De la fantasy à la science-fiction, les auteur·rice·s des littératures de l'imaginaire s'amusent à subvertir les normes. Et si côtoyer l'étrange nous ouvrait à ce qui nous est étranger ?
Animé par Willy Richert.
Avec les auteur·rice·s
Maëlle Desard (Dents de soie, Slalom),
Mo Abbas (Dictionnaire des ogresses, le port a jauni),
l'auteur-illustrateur Jérémy Perrodeau (Le Visage de Pavil, Éditions 2024)
et l'illustrateur Nicolas Zouliamis (Monstres, Thierry Magnier Éditions et L'Étrange Boutique de Viktor Kopek, Saltimbanque).
Avec la participation d'Elyne Briand Drean et du club de lecture du collège Saint-Michel - Guéméné-Penfao (44). Un grand merci à Claire Blet, professeure.
Et la voix de Cécile Ribault Caillol pour Kibookin.fr
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L'orage
L'orage éclate en cataractes,
serrée comme des sardines dans un abribus,
une armée de badauds piétine.
Au-dessus des balcons clôturés de canisses,
les gouttières percées vomissent
des cascades de liquide terreux,
qui éclaboussent la chaussée craquelée
où une étrange cartographie se dessine
quand l'éclaircie succède à la pluie.
Et dans le silence cotonneux
qui plane à cet instant
entre ces deux temps,
on entend battre le coeur de la ville.
Ce soir on va rire
la vie, c'est comme l'humour
pas forcément drôle
Le lampadaire
Arbre candélabre
planté au carrefour entre la terre et le ciel
un lampadaire s'allume par intermittence.
Il fait de l'ombre à la nuit
et à ses mystères fertiles,
il brille, il illumine le sommeil des exclus,
les chiens qui hurlent à la lune
en se soulageant à ses pieds,
les chats et les passants gris,
les somnambules dont il est le guide
et le sauf-conduit.
Il rebondit, il réfléchit,
il irradie l'écho de nos pas dans la nuit.
Mais que reste-t-il du réverbère
quand le soleil surgit ?
Un lampadaire à l'agonie,
un souvenir éphémère
comme les ailes d'un papillon de nuit,
qui commence la journée
par s'éteindre.
Oni
(Japon)
Les oni sont des démons qui peuvent prendre l'apparence d'ogresses hideuses à la taille gigantesque, avec une bouche à trois dents qui va d'une oreille à l'autre, un troisième œil, trois doigts à chaque main, des griffes acérées, des cornes protubérantes sur le front, le poil ébouriffé et parfois la peau rose ou bleue. (46)
La réalité, c’est que l’ogresse est une bête noire sur laquelle on projette nos peurs et nos angoisses face à la Nature primaire et sauvage. Et sauvage, c’est bien ce qu’elle est: libre, solitaire et instinctive, nue et sans frein, avec une insatiable soif de vie. Et, par extension, une rebelle, une anticonformiste, insoumise, transgressive, désobéissante et indomptable. Tout ce que l’on voudrait être sans jamais oser le devenir. Du Maroc aux îles grecques, du Mexique à la Russie, voilà pourquoi l’homme en a peur. Une femme aussi libre, qui ose vivre seule, non, non et non ! Ce n’est pas possible ! Il faut l’invisibiliser avant qu’elle ne nous contamine et donne le mauvais exemple à d’autres femmes. Mais autant cacher une botte de foin dans un aiguille…
Bistrots fermés
maisons éboulées
et un abricotier
Souffle la tempête et s'envolent les heures
laissons filer dans le vent
regrets et souvenirs d'antan