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Critiques de Monika Sznajderman (6)
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Faux poivre

Merci aux Éditions Noir sur Blanc et à l’opération Masse critique pour l’envoi de ce livre !



Monika Sznajderman ignorait tout de la famille de son père, celui-ci ne parlait pas du passé ni de sa famille, tous décédés.

Elle connaissait par contre les membres de la famille aristocratique de sa mère.

C’est à la réception de photos envoyés d’Australie par des parents éloignés de son père qu’elle s’est penchée sur l’histoire conjointe mais si différente de ses origines.



La famille de son père est juive, et hormis celui-ci tous ont péri alors qu’au même moment, du côté maternel, on vivait sans se préoccuper véritablement de ce qui arrivait aux juifs.

Certes, il y avait de la commisération pour les juifs avec qui l’on était en relation mais il existait deux mondes qui cohabitaient sans se connaître ni se mélanger.



Les recherches entreprises par Monika Sznajderman au départ de ces photos ont été considérables au point souvent, en début de lecture, d’être fastidieuses lorsqu’elle nous détaille par exemple le nom de toutes les personnes habitant un immeuble, avec leur métier, où les diverses rubriques d’un journal paru à une date donnée; ce ne sont que des exemples, il y a de nombreux autres détails qui m’ont paru superflus tout au moins jusqu’à ce que les événements tragiques soient relatés.

Après avoir développé la tragédie de la partie paternelle, elle nous plonge dans un tout autre monde, où alors que les juifs polonais se font massacrer, l’on vit relativement bien.

Les années après-guerre en Pologne

sont évoquées aussi : le refus de voir les juifs reprendre ce qui leur appartenait, leur prétendue attachement su communisme, et les pogroms qui se sont produits.

Radom, ville où vivaient tant de juifs n’a gardé aucune trace de ceux-ci.



Ces deux histoires suscitent chez l’auteure et par répercussion, sur ses lecteurs, de nombreuses questions : pourquoi n’avez-vous rien vu ? pouviez-vous ne pas savoir ? pourquoi n’avez-vous rien fait ? nous-mêmes, sommes-nous innocents ? l’indifférence peut-elle tuer ?

La réponse à ces questions est difficile, Monika Sznajderman le reconnaît, mais ne doivent-elles pas être posées ?

C’est tout l’intérêt de ce livre !



Ajoutons que les photos qui ont suscité la rédaction de ce livre y figurent, elles sont très nombreuses et toujours commentées. Elle contribuent à l’effort, à la volonté, et su devoir de l’auteure de se souvenir, de ne pas oublier. Et sans elle, c’eût été le cas...



Cette histoire familiale m’a fortement intéressé, et c’est bien évidemment dû à mes liens avec la Pologne, j’y ai retrouvé cette relation ambiguë d’une certaine partie de l’aristocratie polonaise avec les juifs.

J’avais en effet été profondément choqué lors de mes premiers voyages dans les années soixante-dix tant par les blagues sur les juifs que par la minimisation du nombre de victimes de la Shoa, il en allait de même lorsque je voulais faire visiter Anvers à des Polonais, l’on insistait alors pour aller voir le quartier des diamantaires et là, rire de leurs papillotes.

Je ne voudrais surtout pas généraliser, cela ne concernait peut-être qu’une minorité de Polonais, j’en ai connu bien d’autres qui n’avaient pas et n’ont pas cette attitude, mais je n’avais jamais connu alors ce phénomène et il m’avait indigné.

Les jeunes Polonais heureusement ont changé...

Le gouvernement polonais actuel malheureusement entend gommer de l’Histoire toute faute commise par certains de ses compatriotes, et même punir ceux qui oseraient ternir l’image de la Pologne...



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Faux poivre

C’est à la faveur de quelques photos reçues par son père que l’auteur a entrepris un important travail de recherche au sujet des membres de sa famille dont elle ignorait tout, ou presque.

Si sa famille maternelle est catholique, la branche paternelle est ce qu’elle appelle sa famille juive. Si son père fût rescapé des camps,

Nombreux sont ceux qui ont péri, alors que quelques-uns sont partis ″à temps″ aux quatre coins du globe. C’est grâce à ces derniers, et les quelques clichés, et la parole libéré de ce père longtemps mutique, que l’auteur à entrepris un imposant travail de recherche et de mémoire.

Le présent ouvrage en est le résultat, plutôt réussi, accessible malgré une certaine complexité généalogique, les difficultés inerrante à l’usage courant des diminutifs et surnoms sans que cela soit toujours clairement explicite de la part de l’auteur.

Il n’empêche, ce recueil montre très bien dur plusieurs générations, la sociologie polonaise, la quasi imperméabilité entre les communautés juives et chrétiennes, leurs différences sociales et culturelles avec tout ce que cela à impliqué sur le comportement des ″ polonais ″ lors de la montée du nazisme, et de la mise en place des mesures anti-juives. Il y a eu autant d’aveuglement, de courage que de lâcheté voire d’ignominie.

Sans parti pris, l’auteur n’élude rien, ne juge personne mais raconte, au travers de l’histoire de sa famille, l’histoire complexe et douloureuse de son pays.

Un ouvrage très intéressant, vivant, abondamment documenté et illustré de photos de qualité ; différent de tout ce que j’ai pu lire sur le sujet et la période, et pourtant complémentaire.


Lien : https://leblogdemimipinson.b..
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Faux poivre

Ce livre est un témoignage, une enquête familiale, une enquête sur l'Holocauste, avec une rigueur extrême, des références bibliographiques. Elle recherche les origines de sa famille:



" Ce sont en vérité deux familles, l'une juive, l'autre polonaise, celle de son père et celle de sa mère"



Elle a grandi avec sa famille maternelle, grand-mère, oncles tandis que sa famille paternelle se borne à la personne de son père, seul rescapé de la Shoah. Des cousins éloignés, d'Amérique et d'Australie, ayant quitté la Pologne ont fait parvenir des photos que les disparus avaient envoyées. Ces photos illustrent le livre ; nous découvrons avec l'auteur les visages, leurs habits, les décors et  suivons le déroulement de l'enquête. Elle découvre ses ancêtres et leur ville d'origine



"En vérité, de toutes les injonctions rabbiniques, la plus durable et singulière est Zakhor ! Souviens-toi !"



 [...]



Voilà pourquoi je creuse et j’accumule, je relie et je recueille. Des morceaux d’histoire déterrés, des rares

documents et des paroles, plus rares encore, de mon père, rescapé de l’Holocauste, je construis un récit."



Radom, la ville d'origine de ses ancêtres paternels a perdu tous ces juifs alors que la communauté juive formait le tiers de sa population en 1930.



" Il existe en Pologne de nombreuses villes invisibles, mais Radom semble particulièrement saturée d’invisibilité. Ici, rien ne rappelle rien, rien ne s’accorde avec rien. "



[...]



"Et pourtant, malgré l’absence de traces matérielles du passé, une autre vie continue d’exister sous la surface du

Radom d’aujourd’hui ; les morts continuent de vivre leur existence de fantômes. Leur présence est absente, et sa marque n’est pas tant quelque chose, que rien : le vide à l’endroit de l’ancien quartier juif de Radom, sur lequel

hurle le vent. Ainsi qu’une étrange douleur fantôme qui me surprend de temps à autre quand je pense à eux tous."



L'auteure mène une enquête précise, recherche les adresses, les habitants , leurs occupations avec un luxe de détails qui peuvent peut-être lasser le lecteur mais qui démontre le sérieux du travail comme les citations de divers spécialistes.



La grand-mère de l'auteur est assassinée en 1941 dans le pogrom de Zloczow. Le récit du pogrom est glaçant. Comme la vie dans le ghetto de Varsovie jusqu'en 1942 où vivait le grand-père de Monika Sznajderman, médecin rejoint par ses deux fils. A la veille de la fermeture du ghetto, paraissait dans le gazette destinée à faire croire qu'une vie normale s'y déroulait encore la petite annonce suivante :



..."l’usine de produits alimentaires Saturne, dont le siège social se situe à Varsovie, au 7 de la rue Grzybowska, met

en garde tous ceux qui se sont procuré du poivre présenté dans des emballages de la firme auprès de revendeurs

non autorisés, leur demandant de vérifier qu’il est bien authentique. En effet, une bande de faussaires échange du

vrai poivre contre de la spergule des champs moulue. « Dans Grande Action. Dès le 22 juillet 1942, le ghetto était complètement  fermé..."



Cette annonce explique sans doute le titre du livre.



Après l'histoire de sa famille paternelle et de la liquidation de tous ses membres (sauf Marek son père). Monika Sznajderman raconte, photos à l'appui, sa famille polonaise : des aristocrates, riches propriétaires. Le grand père industriel qui a fait fortune en Russie, l'a perdue à la Révolution d'Octobre. Ses oncles ont eu des destins variés, l'un architecte de gauche s'est trouvé sa place après la guerre, tandis que l'autre nationaliste militant a été emprisonné. J'ai été plus dépaysée dans cette partie du livre



"Nous, nous avons tous survécu, eux sont tous morts". 



" Deux courants de la vie sous l’Occupation – juif et polonais – n’avaient pratiquement aucun point de rencontre."



Il est difficile de comprendre comment la population polonaise a ignoré l'anéantissement des Juifs.



" Car je regarde à travers des lunettes doubles, et eux regardent avec moi. Car j’ai perdu mon innocence, les privant par là même de la leur aussi. Ainsi mes ancêtres polonais sont-ils devenus responsables avec moi du sort de mes ancêtres juifs –  ma famille juive de Varsovie et de Radom, de Miedzeszyn et de Śródborow, que je n’ai jamais connue, et tous les Juifs avec qui les Rozenberg..."



"Les nobles terriens du voisinage ne prêtent aucune attention, semble-t-il, au sort des Juifs de Łęczna, avec

lesquels mes parents polonais et leurs voisins étaient liés de longue date par des relations commerciales et sociales, souvent intimes et cordiales. "



Comment des courses de chevaux ont continué alors que le Ghetto de Varsevie était anéanti? Comment un pogrom se déroulait dans la parfaite indifférence (le meilleur des cas) mais souvent avec la complicité des Polonais? L'antisémitisme fut instrumenté par les politiques. La population s'est jetée sur les biens abandonnés par les Juifs.



"Dès le début des années 1940, avant que la machine hitlérienne d’extermination de la population juive ne se mette en branle, une fraction importante de la société polonaise avait mentalement projeté le vide que laisseraient les Juifs et, au mieux, en avait pris acte, au pire, s’en réjouissait et le louait pleinement."



Quel mot étrange, pożydowskie – « qui reste après les Juifs ».



Tous les Juifs iront à la poubelle », dit Klimer. C’en est fini des Juifs, maintenant, c’est « après les Juifs »



Monika Sznajderman conclue son livre par la rencontre de ses deux parents, tous les deux médecins. Mais la question de la responsabilité de la population polonaise dans la Shoah  et même après et l'antisémitisme qui perdure reste ouverte. 
Lien : https://netsdevoyages.car.blog
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Faux poivre

C'est avec plaisir que je retrouve les Éditions Noir sur Blanc, non pas avec un roman, mais avec un récit biographique qui nous plonge dans le passé de ces familles polonaises, dont est issue Monika Sznajderman. L'auteure polonaise est à la tête de la maison d'édition Czarne (noir). Elle s'essaie ici pour la première fois à l'écriture, en effectuant un retour dans le passé, de part et d'autre de ses racines familiales. La première de couverture est d'ailleurs l'une des photos de sa famille paternelle, la dame qui pose est sa grand-mère paternelle. Elle s'adresse à son père Marek, lorsqu'elle y évoque sa famille, et remonte le fil du temps avec lui, elle se rappelle également sa mère, indirectement, en toute fin de récit. Monika Sznajderman est juive, son père a survécu à Auschwitz, et ses racines, du côté de sa mère, trouvent leurs origines chez de riches propriétaires terrains. Monika Sznajderman est un antagonisme à elle seule, un faux poivre, " la fameuse graine de paradis à la saveur si proche du poivre, mais au prix bien moins élevé que le véritable poivre". Outre le côté historique, ce récit de faire comprendre à quel point ses origines familiales, si on les met en parallèle, sont dissonantes, en revenant sur cette Pologne du XXe, qui a été après l'Allemagne, le centre névralgique de la seconde guerre mondiale.



Un récit, un essai, une biographie... c'est un texte composite, accompagné de photos de famille d'excellente qualité. Il y a énormément de photos, un tas que l'auteure décrit avec nostalgie, tendresse et tristesse, ce temps des jours heureux, d'un bonheur sans nuages et presque sans ombres. Elle le vit avec eux, elle essaie d'en goûter la saveur, sachant très bien l'horreur qui n'est pas très loin, d'en saisir furtivement les dernières traces, les ultimes soupirs. Car il y a d'abord les Weissbaum, les Rozenberg, les Sznajderman la famille de son père, le seul qui soit ressorti vivant de l'Holocauste, ces photos, on le comprend vite, sont d'autant plus précieuses, que c'est le seul souvenir qu'elle garde, après le massacre de sa famille et le pillage de toutes leurs affaires. C'est pour cette raison que j'ai pris soin de les regarder avec attention le souvenir de ces personnes disparues, vivant alors encore un bonheur doux, dans cette maison disparue elle-aussi, avalée par le souffle destructeur des nazis après avoir été dépouillée par l'avidité des voisins, des passants. Ils étaient ce qu'ils appelaient des juifs assimilés, mais juifs tout de même et ils ont vécu ce que la majorité d'entre eux a subi : la ghettoïsation, la délation, le vol, l'ostracisation, la destruction. Seul son père en est ressorti, traumatisé, mais vivant. Avec les membres plus éloignés de la famille, exilés aux États-Unis ou en Australie, ceux qui ont fui à temps, et qui lui ont fait parvenir les ultimes traces du bonheur, presque effacé.



De l'autre côté, les Lachert, la famille maternelle, les Polonais, ceux qui plutôt bien vécu d'un bout à l'autre de la guerre malgré les restrictions imposées, cette partie de sa famille qui a soutenu le parti nationaliste polonais, profondément antisémite, qui a cautionné dès lors les exactions les plus sombres du régime nazi. De fait, le conflit intérieur la tiraille devient plus évident aux yeux du lecteur, sachant pertinemment que l'un côté de sa famille a approuvé les meurtres des membres de sa famille paternelle. Monika Sznajderman est prise entre plusieurs eaux, partagée par la rancœur qu'elle ressent pour leur lâcheté, leur aveuglement et leur inaction et cette tendresse envers ces aïeux prestigieux. Évidemment, cela n'est pas surprenant, l'auteure consacre moins de pages à ce pan-ci de sa famille, le sort que l'histoire lui a réservé lui ayant été plus clément.



Entre ces deux portraits de famille, l'éditrice nous ramène au plus près de ces pages historiques, que sans ce récit je n'aurais jamais observées d'aussi près ; des villages, des villes transformés, des propriétés détruites, au cœur du ghetto de Varsovie, sur l'Umschlagplatz. Voilà l'histoire polonaise vue de plus près, de l'intérieur, au plus profond de son intimité, de ce qu'elle aimerait oublier, c'est une vision inédite, édifiante, instructive et captivante. D'une partie de cette Pologne qui n'existe plus, rayée de la carte, comme la ville de Radom, dont la présence juive a été effacée, oubli providentiel du passé, visiblement encore trop lourd à porter, entretenu avec soin par les habitants : cette Radom ou l'auteure cherche désespérément, en vain, des traces de sa famille disparue, cette même Radom où est domiciliée l'imprimerie sa maison d'éditions. En évoquant le seul membre de sa famille rescapé des camps de la mort, son père et le silence qui le caractérise sur ses années là-bas, l'auteure me rappelle ces mots de Jorge Semprun qui dans L'écriture ou la vie évoque de la même façon cette incapacité caractérisant les survivants de la Shoah à parler de ce passé. L'auteure fait part des doutes qui la traversent quant à sa légitimité à raconter les années d'enfermement de Marek son père, lui-même dans l'incapacité de s'y résoudre, et elle laisse le soin à l'historien Yehuda Bauer d'y apporter une réponse, qui me parait fort sensées



La Pologne était le pays qui comptait le plus de juifs pendant longtemps, j'ai été surprise de constater à travers le récit à quel point ils formaient une communauté vraiment à part, comme si l'on ne pouvait pas être à la fois polonais et juif, comme si leur judaïté leur conférait une nationalité, certes inconnue. C'est que l'auteure donne particulièrement à voir, à travers non seulement cette frontière imaginaire qu'elle retrace et qui sépare les deux côtés de sa famille. Et d'ailleurs, elle rappelle un point qui n'est pas forcément très connu, disant que l'antisémitisme en Pologne n'a pas pris fin avec la guerre, que d'autres tueries ont été commises ultérieurement à la capitulation allemande, ce qui explique d'ailleurs la création de l'État d'Israël - à tort ou raison, je ne vais pas m'aventurer dans ce débat ici.



Ce récit est un coup de cœur, encore davantage parce qu'il rentre en résonance avec les souvenirs, qui n'ont pas encore eu le temps de vieillir, que je garde d'Auschwitz, de Varsovie, Cracovie et Gdansk. Comme le révèle Martin Pollack dans sa préface de l'ouvrage, ça a été pour Monika Sznajderman un dur et douloureux labeur, non seulement de lever le voile sur l'histoire de ses deux familles, sur le massacre de sa famille paternelle, sur la part de culpabilité que porte forcément de sa famille maternelle, sur le fait qu'elle doive assumer aujourd'hui cet antagonisme qui survit en elle. Et plus que tout, elle ressent l'obligation d'endosser le devoir d'entretenir, et même plus, de redonner vie aux mémoires effacées après la destruction même de toute trace de leur présence. Ce récit est un ouvrage vraiment précieux, que je ne peux que vivement recommander. Merci encore Babelio, merci les Editions Noir sur Blanc de m'avoir accordé l'opportunité de découvrir ce titre.
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Last and Lost : Atlas d'une Europe fantôme

«Il ne s’agit pas de découvrir un secret ou quelque chose qui serait encore ignoré, mais plutôt de faire une nouvelle lecture de l’histoire sédimentée dans cette friche ; il s’agit de l’émancipation du regard, de la délivrance du préfabriqué. Ou de son impossibilité.»



Ceci résume bien «Last & Lost, Atlas d’une Europe fantôme», exploration en quinze textes de ces lieux qui s’étiolent, aux franges de l’Europe ou bien tout près de nous, et ponctués de photographies qui leur répondent.



Confins géographiques, aux bords de l’Europe, vestiges des dictatures ou de la terreur nazie, jungle postindustrielle, échec de la construction d’une cité utopique, avancée de la nature qui repousse les hommes, ces textes sont tous empreints d’une nostalgie subtile ou profonde, mais aussi de cette volonté de regarder autrement.



Au-delà du témoignage, du retour nostalgique, certains récits sont aussi des pépites romanesques, et notamment «Une ville derrière les barbelés» de Svetlana Vasilenko. La narratrice retourne dans sa ville natale de Kapoustine Iar, pour y filmer un documentaire sur son enfance. Même prononcer le nom de cette ville était chose interdite du temps de l’Union soviétique, car elle était alors champ de tir nucléaire et d’expérimentation de nouveaux missiles. Le tournage du film sous surveillance militaire entraîne une plongée fantastique dans un passé enfoui, depuis les légendes de la mythologie mongole jusqu’aux tensions extrêmes du temps de la guerre froide.



Nombre de ces textes ont une teinte poétique envoûtante, née du lien entre le présent et un passé érodé, tel « Ada Kaleh, Ada Kaleh… » du roumain Mircea Cartarescu : L’île d’Ada Kaleh sur le fleuve Danube, habitée par les turcs qui y confectionnaient des douceurs sucrées, était le motif d’un tableau que le narrateur avait dans sa chambre d’enfant. Cette île fut engloutie en 1970 par le régime Roumain pour la construction d’une centrale hydro-électrique.



«Un très ancien mythe valaque parle de Manole, le maître maçon qui a souhaité construire le plus grand monastère du monde. Mais tout ce qu’il élevait le jour s’écroulait la nuit. Il m’arrive de penser que c’est à dessein qu’il n’élevait que des ruines, comme à Héliopolis, à Teotihuacán, à Pompéi, à Rome et partout sur la surface de cette tragique terre, comme un memento mori de la tragique ruine cosmique sur laquelle nous vivons.»
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Last and Lost : Atlas d'une Europe fantôme

Quinze briques de poésie et d'étrangeté venues des confins abandonnés de l'Europe...



Un livre étonnant : 15 textes, 15 auteurs, 15 photographes pour plonger dans les "confins" abandonnés de l'Europe : Vardo (village le plus oriental de Norvège), Virbalis (en Lituanie, ancienne gare gigantesque de la frontière russo-prussienne), Glaisin Alainn (théâtre amateur de plein air à la pointe Sud-Ouest de l'Irlande), la côte anglaise du Suffolk qui disparaît peu à peu dans la mer du Nord, Broustoury en Ukraine (la "Transcarpathie" à l'intersection de l'Ukraine, de la Roumanie, de la Hongrie et de la Pologne, Ada Kaleh (île engloutie par le lac du barrage des Portes de Fer sur le Danube), Boliqueime (terres désolées de l'Algarve), Corleone (en Sicile, après les tentatives de réforme agraire), Döllersheim (en Autriche, le plus grand champ de tir de la Wehrmacht), Kapoustine Iar (en Russie, près de l'ancienne capitale de la Horde d'Or), Hohenlychen (ancien sanatorium nazi), Tirana en Albanie, Rasa en Croatie , Progradec en Slovaquie, et enfin Amsterdam et ses ports "abandonnés et reconquis".... 15 briques de poésie et d'étrangeté !



Un exemple entre autres, à propos du terre-plein de théâtre de Glaisin Alann : "Là où l'on danse, disait mon ami, il faut au moins avoir de la place. De ...la liberté de mouvement. Quiconque entrave cette liberté n'est pas seulement un ennemi de la scène et de l'art en général, il est son propre ennemi. Le missionnaire de Kerry et le recruteur de l'IRA ont été tout simplement absorbés par la foule, la musique, les rires. Les danseurs continuèrent à s'étreindre et à s'embrasser, et ce que l'homme du Nord accomplit n'offrait même pas matière à rumeur."

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