Michel de Montaigne

À la vérité, en toutes choses, si la nature ne prête pas un peu, il est malaisé que l'art et l'habileté avancent beaucoup.

Nous les pouvons donc bien appeler barbares, eu égard aux règles de la raison, mais non pas eu égard à nous, qui les surpassons en toute sorte de barbarie. […] Ils ne sont pas en débat de la conquête de nouvelles terres, car ils jouissent encore de cette puberté naturelle qui les fournit sans travail et sans peine de toutes choses nécessaires, en telle abondance qu’ils n’ont que faire d’agrandir leurs limites.

« Qui veut aller loin ménage sa monture »

Il faut se prêter aux autres et ne se donner qu'à soi.

Si la vie n'est qu'un passage, sur ce passage au moins semons des fleurs.

Dire moins de soi qu'il y en a, c'est sottise, non modestie. Se payer de moins qu'on ne vaut, c'est lâcheté et pusillanimité.

Certes, c'est un sujet merveilleusement vain, divers, et ondoyant, que l'homme. Il est malaisé d'y fonder jugement constant et uniforme.

Essais (1854)

Ceux qui accusent les hommes d'aller toujours béant après les choses futures, Et nous apprennent à nous saisir des biens présents, et nous rasseoir en ceux-là, comme n'ayant aucune prise sur ce qui est à venir, voire assez moins que nous n'avons sur ce qui est passé, touchent la plus commune des humaines erreurs : S'ils osent appeler erreur, chose à quoi nature même nous achemine, pour le service de la continuation de son ouvrage : nous imprimant comme assez d'autre cette imagination fausse : plus jalouse de notre action que de notre science. Nous ne sommes jamais chez nous, nous sommes toujours au-delà. Et la crainte, le désir, l'espérance nous élancent vers l'avenir ; et nous dérobent le sentiment et la considération de ce qui est, pour nous amuser à ce qui sera, voire quand nous ne serons plus.

Essais I (1580)

Comme vainement nous concluons aujourd'hui l'inclination et la décrépitude du monde par les arguments que nous tirons de notre propre faiblesse et décadence,
"notre génération n'a plus l'antique vigueur, ni la terre la même fertilité." Lucrèce ; ainsi vainement concluait celui-là sa naissance et sa jeunesse, par la vigueur qu'il voyait aux esprits de son temps, abondants en nouvelletés et inventions de divers arts :
"mais non, à mon sens, tout est nouveau dans ce monde et la Nature de l'Univers est récente : c'est depuis peu qu'il a pris naissance. C'est pourquoi encore maintenant certains arts se perfectionnent et progressent ; de nouveaux équipements s'ajoutent aux navires." Lucrèce.

Nous les pouvons donc bien appeler barbares, eu égard aux règles de la raison, mais non pas eu égard à nous, qui les surpassons en toute sorte de barbarie.

Nous embrassons tout, mais n'étreignons que du vent.

La plus grande chose du monde c’est de savoir être à soi.

C'est une perfection absolue et pour ainsi dire divine que de savoir jouir de son être.

Le maniement et l'emploi que les beaux esprits font de la langue lui donnent du prix, non pas tant parce qu'ils la renouvellent que parce qu'ils lui demandent des services plus vigoureux et divers, en l'étirant et en la ployant. Ils ne lui apportent pas de mots, mais ils enrichissent les leurs, ils leur donnent une signification et un emploi plus importants et plus profonds, ils apprennent à la langue des mouvements inaccoutumés, mais avec sagesse et ingéniosité.

La mort est un criminel qui ne sera point coupable de ces crimes et actes

J’ai peur que nous ayons les yeux plus grands que le ventre, et plus de curiosité que nous n’avons de capacité. Nous embrassons tout, mais nous n’étreignons que du vent.

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Chacun appelle barbarie ce qui n’est pas conforme à ses usages.

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Me demandez-vous d’où vient cette coutume de bénir ceux qui éternuent ? Nous produisons trois sortes de vent : celui qui sort par en bas est trop sale ; celui qui sort par la bouche s’expose à quelque reproche de gourmandise ; le troisième est l’éternuement ; et, parce qu’il vient de la tête et qu’il n’implique aucun blâme, nous lui faisons cet honorable accueil. Ne vous moquez pas de cette subtilité ; elle est (dit-on) d’Aristote.

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Comment assouvissait-il des envies qui croissent à mesure qu’elles se remplissent ? Qui pense à prendre, ne pense plus à ce qu’il a pris. Rien n’est plus propre à la convoitise que l’ingratitude.

"Quand je danse, je danse ; quand je dors, je dors"

Et moi quand je dis jeudi je danse, jeudi je danse
Derfuchs

Je sais c'est iconoclaste mais je n'ai pas pu résister (j'en ris encore)

- Je n'ai rien fait d'aujourd'hui.
- Quoi ? N'avez vous pas vécu ?
c'est non seulement la fondamentale, mais la plus illustre de vos occupations.

Mieux vaut pencher vers le doute que vers l'assurance.

La vie n'est qu'un passage, sur ce passage au moins semons des fleurs.