand les méchants se prennent une balle de .357 dans le buffet, se font balancer du haut d’un immeuble ou buter aux chiottes. On se sent mieux. Et après, la société nous rabâche que ce n’est pas bien, qu’on n’a pas à redresser les torts nous-mêmes.
Cet homme est d’une beauté si renversante que tout ce dont j’ai rêvé pendant les trente premières secondes, c’était de ne pas être fiancée à mon chirurgien. Quand je me suis calmée, il m’a murmuré : « J’aimerais beaucoup que tu me prêtes un crayon. »
J’ai un faible pour les gens qui s’expriment par ellipses, mais je ne dois pas me laisser attendrir par celui-là.
— Quelle parabole ?
— Elle est peut-être apocryphe, mais elle pourrait s’appliquer à mon cas. Le psy a un ami, un pédopsychiatre, dont l’un des patients est un petit garçon de dix ans. L’enfant a poussé sa jeune sœur par la fenêtre de leur appartement. Elle en est morte. Il n’a aucun souvenir de l’événement. Le psy doit-il l’aider à se le rappeler ou, au contraire, s’assurer que la mémoire ne lui revienne jamais ?
Nous prenons ce genre de disparition très au sérieux. Ça le place au sommet de la liste – de ma liste. Dites-moi, est-ce que Ronald avait des ennemis ? Est-ce qu’il a reçu des menaces qui auraient pu être liées à son ancienne profession ?
— Ronald n’avait qu’un seul ennemi. Sa femme.
Nous avons un protocole pour les personnes disparues. D’abord les enfants – plus ils sont jeunes, plus la réaction est immédiate. Vous avez vu les alertes enlèvement. Ensuite, notre priorité va aux personnes âgées atteintes d’Alzheimer ou de démence sénile, les gens qui s’égarent. Les adultes passent en dernier. Je sais que Ronald était officier de police à Farmingdale.
— Si tu obtiens l’identité du tueur grâce à son ADN ou à ses empreintes, ça enclenche des tas de choses. Il devra expliquer ses déplacements, ses reçus d’achats, la localisation de son téléphone. On saura qui chercher sur les enregistrements de vidéosurveillance des stations-service, des agences de location de voitures, des supérettes, des fast-foods.
Un toit peut vous en apprendre beaucoup sur une maison. Je remarque que le 12 988 et son voisin le 12 990 ont le même climatiseur neuf. Coïncidence intéressante. Ils ont aussi le même paillasson. Les pavillons sont reliés par un grand mur, qui empêche de voir le jardin entre les deux.
On sait tous les deux que rien n’est moins sûr, mais pourquoi gâcher le repas avec des si ? Si la canette de bière est bien dans la voiture, si on arrive à y prélever des empreintes, si Clyde a été militaire, soigné dans un hôpital militaire ou arrêté au cours des cinq dernières années. Là, on aura peut-être une correspondance.
Je sais bien que ce sont là les rêveries de la vengeance. Elles s’éveillent d’un coup à 3 heures du mat, éliminant le Stilnox, accompagnées de désespoir et de deuil. Ces rêveries vont à l’encontre de la justice, de la loi et de la civilisation. Je connais cette partie de moi. Je sais que la soif de vengeance est barbare. C’est aussi la rage d’une adolescente. Je suis contente d’avoir eu dix-sept ans quand mon père a été assassiné. Si j’avais été plus âgée, plus mûre, je n’aurais pas cette obsession ; il ne serait pas gravé en moi au fer rouge, ce désir de le venger. Cela dit, je suis officier de police. Mon devoir est de trouver et d’arrêter les gens qui enfreignent la loi. Je reconnais que c’est à l’État de rendre la justice dans tous les cas – sauf le mien.
Je me demandais pourquoi ils avaient le droit de nous terroriser sans connaître eux-mêmes la terreur. Qu’est-ce qu’il faudrait pour que ça change ? Quelques petits meurtres au hasard : une cartouche de .30-06 tirée à 800 mètres dans le crâne d’une mamie à la Norman Rockwell brandissant la pancarte d’un fœtus en bocal ? Ça pourrait faire réfléchir ses comparses pro-vie bien intentionnés.
Je peux vous faire admettre dans un hospice à Hana. Avec vue sur l’océan. Il est propre et on entend le bruit des vagues. Vous vous réveillerez du cauchemar de la chimio au milieu des chants d’oiseaux, du parfum du jasmin et de l’ananas. Vous recevrez des médicaments et vous quitterez cette terre le sourire aux lèvres en rêvant de curls, de tubes et de dauphins pendant que la douleur désertera votre corps et que votre âme flottera jusqu’à l’océan. Sinon, vous pouvez finir vos jours dans une cellule souterraine humide de la prison d’Halawa.
Je reproduirais le châtiment infligé aux conjurés de la conspiration des Poudres. Ils ont été condamnés à être « mis à mort à mi-chemin entre le ciel et la terre, étant indignes des deux ». On leur a coupé les parties génitales avant de les brûler sous leurs yeux, on leur a arraché le cœur, qu’on a montré encore battant à leurs victimes tandis que les dernières gouttes de sang crachotaient de leurs veines comme d’un tuyau d’arrosage fermé. On les a décapités et démembrés, et les parties de leur corps ont été suspendues à des mâts pour servir de « proie aux oiseaux des cieux ».
— Tourne la page, disait Darren.
— Quelle page ? répondais-je à chaque fois.
— Cette idée de vengeance.
Parce que Darren, homme de raison, éprouvait une aversion convenable et civilisée pour la vengeance (à part dans les films – Vas-y, Arnold ! Vas-y, Denzel !). Il considérait mon désir de retrouver et de punir l’immonde crevure comme à la limite de l’instabilité mentale.
On aimait tous les deux l’idée de la profession de l’autre. Il aimait que j’aie un flingue dans mon sac et j’aimais avoir un médecin à mes côtés quand je ne me sentais pas bien. Le problème, c’est qu’on avait des horaires impossibles et incompatibles, Darren avec son internat en chirurgie, moi en tant que flique débutante dans la police de Long Island City, dévorée par l’obsession de retrouver l’assassin de son père.
C'est ça, le truc, avec le meurtre. Vous ne tuez pas seulement une personne ; vous répandez la mort par ricochets, comme un galet jeté dans un étang.
Je suis tenue de venger mes propres pertes – mon père, ma mère, mais surtout le malheur infligé à mon petit frère. Celui qui a fait ça, l’immonde crevure, périra de mes mains quand je l’attraperai.
— Entre dans la police, deviens enquêtrice et tu auras accès aux bases de données criminelles. Tu pourras consulter les fichiers du FBI et de la NSA, et tu pourras interroger ceux des autres services. Tu cherches un nom, probablement un habitant de l’État de New York, ex-militaire, bon tireur, peut-être même flic, mais assez malin pour ne pas se faire repérer.
Les alertes à la bombe étaient monnaie courante ; les opposants se transmettaient les numéros d’immatriculation et les adresses des employés et, dans le cas de mon père, l’Armée de Dieu a même publié l’adresse de notre domicile ainsi que des photos de nous sur son site Internet.
Ceux qui soutiennent l’avortement ont le sang de bébés sur les mains. Ils célèbrent en héros les tueurs de médecins. L’assassin de mon père ne figure pas à ce panthéon – il est toujours anonyme – mais quand il y entrera, il ne sera plus en vie pour le constater. Grâce à moi.
La balle qui a transpercé le crâne de mon père était de fabrication artisanale ; impossible à tracer. Le tueur était un virtuose de sa profession. Sauf que moi aussi, et je la trouverai, cette immonde crevure. Il a tué mon père et détruit ma famille. Ce ne sera pas Moi seul en suis revenu pour te le dire1. Non. Ce sera Moi seule en suis revenue pour me venger, pas d’une bête baleine blanche, mais d’un humain intelligent.