Citations de Nathalie Sulivane (56)
Les animaux ont ce truc pour sentir le danger, il sait qu’avec son poids il pourrait faire craquer la glace. Au même moment, il nous remarque, alors que j’aperçois une faible lumière sur le lac gelé. Lia… Je n’ai que quelques secondes pour réagir.
— Alpha, reste ici, ordonné-je à mon loup qui se tient droit à côté de moi.
Je braque mon fusil en l’air et tire pour effrayer l’animal. Ce n’est pas la première fois que je me retrouve dans une telle situation, mais je dois avouer que cette fois-ci, je ne fais pas le fier. L’ours adulte est d’une taille imposante, il ouvre une gueule aussi grosse que lui, laissant dégouliner des filets de bave au passage, donnant des coups de pattes dans l’air. Je tire une seconde fois, rien n’y fait, il a clairement la dalle et ne laissera pas tomber.
Je n’ai qu’une microseconde pour réfléchir. Mon cœur tambourine à toute allure et résonne dans mes oreilles alors que j’essaie bêtement de me protéger le visage à l’aide de mes bras. C’est dans des situations telles que celle-ci que notre corps réagit par automatisme. Oubliées les courbatures, le froid qui a dû geler mes os, pensé-je ironiquement, en deux temps trois mouvements je me retrouve sur mes pieds. Je braque le faisceau lumineux sur l’animal, il recule légèrement. Il me paraît immense ! Debout, sur ses deux pattes, il émet des sortes de grognements. Clairement, il a la dalle !
Depuis notre premier baiser, notre relation s’installe doucement. Des échanges passionnés, quelques câlins, des mains qui caressent, des doigts qui s’entremêlent… Stanford m’a expliqué qu’il souhaitait prendre son temps, même si le désir se fait de plus en plus présent, j’apprécie ce que l’on partage. Quelque chose le retient, un truc si important qu’il s’empêche de se donner à cent pour cent pour moi. Je le ressens, j’ai essayé de lui en parler, mais il se referme dans sa bulle à chaque tentative.
Je ne suis qu’un lâche. Pourquoi ai-je fait semblant de ne pas savoir me servir du pistolet à fusées de détresse alors que je sais depuis que je suis secouriste en montagne ! Je ne suis qu’un naze qui a voulu garder Lia auprès de moi parce que cette solitude me pèse trop, m’accable et me détruit à petit feu. Elle, elle est la petite lueur d’espoir qui anime tout mon être et me donne envie de retrouver une vie normale.
On se plaint tous de cette vie oppressante, déstabilisante. Peu de personnes ont la chance de voir ce que je vis à l’instant T. Je ne ressens aucun stress, je sais déjà que ma journée sera faite de découvertes, de moments précieux et se déroulera à mon rythme. Au milieu de la forêt et de l’étendue blanche, qui pourrait être sur les nerfs ? Qui pourrait se sentir mal et angoissé ? J’ai choisi de laisser de côté mon accident d’avion pour l'instant. Au printemps, je devrai prendre sur moi pour tout raconter aux autorités et aux familles des victimes. Je devrai retrouver les miens et vivre à nouveau dans cette vie faite de lignes bien tracées. Mais pour le moment, je n’ai pas envie de ça.
Moi qui n’avais plus la force de recommencer quelque chose, voilà que cette nana me fait craquer. Est-ce vraiment par hasard que le destin l’ait mise sur ma route ? La petite flamme qui était éteinte au fond de mon âme reprend vie petit à petit. Lia pourrait être la femme qui me donnerait envie de croire à nouveau en la magie de la vie ? Elle pourrait essuyer mes défaites, effacer mes douleurs… me redonner ce second souffle que je n’avais plus. Elle pourrait me réanimer, simplement.
L’amour s’est peu à peu éteint, pas la peine d’insister quand les sentiments ne sont plus là.
Elle était d’une beauté incroyable, d’une douceur exquise, explique-t-il les yeux dans le vague perdu dans ses pensées, elle aimait la nature, les gens et elle avait ce grain de folie que tu as également.
Je passe mes bras autour d’elle et la serre contre moi. Elle commence à me rendre dingue, j’essaie de ne rien laisser entrevoir, mais mon cerveau est connecté en permanence sur Lia. Elle est belle et attentionnée, prévenante et gentille. Elle s’est même immiscée dans mes rêves cette nuit, c’était si… doux, charnel, sensuel… Je ne savais plus où j’en étais en me levant, j’étais comme perdu, plongé dans mes vieux souvenirs, ceux qui m’interdisent d’aimer à nouveau une femme.
Je suis en vie et je dois profiter de chaque instant qu’elle m’offre ! Je peux respirer à pleins poumons, je peux rire, pleurer, sentir le froid à travers tout mon être, mes pas craquer dans la neige !
Soyons réalistes, tout le monde a peur du loup. Toutes ces histoires, ces images à la télévision, ces légendes… ça fout les chocottes aux gens, alors que les hommes sont ses pires ennemis.
Avec un peu d’endurance, de patience et de passion, on arrive à tout.
On ne peut pas être insensible face à la mort, c’est simplement que lorsqu’on y a été confronté à plusieurs reprises, nous y sommes un peu plus habitués.
Le froid est si mordant, insisté-je, qu’il traverse chaque pore de votre peau, s’immisce en vous lentement pour vous faire souffrir, jusqu’à atteindre l’extrémité de chacun de vos membres. Ils finiront gelés un à un, puis vos organes vitaux seront touchés, votre cœur ralentira doucement, vous aurez de mal à respirer et…
Je ne voulais plus jamais tomber sur une nana, mon unique souhait est d’être seul, avec Alpha et que personne ne vienne perturber ma tranquillité et m’emmerder. Je n’ai pas besoin qu’on s’introduise dans ma vie par surprise ou qu’on s’occupe de moi, et encore moins qu’une gonzesse débarque à l’improviste ! Mais c’est cette putain de conscience qui m’a répété que je ne pouvais pas ne pas aller voir s’il y avait des survivants ! Pour quel être inhumain serais-je passé lorsque j’aurais rejoint la vallée au printemps en informant la population que j’ai aperçu le petit avion se crasher sans venir en aide à ses occupants ?
Si on m’avait dit il y a quelques mois que je découvrirais cette vie, une existence rudimentaire où l’essentiel suffit pour vivre, où les choses ont de l’importance, sans stress, sans prise de tête, un homme qui m’a appris à voir le monde autrement, à se contenter de ce qu’on a, à aimer… je ne l’aurais pas cru.
Aujourd’hui, je ne sais plus quel est mon avenir. Je suis perdue. On me pense sans doute morte depuis des mois, ma famille doit être complètement détruite, quant à mon petit ami de l’époque… Quelqu’un l’a remplacé.