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Critiques de Milo Urban (5)
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Le fouet vivant

Au début du XXe siècle, la Slovaquie est une région archaïque de l'Empire austro-hongrois, un monde rural replié sur lui-même, raviné par les commérages et les frustrations. Avec une noblesse hongroise qui gouverne négligemment ce territoire, les paysans sont à deux doigts de s'embraser... 366 pages plus tard, la poudrière a explosé.

Mais ces pages seront longues à venir.

On se laisse quelque peu engourdir par l’œil ethnographique de Milo Urban qui consacre une longue partie du roman à l'étude de ses spécimens. Puisant dans ses propres souvenirs d'enfance, l'auteur fouille un village bouillonnant de haines recuites, laisse la misère et le désarroi s'accumuler derrière les fenêtres des maisons vidées des bras masculins mobilisés par la guerre de 14. Il tisse le récit avec une multitude de fils tendus prêts à craquer avec une écriture ample et scrupuleuse à la manière d'un prédicateur qui s'acharne à maintenir les ferments de colère en suspens. On a le sentiment d'être en attente d'un homme providentiel, de l'outrage de trop de la part des autorités de l'État qui verra jaillir les convulsions présidant à l'exercice de la révolte, et emporter les garde-fous sur lesquels reposaient ce coin de campagne saigné à blanc...



On progresse donc lentement dans ce roman qui n'a rien de la chronique paysanne traditionnelle. S'il y a des passages lyriques qui décrivent à merveille les ciels changeants et le rythme des saisons, le texte s'évertue à dépeindre tout ce que la guerre détruit, la violence et la misère qu'elle génère et auront raison des convictions et valeurs les plus élémentaires. Même chez ceux qui demeurent à distance du bruit des canons. Nimbé d'un parfum absolu et universel, Le fouet vivant est même sous la plume de Milo Urban un véritable réquisitoire contre la guerre. L'auteur slovaque n'hésite pas à forcer le trait, faire vibrer son propos de paroles ardentes transformant la misère en misérabilisme, ce qui peut parasiter le plaisir de lecture.

Il n'en demeure pas moins que les portraits de personnages pittoresques et l'écriture expressive offrent à ce roman une belle intensité. Il n'a rien d'austère ou de ténébreux, l'écriture incantatoire le pare d'une dimension flamboyante et parvient à nous transporter d'un bout à l'autre de cette histoire dramatique faisant écho au mouvement d'émancipation des slovaques initié à la fin du XIXe et dirigé contre la noblesse hongroise propriétaire de la quasi-totalité des terres.

Belle lecture.
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Le fouet vivant

Il me fallait un U pour mon challenge ABC, je suis tombée au hasard de mes recherches sur cet auteur dont je ne connais nullement. Lisant l'unique critique sur BAbelio, je me suis dit que ce livre serait de toute évidence une belle découverte.

Effectivement, je suis tombée en admiration sous la plume d 'Urban Milo, quel joyau nous offre cet auteur. Toutes les descriptions de la nature, c'est un vrai régal, et cela donne une belle atmosphère de sérénité en contraste avec le thème de la première guerre mondiale.

L'histoire est celle aussi et surtout d'un petit village perdu en Slovaquie, dont ce fléau leur tombe sur la tête comme une fin du monde.

On arrache les fils aux mères, on les prive de leurs bêtes, (moment émouvant d'ailleurs avec une Vache), on leur arrache leur cloche (là encore que d'émotions ) : l'auteur nous livre avec beaucoup d'amour et de réalisme tous ces moments sensibles et cruels qu'ont dûs subir ces villageois dans une totale incompréhension et un grand sentiment d'injustice.

C'est aussi tout un pan de la guerre en Russie, et les répercussions sur la vie du village, la pauvreté, les trahissons, les coups bas, les privations, le chantage etc... bref toute la noirceur de l'humain dans toute sa splendeur.

Puis il y a également le rebelle, celui qui va contre tout cette absurdité, celui qui s'évade et se venge (je ne peux en dire trop) et pour finir comme tout peuple oppressé : c'est la révolution, règlement de comptes, remise en place d'une certaine dignité, un retour vers une liberté. Un grand fouet dans cette miasme d'hommes qui se disent supérieur au nom de la patrie, au nom de leur richesse.



En lisant ce livre, on comprend qu'il fut interdit jusqu'en 1957 ! la vérité fait mal, l'auteur est comme un chien dans un jeu de quilles, il dérange, il remonte à contre courant au risque de faire céder le barrage qui retient cette fragile résistance de tout un peuple. On le tient en joug, mais pour combien de temps ?



Un superbe roman sur cette guerre, mais surtout sur un peuple qui ne demandait qu'à vivre simplement au gré des saisons, se contentant du fruit de leur récolte, de leur labeur au quotidien, dans une quiétude simple et honorable. Au nom de qui, ou de quoi, peut-on arracher un homme à sa vie ?



Une très belle découverte et une plume exquise, un roman très connu ailleurs mais il ne semble peu populaire en France, réédité en 2013 Fayard, gageons qu'il prenne de la hauteur pour un envol de grande ampleur.

Une première édition en 1927, l'auteur âgé alors de 23 ans, remporte un vrai succès immédiat, puis une multitude de traductions et puis le livre fut décrié et interdit par les nazis, le fouet vivant en langue allemande fut dédié aux flammes. Bien qu'il retrouvera sa place d'honneur après guerre, il était difficile de trouver Le fouet vivant en librairie, puis il fut également imposé à l'Université au nom d'une idéologie. Un livre qui donc aussi son histoire, et rien que pour cela il mérite d'être remis en avant.



Challengeur ABC, prenez donc ce U .



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Le fouet vivant

14/18, le village de Rastoky en Slovaquie, son notaire, son maire, ses curés, son traître, ses habitants, ses champs, ses vaches, sa montagne ....



Ce roman ne parle pas à vraiment parler de la guerre, il y a bien quelques passages mais l'essentiel du récit c'est la vie du village et de ses habitants. La guerre, la patrie sont vides de sens pour ces habitants, ce qui compte, ce sont les récoltes, le temps, les naissances, la "vraie"vie. L'irruption chez ces ruraux de la guerre se fait peu à peu, ils en entendent parler, puis on leur prend leurs récoltes, puis on leur prend leurs fils, puis on leur prend leur vaches et on laissent ceux qui survivent pleurer sur leurs champs infertiles.



Il y a de tout dans ce petit monde, les bons, les méchants, les méchants pas vraiment méchants, des femmes, des hommes, des calmes, des fourbes, des colériques, un village où l'on vivait ensemble jusque là.



Le grand intérêt de ce texte c'est de nous montrer comment la colère, la peur, la vengeance, la révolte vont peu à peu s'emparer de ces gens simples face aux injustices qu'ils subissent.



C'est un petit bijou ce roman! Je m'attendais, vu le sujet et le lieu à une lecture un peu terne et ce n'est absolument pas le cas. Il y a même un côté épique dans la vie de Rastoky et un bel éclairage sur la tyrannie de la guerre.



Bref une belle découverte.




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Le fouet vivant

Le Fouet vivant a été publié en 1927. Difficile pourtant de lui donner un âge, à ce livre. Il apparaît en effet singulièrement vivant et neuf. La langue y est particulièrement belle, pétrie d’images et de métaphores qui, loin de rendre l’ensemble pédant ou lointain, nous rivent plus que l’on ne voudrait au réel subi par les personnages. Mais de quoi traite ce livre ? me demandez-vous. Le Fouet vivant nous conte les bouleversements qui secouent le village de Ráztoky, alors que survient la première Guerre Mondiale. Milo Urban nous dépeint ainsi un autre visage de la guerre, loin des tranchées dont on ne fait que deviner l’horreur à l’instar des paysans coincés chez eux. C’est une vie complètement différente que ce que le village a toujours connu, où les femmes s’échinent à travailler la terre sans leurs pères, frères et maris, dans l’espoir de pouvoir tirer de leurs champs assez pour se nourrir tout l’hiver. Ils se trouvent bientôt exploités par l’officiel du coin, pillés par les militaires chargés de maintenir l’ordre et sermonnés par le vicaire qui, en bon chrétien qui hait le péché, a fini aussi par haïr les hommes.



Mais on ne compatit avec le sort des villageois qu’un temps : loin de présenter une vision idéalisée d’un peuple opprimé qui prend conscience de ses chaînes, Milo Urban dénonce également l’hypocrisie et la mauvaise foi des habitants de Ráztoky, qui vont condamner l’un et pardonner à l’autre pour une même faute ; et qui vont longtemps grincer des dents contre l’oppression sans trouver les moyens pour agir. Ce n’est pas une condamnation franche, qui ne serait là que pour servir la satire la plus noire possible : on nous fait comprendre pourquoi le villageois lambda réagit ainsi, et l’auteur ne tombe jamais dans le tort du vicaire, qui méprise tous les hommes sans voir ses propres travers. C’est ce qui fait le force de ce roman : la fresque peinte par Milo Urban est certes sombre, peut-être même tâchée de rouge à certains endroits, mais elle est humaine et sans caricature. L’histoire n’est pas exempte de personnages attachants, et on suit avec intérêt les aventures désastreuses du couple Hlavaj, ou de la vieille Ilčička et de son fils.



Le roman connut un grand succès à l’époque mais, la préface nous le rappelle, fut inscrit sur la liste des livres à brûler pour les Nazis et interdit par le parti communiste jusqu’en 1957, avant de devenir un classique. Le peuple de Ráztoky se libèrera-t-il des jougs qui pèsent sur lui ? Je ne saurai trop vous inviter à lire Le Fouet vivant pour l’apprendre par-vous-mêmes.
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Le fouet vivant

Avec "Le fouet vivant", Milo Urban parvient à écrire un récit de guerre, sans qu'il y soit question de champs de batailles ou de combats soldatesques. La violence y est pourtant bien présente...



Ráztoky est un village slovaque dont les habitants, en ce début du XXème siècle, vivent essentiellement de la terre. C'est un village comme beaucoup d'autres, avec ses notables : son notaire (représentant de l’État sous la monarchie austro-hongroise), son maire, son vicaire, son pasteur, avec son souffre-douleur, ses bigotes acerbes et envieuses, avec ses lâches et ses héros anonymes.



Les hommes valides de Ráztoky sont partis au front, laissant derrière eux des mères éplorées et des épouses vulnérables. Certains profitent de leur absence et du pouvoir que leur confère leur statut social pour abuser de la détresse de certaines... Tout comme, au nom de la sacro-sainte patrie, ils profitent des réquisitions de vivres (récoltes et bétail) pour alimenter des réserves personnelles soigneusement dissimulées, pendant que les citoyens du village crient famine. Rares sont ceux qui, même parmi ces derniers, font preuve de solidarité, de compassion. Au contraire, les difficultés exacerbent la cruauté et les instincts individualistes, révèlent la bassesse des âmes.



Le village, appauvri et affamé, privé de ses forces vives, fait peu à peu entendre des rumeurs de rébellion...



Sous le couvert d'une plume simple mais éloquente, qui flirte même, parfois, avec une forme de bonhomie, Milo Urban nous livre en réalité un récit cinglant et sans concessions, le portrait vitriolé d'une société certes réduite, mais qui constitue un échantillon représentatif du meilleur comme du pire de ce que l'humanité peut offrir.



Sans argumentation philosophique, en s'attachant à dépeindre le quotidien d'individus ordinaires au destin sans gloire, en rappelant sans cesse à quel point la vie peut être belle et simple (notamment par ses descriptions d'un environnement naturel omniprésent), il parvient à exprimer tout le dégoût que lui inspire la guerre, à démontrer son absurdité et ses retentissements destructeurs, à fustiger l'annihilation de la dignité et de la fraternité humaine qu'elle implique.



J'ai beaucoup aimé son écriture d'une élégante simplicité, et sa capacité à rendre avec autant de justesse l'existence de ce village et de ses habitants, que l'on finit par avoir le sentiment de connaître depuis longtemps...
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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